Accusations de travail dissimulé, harcèlement moral et fraude : chez MTArt, l’agent ne fait pas le bonheur
Le monde de l’art se dit tolérant, ouvert, à l’avant-garde des questions de société. Derrière les paillettes et les bons sentiments, la réalité est parfois tout autre. A son échelle, l’affaire MTArt en offre un bon exemple. L’histoire débute par des « stories » publiées le 24 septembre sur #balancetonagency, un compte Instagram qui, depuis 2020, partage les témoignages anonymes de victimes présumées de harcèlement dans les agences de communication.
« Elle m’a dit que j’étais une pleurnicheuse, que les faibles ne pouvaient réussir dans sa boîte », lâche un post accusant MTArt, aujourd’hui effacé. « Elle », c’est Marine Tanguy, 33 ans, la patronne de MTArt Agency, une agence fondée en 2015 à Londres qui se présente comme une alternative aux galeries et sert d’intermédiaire entre les artistes, les collectivités et les marques. Classée en 2018 par Forbes parmi les « 30 Under 30 », le palmarès des trente jeunes entrepreneurs de moins de 30 ans, sa jeune fondatrice compte une vingtaine d’investisseurs, dont l’entrepreneur Frédéric Jousset, patron du groupe Beaux Arts & Cie.
Aujourd’hui, ce sont les trois employées du bureau parisien de MTArt (qui disent ne pas être à l’origine des posts sur #balancetonagency), épaulées par treize artistes, qui comptent saisir en octobre le conseil de prud’hommes ainsi que le procureur de la République. Les chefs d’accusation sont graves : travail dissimulé (un délit passible de trois ans d’emprisonnement et de 225 000 euros d’amende pour l’entreprise coupable), fraude fiscale, fraude douanière et harcèlement moral.
Pressions et humiliations
Elise (tous les prénoms ont été modifiés) a été recrutée en septembre 2021 pour diriger le bureau parisien de MTArt. « Marine était chic, rapporte la jeune femme. Elle avait monté son business toute seule, j’étais impressionnée par la force de son engagement. » Si impressionnée qu’elle accepte de travailler sous le statut d’autoentrepreneuse, avec la promesse tacite d’une régularisation qui ne viendra jamais. Elise carbure si bien qu’en six mois elle engrange un chiffre d’affaires d’un demi-million d’euros. L’équipe grossit. En janvier 2022, Isabelle est engagée, puis Léa. Les trois ont envie de bien faire. Mais très vite elles déchantent.
« Est-ce que j’apporte quelque chose à la conversation ? Cela aura-t-il un impact positif sur notre cible ou notre audience ? Si la réponse est non, abstenez-vous » – extrait du règlement de MTArt Agency
Bien que travaillant en tant que prestataires de services en free-lance, elles doivent respecter, disent-elles, un règlement intérieur. MTArt peut ainsi leur refuser un congé parental si leur absence a un impact sur le business. Les rendez-vous médicaux doivent être pris hors des horaires de bureau, faute de quoi il faut rattraper les heures perdues. Plus surprenant, elles sont invitées à réfléchir à deux fois avant de prendre la parole. « Est-ce que j’apporte quelque chose à la conversation ? Quelque chose de nouveau ? Cela aura-t-il un impact positif sur notre cible ou notre audience ? Si la réponse est non, abstenez-vous », précise le règlement.
Il vous reste 46.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.