Archive dans 2021

« Il n’existe pas de définition universelle du travail »

Tribune. Depuis les années 1970, des articles de gestion prescrivent la « mise au travail des consommateurs ». Ils suggèrent que cette « main-d’œuvre » motivée, impatiente, innombrable, disponible et surtout gratuite pourrait être avantageusement utilisée et « managée » par les entreprises. Dans les faits, on peut observer trois formes sociales dans lesquelles les clients déploient une activité bénévole productive, profitable pour les entreprises qui l’encadrent.

Premièrement, dans les supermarchés, les stations-service, les gares, les fast-foods ou à La Poste, par exemple, nous coproduisons régulièrement le service que nous achetons. Cette autoproduction dirigée est contrainte et permet de réduire le nombre d’employés de première ligne (guichetiers, caissières, serveuses…).

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Le deuxième type est à l’inverse fondé sur le volontariat : la captation dans la foule (« crowdsourcing ») d’informations personnelles, articles, photos, vidéos, blogs, CV, notations, commentaires, likes, etc., offerts volontairement, est une source de profits pour les sites qui les accueillent.

Troisièmement, et plus indirectement, qu’il s’agisse d’acheter de manière éclairée ou de se désabonner d’un service, sortir de la contradiction dans laquelle nous plonge le marketing lorsqu’il nous déclare libre tout en cherchant à orienter nos comportements requiert, là encore, des compétences et des efforts importants.

Substance et substantif

Mais l’expression « travail du consommateur » fait surgir un doute : puisque ce dernier n’est pas salarié, d’une part, et qu’il n’a pas toujours le sentiment de travailler, d’autre part, peut-on parler de « travail » ? Une floraison d’expressions telles que « travail domestique », « travail du malade », « digital labor » ou « travail bénévole » remettent pareillement en question aujourd’hui la signification que nous attribuons au mot « travail ».

Les historiens et anthropologues montrent qu’il n’existe pas de définition universelle du travail ; il est vain en effet de chercher une substance derrière le substantif. Le mot est plutôt une catégorie de la pensée et de la pratique, construite par les sociétés et donc variable dans le temps. Ainsi, depuis le XIe siècle, la langue française désigne avec ce mot l’activité, cette peine que nous nous donnons pour faire quelque chose. Il est aussi utilisé depuis le XIVe siècle pour parler du résultat de l’activité : l’ouvrage réalisé, la production, progressivement réputée « utile ». Puis il a été associé à l’idée de gagne-pain, et finalement à l’emploi depuis l’époque contemporaine.

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Assurance-chômage : l’aboutissement d’une réforme jalonnée de couacs et de bugs

La ministre du travail, Elisabeth Borne,  à l’Assemblée nationale, à Paris, le 21 septembre 2021.

Au prix de longs et laborieux efforts, le gouvernement vient de parachever sa réforme de l’assurance-chômage. Dans le Journal officiel du jeudi 30 septembre, il a publié un décret qui change les règles de calcul de l’allocation versée aux demandeurs d’emploi – celles-ci entrant en vigueur à compter du vendredi 1er octobre. C’est le dernier volet d’un projet plus global, engagé au début du mandat d’Emmanuel Macron et dont la mise en œuvre a commencé en novembre 2019. C’est aussi une mesure radicale, puisqu’elle se traduira, dans de nombreux cas, par des montants mensuels d’indemnisation moins élevés qu’avant. Les syndicats, hostiles depuis le départ, ont réussi à en différer l’application, grâce à des actions en justice. Leur combat se poursuit, dans les prétoires et à travers l’agitprop.

Au cœur de la controverse, il y a un acronyme : SJR, pour salaire journalier de référence. Ce paramètre, qui sert de base pour fixer le niveau de l’allocation, obéit désormais à de nouvelles dispositions, car celles qui jouaient jusqu’à maintenant encourageaient la prolifération des contrats courts au détriment des emplois durables, d’après la ministre du travail, Elisabeth Borne. Parfois, « vous pouvez gagner plus en étant au chômage qu’en travaillant », a-t-elle assuré. Son discours est, peu ou prou, identique à celui de sa prédécesseure, Nicole Pénicaud, qui a porté le dossier durant la première moitié du quinquennat.

« Encourager le travail »

Pour les personnes « abonnées » à l’alternance de petits boulots et de périodes d’inactivité, les sommes versées chaque mois par le régime d’indemnisation seront désormais plus faibles, tout en pouvant être octroyées plus longtemps. L’objectif est double : inciter les chômeurs à retourner sur des postes pérennes et combler les pénuries de main-d’œuvre. « C’est un nouveau mode de calcul qui vise à encourager le travail », a affirmé, lundi sur Franceinfo, Mme Borne.

Les modifications apportées au SJR ont des effets massifs, selon l’Unédic, l’association copilotée par les partenaires sociaux qui gouverne le régime d’assurance-chômage. En avril, elle a diffusé une étude d’impact dont les « ordres de grandeur » demeurent valables, d’après elle. De début octobre 2021 à fin septembre 2022, quelque 1,15 million d’individus, soit 41 % des « entrants » dans le dispositif, « ouvriront un droit » avec une allocation journalière inférieure « de 17 % en moyenne », comparé à ce qu’ils auraient touché avec l’ancienne réglementation. Une précision indispensable : ces personnes pourront recevoir une prestation pendant quatorze mois, en moyenne, contre onze à l’heure actuelle.

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Les Jeux olympiques de Paris 2024 pourraient créer jusqu’à 150 000 emplois

Chantier de construction du village olympique, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 8 avril 2021.

A trois ans des Jeux olympiques (JO) de Paris en 2024, la plate-forme d’emplois destinée à rapprocher recruteurs et candidats vient d’être lancée. Ouverte mercredi 29 septembre, elle propose à ce jour environ 12 000 postes, principalement dans les métiers du bâtiment et de la construction. Un chiffre encore modeste, mais un avant-goût du gisement d’emplois que représente, à terme, l’événement sportif : selon les études prospectives, environ 150 000 postes devraient être créés autour des JO.

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Les principaux contributeurs seront, dans l’ordre, l’événementiel (78 300 emplois annoncés), le tourisme (environ 60 000) et le secteur de la construction (11 700 postes sur les chantiers). En ce qui concerne le calendrier, les offres à pourvoir se concentrent pour l’heure sur le bâtiment et la construction, puisque les 62 infrastructures sont en train de sortir de terre. Les métiers liés à l’organisation, à l’événementiel, à la restauration, à la sécurité privée ou au spectacle vivant prendront le relais dans un second temps.

Les retombées des Jeux olympiques et paralympiques sonneront sans doute comme une bouffée d’oxygène pour les secteurs particulièrement touchés par la crise liée au Covid-19 que sont l’événementiel et le tourisme. Mais pour les métiers de la construction, de la restauration ou de la sécurité privée, c’est une autre affaire.

Se pencher sur la rémunération et les horaires de travail

« Il se trouve que les emplois dont nous avons besoin pour les Jeux se situent pour une bonne part dans des filières professionnelles dites aujourd’hui “en tension” », a rappelé Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT et membre du Comité d’organisation des JO, où il est particulièrement chargé de la « charte sociale ». Et de lancer un « appel à ce qu’un certain nombre de choses changent dans certaines branches professionnelles sur le plan social ». Parmi les pistes de solutions proposées par M. Thibault, celle de « se pencher sur les conditions sociales dans lesquelles ces métiers sont exercés », et notamment la rémunération et les horaires de travail.

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De fait, la difficulté à pourvoir à certaines offres n’a pas échappé aux organisateurs des JO 2024. Le Conseil régional d’Ile-de-France propose 11 000 formations par an, destinées aux publics demandeurs d’emplois sur les métiers en tension. Un dispositif assorti de primes de 1 000 euros (2 000 euros pour les personnes en situation de handicap) pour les candidats entrant effectivement en formation.

Le département de la Seine-Saint-Denis, lui, compte notamment s’appuyer sur les réseaux associatifs. L’association Voisin Malin, par exemple, fera du porte-à-porte dans le département pour informer les habitants des possibilités d’emplois et les renseigner sur les processus de recrutement.

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Yolanda Diaz, la ministre communiste du travail, figure montante en Espagne

Yolanda Diaz, ministre du travail espagnole, à Madrid, mardi 28 septembre.

Les mesures de chômage partiel, qui devaient prendre fin jeudi 30 septembre en Espagne, ont été finalement prolongées jusqu’au 31 octobre telles qu’elles existent actuellement, et jusqu’au 28 février, à condition de former les salariés concernés. Ils sont près de 250 000 dans le pays.

La mesure – fruit d’un accord entre le patronat, les syndicats et le gouvernement – a été approuvée in extremis en conseil des ministres, mardi 28 septembre, en même temps qu’une augmentation de 1,7 % du salaire minimum, le portant, dès le mois de septembre, à 965 euros par mois sur quatorze mois. « Il s’agit d’un pas de plus vers une reprise juste », a commenté la ministre du travail et deuxième vice-présidente de l’exécutif, la communiste Yolanda Diaz.

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Pour cette figure montante et électron libre du gouvernement de gauche, c’est une nouvelle victoire à accrocher à son palmarès. Depuis qu’elle a pris ses fonctions, en janvier 2020, cette ministre âgée de 50 ans a fait aboutir onze négociations incluant à la fois patronat et syndicats, se plaît-elle à rappeler régulièrement, tout en insistant sur l’importance d’approfondir le « dialogue social » dans un climat de forte crispation politique.

Charismatique

Parmi ces grands accords figurent l’augmentation du salaire minimum (SMI) de 5,5 % en 2020, annoncée deux semaines à peine après son arrivée à la tête du ministère ; les différents mécanismes de chômage partiel approuvés à la suite de la pandémie de Covid-19 ; mais aussi la loi de télétravail, qui oblige les entreprises à prendre en charge les coûts induits par celui-ci et impose un droit à la déconnexion ; ou la loi « Riders », qui contraint les plates-formes numériques à salarier les livreurs et à offrir plus de transparence sur le fonctionnement des algorithmes et leur incidence sur les conditions de travail. Les leaders syndicaux ne tarissent pas d’éloges sur sa personne. Le patronat reconnaît sa capacité à orchestrer les négociations et sa volonté de trouver des consensus.

La Confédération espagnole des organisations entrepreneuriales (CEOE) n’a quitté la table des discussions qu’à l’occasion de la dernière augmentation du salaire minimum, considérant que le chemin tracé, avec de nouvelles hausses du SMI plus importantes prévues les deux prochaines années, risquait de mettre en danger les petites entreprises. « Une démocratie solide est incompatible avec des salaires bas, a insisté Mme Diaz. Un pays moderne, le pays auquel nous aspirons, est celui où les gens vivent avec dignité grâce à des emplois décents. »

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La surqualification guette une partie des travailleurs selon l’Organisation internationale du travail

«  Dans les pays à revenu élevé, c’est la question de la surqualification qui se pose. Ainsi, 20,7 % des travailleurs y occupent des emplois pour lesquels ils se révèlent surdiplômés. »

Alors que les candidats manquent à l’appel dans les secteurs en tension, une étude publiée par l’Organisation internationale du travail (OIT) apporte un éclairage intéressant sur la question de la surqualification et, plus largement, sur l’adéquation des compétences d’une partie des travailleurs avec le marché du travail local (« La moitié seulement des travailleurs dans le monde occupent un emploi correspondant à leur niveau d’éducation », OIT, 17 septembre 2021).

« Au fil des ans, des efforts considérables ont été investis dans l’amélioration du niveau d’éducation des populations du monde entier, pose en introduction la statisticienne Valentina Stoevska, autrice de l’étude. Cependant, les énormes progrès réalisés dans l’élévation des niveaux d’éducation, en particulier chez les femmes et les filles, ne se sont pas traduits par des améliorations correspondantes des résultats sur le marché du travail ».

S’appuyant sur des données recueillies sur le profil des travailleurs employés dans plus de 130 pays (la France n’en fait pas partie), l’étude conclut que seule la moitié de ces travailleurs environ occupent un emploi correspondant à leur niveau d’éducation. Dans les pays à faible revenu et où l’économie informelle demeure importante, la majorité (69,5 %) des travailleurs se révèlent sous-qualifiés par rapport au poste qu’ils occupent : parce qu’ils n’ont pas toujours les compétences nécessaires, mais aussi parce que l’apprentissage se fait souvent « sur le tas » et que l’acquisition des compétences se voit moins formalisée par un diplôme.

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En revanche, dans les pays à revenu élevé, c’est la question de la surqualification qui se pose. Ainsi, 20,7 % des travailleurs y occupent des emplois pour lesquels ils se révèlent surdiplômés. Au Canada, le fossé est massif : plus de 70 % des actifs peuvent se prévaloir d’un haut niveau d’éducation, mais seulement un peu plus de 40 % occupent un poste très qualifié. En Corée du Sud, le pays compte un peu plus de 50 % de travailleurs hautement qualifiés contre 40 % d’emplois correspondants. L’écart est également significatif dans des pays aussi divers que l’Albanie, la Colombie, la Mongolie et le Botswana, sans que l’étude avance d’explications à ce phénomène.

Davantage de femmes surqualifiées

Dans les pays à revenu élevé, le taux de « suréducation » est plus élevé pour les femmes que pour les hommes : « A mesure qu’un pays se développe, de nombreuses femmes bien éduquées se retrouveront dans des emplois inférieurs à leur niveau d’éducation », constate Valentina Stoevska. Selon la statisticienne, une partie de ces femmes recherchent un emploi moins qualifié que ce à quoi elles pourraient prétendre, car celui-ci est davantage compatible avec une vie de famille.

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Election présidentielle 2022 : la hausse des salaires et du pouvoir d’achat au cœur de la campagne

Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (LFI) et candidat à l’élection présidentielle, à Paris, le 24 septembre 2021.

« Vivre dignement de son travail. » Revendication longtemps portée par les « gilets jaunes », notamment aux prémices du mouvement, à l’automne 2018, cette ambition figure désormais en bonne place des discours et des propositions des candidats à l’élection présidentielle.

La question de la hausse des salaires et du pouvoir d’achat revient en effet dans le débat en cette rentrée marquée par une reprise économique plus forte qu’anticipé, mais aussi par une inflation et des prix de l’énergie (gaz, électricité…) en nette hausse, grevant le budget des ménages.

« La question sociale a été éclipsée depuis deux ans »

Pour de nombreux candidats, il est donc temps que les salariés profitent du retour de la croissance après un an et demi de crise sanitaire qui a mis en lumière les « premiers de corvée », ces métiers indispensables dans la santé, le social ou l’éducation, tout en étant précaires et mal rémunérés. Une volonté affichée également par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui a réclamé, fin août, « une meilleure rémunération pour ceux qui ont les revenus les plus faibles ». « La croissance doit profiter à tout le monde, même les moins qualifiés », a-t-il prévenu à destination des chefs d’entreprise.

Mais si l’objectif est partagé par tous, les solutions divergent chez les postulants à l’Elysée : baisse des charges salariales pour Valérie Pécresse, hausse des salaires, notamment chez les enseignants, pour Anne Hidalgo, ou encore augmentation substantielle du smic pour Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélenchon…

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« La question sociale a été éclipsée du débat depuis deux ans. Ce n’est pas maintenant que les gens ont des difficultés, tient à rappeler Clémence Guetté, coordinatrice du programme de La France insoumise (LFI). On sait que huit millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire, dont beaucoup de femmes et d’enfants, donc, si la question sociale peut être remise au centre du débat, évidemment, nous, on a des propositions. »

Jean-Luc Mélenchon est le candidat qui a le programme le plus détaillé dans ce domaine à ce stade : passage du smic de 1 258 euros net à 1 400 euros, allocation d’autonomie de trois ans pour les 18-25 ans ou encore limitation de l’écart de salaires dans les entreprises dans une fourchette de un à vingt… Il défend également une « loi d’urgence sociale » à adopter dans la foulée de la présidentielle. « Il faut un choc de consommation populaire, poursuit Mme Guetté. Les gens qui ont un petit salaire se privent parfois de repas. Alors, si on les augmente, ils vont consommer davantage et on espère mieux. »

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La réforme de l’assurance-chômage, un symbole politique pour Emmanuel Macron

Emmanuel Macron au palais de l'Elysée, le 24 septembre 2021.

C’est une réforme économique et sociale qu’Emmanuel Macron entend ériger comme un vrai objet politique à un peu plus de six mois de l’élection présidentielle de 2022.

Alors que la mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage est prévue pour vendredi 1er octobre, le chef de l’Etat veut en faire un vrai marqueur de son bilan. Après avoir défendu cette mesure phare de son quinquennat, en février 2018, comme un élément de sécurité face à la précarité du marché de l’emploi – en contrepartie à la flexibilité offerte par les ordonnances travail –, le locataire de l’Elysée la présente désormais comme une manière d’inciter les chômeurs à la reprise du travail. Avec les valeurs du « mérite » et de « l’effort » intronisées comme un axe phare de son discours.

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Cette réforme, qui durcit les règles de calcul de l’allocation-chômage, repose sur « une volonté simple », avait-il expliqué, le 12 juillet : « En France, on doit toujours bien mieux gagner sa vie en travaillant qu’en restant chez soi, ce qui n’est actuellement pas toujours le cas. » Une tirade, dans laquelle le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, avait décelé « un petit brin de populisme ».

« C’est un combat culturel »

Mais loin d’adoucir ses propos, M. Macron a ensuite réaffirmé sa conviction pour défendre la mise en œuvre de cette réforme. « Il faut s’assurer qu’il n’est jamais plus rentable de ne pas travailler que de travailler », a-t-il lancé, le 16 septembre, lors d’un discours devant la principale organisation des indépendants – artisans, commerçants, professions libérales – à la Maison de la mutualité. Avant de poursuivre : « Nous devons réengager la nation tout entière dans cette culture du travail et du mérite, c’est un combat culturel. »

Une manière d’envoyer un signal à l’opinion, surtout sa frange la plus conservatrice, particulièrement sensible au thème de la lutte contre « l’assistanat ». « Il y a une arrière-pensée électorale de la part d’Emmanuel Macron, qui s’inscrit dans sa stratégie plus générale de capter l’électorat de droite, analyse Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l’IFOP. Avec cette mesure, il parle avant tout aux petits et aux moyens entrepreneurs, qui sont pour la plupart confrontés à une pénurie de main-d’œuvre, alors même que dans cette période de sortie de crise, le taux de chômage reste élevé, autour de 8 % [de la population active]. »

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Une « situation paradoxale » aux yeux de la ministre du travail, Elisabeth Borne, consistant à avoir des entreprises « qui ne parviennent pas à recruter » et « des chômeurs qui ne parviennent pas à retrouver un emploi », qui justifie, selon elle, la mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage.

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Ubérisation : une mission sénatoriale souligne le rôle obscur des algorithmes

Un livreur de Deliveroo, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 6 mai 2021.

Ubérisation de la société, plateformisation de l’économie : ces néologismes, incarnés par Deliveroo et autres Uber, sont entrés dans la vie des citoyens. Mais ce phénomène, en pleine expansion, doit être encadré pour qu’il ne devienne pas « le Far West du travail externalisé », a prévenu Pascal Savoldelli, sénateur communiste du Val-de-Marne, le 29 septembre, en présentant le rapport de la mission d’information sénatoriale baptisée « Ubérisation de la société : quel impact des plates-formes numériques sur les métiers et l’emploi ? ». Le document ouvre plusieurs chantiers de régulation, tout en évitant soigneusement celui du salariat, un statut dont le gouvernement ne veut pas.

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Au-delà du constat que ces plates-formes tendent à « remettre en cause notre modèle social et économique », la mission, présidée par Martine Berthet, sénatrice LR de la Savoie, et ayant pour rapporteur M. Savoldelli, formule dix-huit recommandations, notamment pour améliorer les conditions de travail et favoriser le dialogue social. « Certaines sont porteuses d’avancées pour les travailleurs indépendants et de stabilité pour les plates-formes, indique-t-on chez Uber. Nous retenons tout particulièrement celles visant à mettre en place les conditions d’un dialogue social fructueux. » Pour la mission, la question de la rémunération doit entrer dans ce champ, comme l’a affirmé Elisabeth Borne, la ministre du travail, lors de son audition, le 21 septembre.

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Surtout, la mission s’inquiète « du rôle prépondérant joué par le management algorithmique », qu’il faut encadrer et rendre plus transparent. « Il ne s’agit pas d’un outil neutre, insiste M. Savoldelli. Il constitue un outil que nous considérons comme politique, avec tous les biais que cela comporte, notamment en termes de discrimination. » Faux, conteste Deliveroo : « L’algorithme permet d’affecter des courses sans biais ni caractère discriminatoire. Il ne sert pas à des fins managériales. » Et d’ajouter que « ces indépendants sont libres d’organiser leur travail comme ils le souhaitent et ne sont pas notés ni par un algorithme ni de quelque autre manière que ce soit ».

L’« objet de négociations »

Quels critères utilise le logiciel pour attribuer les courses ? Quel est le poids de la notation faite par le client ? L’impact du nombre de courses refusées ?  Le contenu de l’algorithme doit être l’« objet de négociations », préconise la mission. « [Mais, pour l’heure], comme on ne nous dit pas tout dessus, on ne pourra pas négocier sur ce sujet », déplore Jérôme Pimot, responsable du Collectif des livreurs autonomes des plafes-formes (CLAP), qui, depuis 2018, a demandé « plusieurs fois, en vain, l’accès à son fonctionnement ».

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« Les algorithmes de tarification, les mécanismes d’incitation et les systèmes de notation ont des effets directs sur le comportement » de ces travailleurs, lit-on dans le rapport. « Comme on ne sait pas comment cela fonctionne, on a tendance à nous mettre nous-mêmes la pression, on va rouler le plus vite possible et, finalement, prendre des risques » pour être sûrs d’être dans les bons critères d’attribution des courses, ajoute M. Pimot.

« Un rapport entre deux eaux »

« C’est un rapport entre deux eaux » qu’a rendu la mission, estime Bastien Charbouillot, membre de la CGT du ministère du travail. D’un côté, l’instauration d’un dialogue social, l’idée de négocier un revenu minimum à la tâche, d’améliorer les conditions de travail… de l’autre, le maintien du statut d’autoentrepreneur. « Il y a une sorte d’accord global sur l’émergence d’un tiers statut qui ne dit pas son nom et la volonté de l’encadrer. C’est la construction d’un droit parallèle au droit du travail qui participe à la deconstruction de ce dernier et donne l’impression de réduire à néant notre travail de lutte contre le travail illégal. »

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Alors que l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Californie et, plus récemment, les Pays-Bas ont opté pour le statut de salarié des travailleurs des plates-formes – chauffeurs VTC et livreurs –, avec quelques nuances selon les pays, et après la résolution du Parlement européen du 16 septembre qui préconise « une présomption de salariat » pour ces travailleurs, « la France fait du quasi sur-place », estime Olivier Jacquin, sénateur PS de Meurthe-et-Moselle.

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