Archive dans juin 2021

Moins d’employés, plus polyvalents : la tentation de l’hôtellerie après la crise liée au Covid-19

Le spa de l’hôtel Crillon, à Paris, en août 2020.

« Ne jamais gaspiller une grave crise. C’est l’occasion de faire des choses que l’on croyait impossibles. » Le conseil, formulé durant la crise de 2008 par Rahm Emanuel, alors directeur de cabinet de Barack Obama, n’a pas échappé aux grandes chaînes de l’hôtellerie mondiale. Le secteur, dont la croissance régulière a été brisée net, réfléchit de longue date aux manières de réduire ses coûts de personnel. La pandémie de Covid-19 lui a peut-être fait gagner dix ans, à la fois parce qu’elle a poussé ses salariés au chômage ou dans les bras d’autres employeurs, et parce qu’elle a expérimenté d’autres formes d’organisation.

Les hôteliers avancent à pas comptés sur ce sujet sensible, mais le patron d’Hilton, Chris Nassetta, a dit les choses sans fard, lors d’une conférence réservée aux analystes financiers, en février : « Dans chacune de nos marques, on travaille actuellement à augmenter les marges et à gagner en productivité, particulièrement dans les domaines du ménage, de la restauration et d’autres services. Quand nous sortirons de la crise, ces domaines généreront plus de marges et nécessiteront moins d’emplois qu’avant le Covid-19. »

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Dans l’esprit des dirigeants d’Hilton, ces économies pourraient être reversées à la fois aux actionnaires et aux salariés, sous forme de rémunérations plus attrayantes à l’embauche. La hausse du salaire minimum dans l’hôtellerie américaine était déjà en débat avant la pandémie et les difficultés actuelles de recrutement obligent les hôtels à proposer des salaires supérieurs à ce qu’ils étaient avant la crise.

Polyvalents et mieux rémunérés ?

Sous une autre forme, Sébastien Bazin, PDG d’Accor, disait, en mai, sur BFM Business, qu’il faudrait « mieux valoriser le travail [des employés d’hôtels], c’est-à-dire peut-être les rémunérer plus, peut-être faire en sorte qu’ils soient beaucoup plus polyvalents ».

La polyvalence s’est installée dans tous les hôtels durant la crise. Quels que soient le niveau d’établissement ou le lieu, patrons et employés ont expérimenté des tâches auxquelles ils n’étaient pas affectés auparavant, les gérants ayant réduit les coûts au minimum. Ils ont pu en jauger les avantages et les inconvénients.

Selon le baromètre HotStats, le coût du travail par chambre disponible a chuté de 50 % entre 2019 et 2020 des deux côtés de l’Atlantique. En Europe, cela représente un gain quotidien de 26 euros par chambre. De quoi faire saliver les revenue managers, chargés de l’optimisation de la rentabilité d’un établissement, qui estiment que de nombreuses tâches ont vocation à être automatisées.

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Assurance-chômage : la réforme va toucher plus durement les départements pauvres et les jeunes, selon une étude du PS

Le Parti socialiste (PS) continue sa bataille contre la politique sociale du gouvernement en rendant publique, mardi 8 juin, lors d’une conférence de presse devant une agence de Pôle emploi à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), une étude cartographiée des conséquences des nouvelles dispositions prises par décret qui vont toucher les demandeurs d’emploi à partir du 1er juillet. Une manière de rendre palpable, département par département, une réforme de l’assurance-chômage dénoncée comme « injuste », à la veille des élections régionales du 20 et 27 juin.

« Avec les syndicats, cela fait deux ans qu’on alerte sur les conséquences humaines de cette réforme faite à la hache. Nous avons voulu rendre tangibles les réalités territoriales qui en découlent », explique Boris Vallaud, député des Landes, qui a réalisé l’étude avec le secrétaire national aux grandes transitions du PS, Maxime des Gayets. En écho au recours des syndicats devant le Conseil d’Etat pour « atteinte au principe d’égalité », les socialistes estiment qu’avec cette réforme « inique » les conditions d’accès aux droits chômage seront dramatiquement durcies. Avec l’allongement de la durée de travail pour ouvrir des droits et la modification du mode de calcul de l’indemnisation du salaire journalier de référence, « il sera dorénavant plus dur de rentrer dans le dispositif et plus difficile de s’y maintenir », juge Boris Vallaud.

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Cartes à l’appui, le PS fait sa démonstration en s’appuyant sur une note d’impact réalisée par l’Unédic en mars, qui montrait que les nouvelles modalités de calcul allaient se traduire par une baisse moyenne de 17 % des sommes versées pour 1,15 million de demandeurs d’emploi. La simulation par département est particulièrement frappante pour les territoires les plus touchés par le chômage : le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône, la Seine-Saint-Denis, le Rhône, la Haute-Garonne, la Gironde ou encore Paris sont dans la fourchette la plus haute, avec entre 25 000 et 30 000 personnes pénalisées par le changement de calcul des allocations. Le territoire le plus gravement touché demeure cependant le Nord avec plus de 50 000 victimes de la réforme. « Ce sont dans les territoires où la situation de l’emploi est déjà dégradée qu’on réalise vraiment les dégâts humains qui se profilent », souligne Maxime des Gayets.

« Une mesure anti-jeunes »

Un autre indicateur alarme les socialistes, celui qui concerne les jeunes de moins de 25 ans. L’Unédic a anticipé une dégradation en estimant que les 18-25 ans représenteront 30 % des chômeurs durement touchés par la réforme. « C’est une mesure anti-jeunes qui va être d’une grande violence, d’autant que le gouvernement refuse l’extension du RSA [aux 18-25 ans] », assure Boris Vallaud. Avant d’ajouter : « Pour être à l’écoute de la jeunesse, il ne suffit pas d’aller discuter avec [les youtubeurs] McFly et Carlito [avec qui Emmanuel Macron a tourné une vidéo], il vaut mieux se soucier des répercussions des choix politiques qui sont faits. »

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Retraites : la piste du recul de l’âge légal étudiée par le gouvernement

Réunion des partenaires sociaux sur la réforme des retraites, à Matignon, le  26 octobre 2020.

Simple ballon d’essai ou réelle volonté de réformer ? Lors d’un déplacement dans le Lot, les 2 et 3 juin, Emmanuel Macron a soudainement replacé la question des retraites au cœur du débat. Assurant que la dernière année du quinquennat doit « être utile », le président de la République a prévenu qu’il aurait à prendre des « décisions difficiles ». Une chose semble sûre : l’édification d’un système universel de pensions, suspendue en mars 2020 à cause de la crise sanitaire, ne sera pas relancée, du moins pas « en l’état ». « Elle était très ambitieuse, extrêmement complexe et du coup porteuse d’inquiétudes », a-t-il justifié. S’il a précisé qu’« il est trop tôt » pour se prononcer sur de nouvelles mesures, M. Macron a ajouté que « rien n’est exclu ». Ce qui laisse la place à beaucoup d’hypothèses et donne libre cours à toutes les supputations.

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L’intervention du chef de l’Etat fait suite à des confidences distillées par des conseillers de l’Elysée au cours des précédentes semaines, laissant entendre que le projet de transformation, mis sous cloche l’an dernier, pourrait être repris dans une version amendée. « Il y a un récit à construire », indiquait-on alors dans l’entourage de M. Macron. Aujourd’hui, les intentions se précisent. Comme le remarque un dirigeant syndical, dépité, « ce n’est plus une petite musique mais une fanfare ». Bruno Le Maire ne s’est, d’ailleurs, pas fait prier pour jouer de la grosse caisse. « La réforme des retraites doit être une priorité. Il est bon que cette réforme ne tarde pas trop », a réaffirmé, dimanche, sur Europe 1, le ministre de l’économie.

Une conviction qu’il répète inlassablement depuis des mois : dans son esprit, le fait de mener à bien ce chantier contribuera au rebond de la croissance, après l’épisode récessif déclenché par l’épidémie de Covid-19. Le fait que cette rhétorique soit développée par le locataire de Bercy – seul durant l’automne et l’hiver, puis avec le concours de plusieurs sources gouvernementales – plaide pour une lecture financière de la réforme, même si d’autres objectifs sont mis en avant (simplification des règles, réduction des inégalités).

Besoins de financement

Il est vrai que le système de retraites représente une masse financière que les gardiens des deniers publics rêvent de faire maigrir : en 2020, 338 milliards d’euros ont été consacrés au paiement des pensions, soit environ 14,7 % du PIB, selon le dernier rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR). Ce qui en fait le premier poste de dépense publique. En outre, les régimes, pris dans leur globalité, étaient déficitaires de 18 milliards d’euros en 2020, et le retour à l’équilibre n’est pas en vue avant le milieu des années 2030, d’après le COR.

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Un an après s’être délesté d’André, Spartoo veut lever 30 millions d’euros en Bourse

Chez Spartoo.com, à Grenoble, en 2012.

Spartoo cherche de l’argent frais en Bourse. Le site de vente en ligne de chaussures a dévoilé, lundi 7 juin, avoir déposé un dossier auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). La cotation de 30 % du capital de la société fondée en 2006 devrait lui permettre de lever « 30 millions d’euros », estime Boris Saragaglia, son PDG et cofondateur.

L’opération – Spartoo pourrait être coté d’ici à la mi-juillet sur Euronext Growth – devrait financer les premiers pas du rival de Zalando et Sarenza sur de « nouveaux marchés », dont la vente de « petite décoration », du type « lampes, coussins et autres poufs », explique M. Saragaglia. Celui qui est encore actionnaire de Spartoo, auprès de ses deux cofondateurs, Paul Lorne et Jérémie Touchard, à hauteur de 25 %, espère aussi acquérir des marques et développer son réseau de boutiques à l’enseigne, à raison de cinq inaugurations par an. Spartoo exploite aujourd’hui neuf points de vente.

Pertes nettes de 20 millions d’euros

Le dirigeant reprendrait ainsi, en 2021, la stratégie d’expansion, qui, à l’en croire, avait motivé la reprise du réseau de boutiques André, auprès de Vivarte, en 2018. Selon un protocole de conciliation enregistré le 29 juin 2018 au tribunal de commerce de Paris, le groupe Vivarte avait alors apporté 17,3 millions d’euros à André. Malgré ces fonds, Spartoo a échoué à intégrer cette figure du commerce de centre-ville.

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En avril 2020, en plein confinement imposé pour lutter contre la propagation du coronavirus, Spartoo a demandé le placement en redressement judiciaire d’André. Le PDG avait été confronté au refus de ses actionnaires de renflouer cette filiale, dont les pertes nettes atteignaient 20 millions d’euros. Promise à la liquidation, l’enseigne de 146 boutiques a finalement été reprise partiellement par l’un de ses anciens PDG, François Feijoo. Seuls 200 des 400 emplois d’André ont été sauvés.

« Les difficultés ne doivent pas empêcher la vision à long terme »

Un an après, M. Saragaglia appelle « à ne pas faire d’amalgame » et à « regarder devant ». « Les difficultés ne doivent pas empêcher la vision à long terme », formule-t-il. Spartoo a réalisé un chiffre d’affaires de 134 millions d’euros en 2020, en croissance de 10 % par rapport à 2019, et dégagé un résultat brut de l’ordre de 6,5 millions d’euros.

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Malgré la crise qui balaie le secteur de la mode, M. Saragaglia juge que Spartoo sera en mesure de croître « au rythme de 15 % par an » et de dégager 7 % de marge brute, « à partir de 2022 ». Toutefois, le projet de cotation intervient après un changement partiel de l’actionnariat de Spartoo, détenu à hauteur de 75 % par des fonds. Deux d’entre eux ont revu leur position. A Plus Finance a cédé 80 % de sa participation, tandis que CM-CIC Capital s’est désengagé, au profit de deux autres fonds tricolores, dont LBO France.

Chez Stellantis, la direction veut convertir au « travail hybride » des salariés méfiants

En mai 2020, en pleine crise sanitaire liée au Covid-19, plusieurs déclarations de Xavier Chéreau, directeur des ressources humaines du groupe automobile PSA, devenu Stellantis depuis sa fusion avec Fiat Chrysler au début de l’année 2021, avaient fait grand bruit. Dans le groupe, le télétravail allait devenir « la référence » pour une bonne partie des salariés, ces derniers étant amenés, à terme, à n’être présents dans les locaux de l’entreprise qu’« un jour ou un jour et demi par semaine ». Plus d’un an après, la situation est bien moins spectaculaire que ne le laissaient imaginer les prédictions de M. Chéreau. Cependant, la direction de Stellantis continue, en particulier en France, à pousser vers le télétravail des salariés qui, de leur côté, demeurent souvent sceptiques.

En avril, Stellantis France a signé, avec quatre syndicats (FO, CFE-CGC, CFDT, CFTC), un avenant à l’accord « Motivation et bien-être » de début 2020, et à un dispositif de 2016 qui prévoyait déjà le télétravail des salariés. Tout employé de Stellantis France peut désormais, si son poste n’est pas lié à la production, et sur la base du volontariat, télétravailler jusqu’à trois jours par semaine (jours fixes) ou jusqu’à l’équivalent de trois semaines par mois (quinze jours variables à déterminer avec le manageur). Au total, ce sont 18 000 salariés français (sur 42 000 au total) éligibles au télétravail – et qui l’avaient souvent expérimenté – que la direction encourage à poursuivre dans cette voie.

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« Il s’agit d’un projet structurant pour l’ensemble de Stellantis, explique Bruno Bertin, DRH de Stellantis France. La transformation de l’entreprise vers ce que nous appelons le “travail hybride” était déjà engagée, mais la crise sanitaire a accéléré le processus et l’a rendu irréversible. » Certes, le télétravail demeure facultatif, mais l’entreprise fait tout son possible pour organiser le job de ses cols blancs dans la perspective d’un travail à distance généralisé. Les encadrants sont formés à gérer des équipes de loin ; la réorganisation des locaux favorise le travail collectif sur site plutôt que le travail individuel ; l’arrivée du flex office abolit le principe « un salarié = un poste » ; et, au bout du compte, la réduction de la surface de bureaux du groupe génère une baisse substantielle des coûts. Dans cette logique, PSA s’est débarrassé en 2020 de son siège de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

« Le mouvement est irréversible »

Du côté des syndicats, on fait la moue. Même les organisations qui ont signé l’accord d’avril se disent circonspectes et vigilantes sur les éventuelles pressions hiérarchiques visant à ce que les salariés optent pour le travail à distance. « Il ne faudrait pas que le volontariat se transforme en “poussariat”, prévient Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT. Si nous avons signé, c’est parce que l’accord garantit la liberté du salarié et la réversibilité de son choix. Et aussi parce qu’une clause de revoyure, prévue dès octobre [2021], a été intégrée. »

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Financement des start-up : le gouvernement relève ses ambitions

Le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, à Paris, le 1er juin 2021.

En septembre 2019, Emmanuel Macron en personne levait le voile sur son projet destiné à faire de la France un acteur qui compte sur la scène technologique mondiale. La « start-up nation » a besoin d’accoucher de nombreuses licornes – ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars (environ 820 millions d’euros) – afin d’asseoir sa crédibilité.

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Pour y parvenir, le président de la République estime que « la bataille des capitaux est essentielle », en vue de favoriser les plus gros tours de table nécessaires à l’émergence de champions. S’appuyant sur un rapport rendu en juillet 2019 par Philippe Tibi, un scientifique (Atos) passé à la finance (UBS), il annonce avoir obtenu l’engagement d’un apport de 5 milliards d’euros de la part des investisseurs institutionnels pour financer les jeunes pousses ou abonder des fonds spécialisés dans la technologie. Ces acteurs avaient été jusque-là rétifs à parier sur ces sociétés à risque. En misant sur un effet de levier, l’Elysée espère 20 milliards d’argent frais injectés dans l’écosystème français d’ici à la fin de l’année 2022.

A mi-parcours, les objectifs sont plus qu’en bonne voie d’être remplis. Du côté des institutionnels, près de trois quarts des engagements (3,5 milliards d’euros) ont déjà été honorés. En faisant également appel à des investisseurs tiers, près d’une cinquantaine de fonds labellisés « Tibi » ont déjà collecté 18 milliards d’euros. Dès lors, le gouvernement a décidé de relever ses objectifs. Lundi 7 juin, c’est l’ambition de réunir 30 milliards d’euros pour la French Tech d’ici à la fin de l’année 2022 que devait mettre en avant le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Une annonce qui réjouit Philippe Tibi, lequel avait vu poindre « un certain scepticisme » au moment de la publication de son rapport.

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L’idée n’est pas d’en demander davantage aux institutionnels. Beaucoup sont désormais convaincus de l’intérêt de s’aventurer sur ces terres qui offrent des retours sur investissement avantageux. Avant eux, les fonds de pension américains se sont fait une spécialité d’investir dans les géants de la tech états-uniens, avec, à la clé, de gros bénéfices. La mission Tibi prévoit tout de même de continuer à alimenter les assurances françaises en informations sur des filières telles que les biotech, les medtech, les semi-conducteurs, le stockage d’énergie, la mobilité, l’environnement… dans lesquelles les start-up françaises pourraient avoir leur carte à jouer.

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Pour les salariés, l’heure de la prérentrée sonne le 9 juin

L’assouplissement du télétravail amorce, le mercredi 9 juin, un retour à la normale pour les salariés. Le télétravail participe toujours de « la démarche de prévention » contre le Covid-19, mais n’est plus la règle. Un jour, deux jours, trois jours sur site : les scénarios de rentrée sont aussi nombreux que les réponses des entreprises aux questions d’autonomie de travail, de mobilité territoriale et de santé des salariés. La fonction publique s’est déjà décidée pour trois jours de télétravail par semaine. Dans le privé, la tendance de fond dessine un retour très progressif et négocié, avec l’objectif de remobiliser tout le monde d’ici à la vraie rentrée de septembre.

Le nouveau protocole sanitaire, qui entre en vigueur le 9 juin, précise que chaque entreprise doit déterminer, par le biais du dialogue social, un nombre minimal de jours de télétravail par semaine pour les activités qui le permettent. La balle est donc dans le camp des entreprises. Elles ont carte blanche pour aller au-delà d’un jour de présence par semaine. Mais quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité, les premiers pas du retour sont feutrés et prudents. « Elles ont mesuré qu’elles auraient du mal à faire revenir les salariés. Certains ont peur, d’autres ont pris de bonnes habitudes à distance et sont installés dans une sorte de confort de télétravail. Elles n’envisagent un tour de vis important pour les faire revenir qu’à l’échéance de septembre », explique Aymeric Hamon, avocat associé de Fidal, un cabinet d’avocats d’affaires.

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Les négociations qui s’ouvrent avec les partenaires sociaux consistent à déterminer la présence des salariés sur site plutôt qu’un nombre minimal de jours télétravaillés, et pas forcément à partir du 9 juin. « On s’est positionné sur le 14 juin, car on planifie l’organisation en début de semaine. On vise à faire revenir les salariés au moins deux jours en présentiel, contre un actuellement, sur la base du volontariat. C’est une première étape, intermédiaire. Notre ambition est de passer à trois jours minimum au cours de l’été, mais tout dépendra de l’issue des négociations. Il faut rassurer les salariés sur le respect de la sécurité sanitaire. On va faire beaucoup de communication », témoigne Frédéric Gautier, le DRH Europe de Dassault Systèmes.

« L’été sera une période de transition »

Jusqu’alors, la présence des 4 000 salariés sur site était plafonnée à 20 % de l’effectif chez le spécialiste du logiciel, comme chez Alcatel-Lucent Enterprise, une organisation de taille intermédiaire (1 000 salariés) qui a décidé de ne rien changer jusqu’à la fin du mois de juin. « Le nouvel accord télétravail, qu’il soit régulier ou occasionnel, vient d’être négocié en décembre 2020 [plus de 1 000 accords de télétravail ont été négociés ou renégociés dans les entreprises depuis la crise liée au Covid-19], explique le DRH, Eric Lechelard. On ne va pas sauter à pieds joints sur la date du 9 juin. On a déjà annoncé aux partenaires sociaux qu’on maintiendrait le statu quo jusqu’à la fin du mois. L’été sera une période de transition avec une jauge proposée à 50 % de l’effectif. »

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L’argot de bureau : le management au garde à vous !

« Les théoriciens de la guerre et du management se rencontrent parfois : des chercheurs réinterprètent Napoléon et Machiavel, adorent le stratège prussien Carl von Clausewitz et s’inspirent du Chinois Sun Tzu. »

« Battez-vous ! Soyez des stratèges ! Identifiez vos armes concurrentielles ! Partez à la conquête des marchés ! » Ces mots de Laurence Parisot à l’université d’été du Medef de 2008 résonnent dans les têtes des manageurs. Nous sommes au comité de direction (codir) de La Financière de Pétaouchnok, il est 8 heures tapantes. Aujourd’hui, la « taskforce » (force opérationnelle) spéciale stratégie lance une campagne depuis son quartier général : elle attaque un nouveau marché car l’ennemi, la Compagnie générale de Trifouillis-les-Oies, gagne du terrain. Avant l’assaut, c’est l’heure du « briefing », de la planification de l’ordre du jour.

La métaphore martiale inonde le vocabulaire entrepreneurial, en particulier lorsque l’on parle stratégie (« l’art de conduire la guerre », en grec ancien). Les théoriciens de la guerre et du management se rencontrent parfois : des chercheurs réinterprètent Napoléon et Machiavel, adorent le stratège prussien Carl von Clausewitz et son œuvre De la guerre (1832), et s’inspirent évidemment du Chinois Sun Tzu, et de ses honorables 2 500 ans.

L’inspiration guerrière se diffuse dès la formation : des anciens militaires se reconvertissent en coachs, et les écoles de Saint-Cyr forment depuis 2011 des manageurs au leadership. Le colonel Michel Goya transpose à l’entreprise des doctrines nées dans le contexte militaire : pour prendre une décision en manquant d’informations, il conseille de prendre exemple sur Rommel à la bataille de Gazala en 1942, mais aussi sur Jeff Bezos chez Amazon.

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L’entreprise est certes rigoureusement structurée par sa hiérarchie, comme une armée. Les stagiaires sont des fantassins, les manageurs de proximité des caporaux, les directeurs de branche des lieutenants et la PDG la chef d’état-major de Pétaouchnok. C’est elle qui décide, gère l’urgence et fédère ses troupes.

Cohésion et responsabilisation

L’engagement est un autre point commun : en entreprise, on est volontaire, et on s’engage. Sur le front, l’adjudant-commercial Charles-Kévin ira « checker » et sécuriser son client au péril de sa vie, malgré les aspérités du marché, pour lui annoncer que sa boîte a fait un effort dans la guerre des prix. N’oublions pas le directeur des ressources humaines, médecin de guerre : ce cher Carlo, qui tout de rouge et de blanc vêtu ira secourir ses collègues atteints par les affres de la bataille du boulot.

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Les défenseurs du lexique belliqueux vanteront son poids sur la cohésion des troupes : il responsabilise, ramène une dose de sérieux dans des tâches parfois moroses. Le petit point en visio devient un checkpoint, on n’envoie plus de courriels à ses collègues mais on « shoote des e-mails » – l’Académie française préférerait que l’on arrose de courriels –, et passer des heures à surveiller la Compagnie de Trifouillis-les-oies devient de la « veille stratégique ».

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