Archive dans février 2021

Tati, c’est vraiment fini

Devant une vitrine du magasin Tati, sur le boulevard Barbès, en 2003 à Paris.

Tati vit des dernières heures chaotiques. Le magasin situé à Paris dans le quartier de Barbès (18e arrondissement), ultime point de vente à porter son enseigne, devait initialement fermer ses portes courant janvier. Le groupe GPG (Gifi), qui détient l’entreprise depuis 2017, a annoncé, le 7 juillet 2020, le transfert de dix-huit de ses magasins sous son enseigne de déstockage KLO et la fermeture définitive du magasin historique situé à l’angle des boulevards Barbès et Rochechouart.

Depuis, alors que la crise du Covid-19 ravage le commerce parisien, le groupe fondé par Philippe Ginestet, créateur de Gifi, a discrètement mené des négociations avec les trente-quatre salariés du magasin pour assurer leur reclassement, leur départ à la retraite ou leur licenciement. Ses représentants ont aussi rencontré les élus du 18arrondissement pour évoquer le sort des employés et celui de l’immeuble haussmannien qui demeure en copropriété entre la famille héritière du fondateur Jules Ouaki et le groupe GPG. Tous deux ont convenu d’un bail précaire, à titre gratuit, le temps de vendre les 6 500 mètres carrés. Ils ont donné un mandat au spécialiste de la transaction immobilière BNP Paribas Realestate, début 2021, pour boucler la cession « au cours du deuxième trimestre de 2021 », selon une source proche de la famille Ouaki, qui refuse de dévoiler le montant attendu.

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Mais la municipalité parisienne vient de s’inviter dans le dossier. Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo, chargé de l’urbanisme, de l’architecture et du Grand Paris, a annoncé mardi 9 février que le 4, boulevard Rochechouart relève des « appels à projets urbains innovants » dans le cadre de la troisième édition de Réinventer Paris, programme censé « donner une nouvelle vie à des anciens bureaux et lieux de travail qui ne sont plus adaptés aux besoins actuels ». La Ville de Paris veut imposer au nouveau propriétaire de l’immeuble Tati un « programme mixte », mêlant logements sociaux et commerces.

La Ville de Paris veut imposer au nouveau propriétaire de l’immeuble Tati un « programme mixte », mêlant logements sociaux et commerces

« Tati, c’est la porte d’entrée dans l’arrondissement », rappelle Afaf Gabelotaud, adjointe à la Maire de Paris, responsable des entreprises, de l’emploi et du développement économique, élue du 18arrondissement. Et le quartier de Barbès, miné par l’insécurité, le trafic de drogue et le marché de contrebande, a besoin d’être rénové, rappellent des élus attentifs à l’avenir du site.

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L’argot de bureau : tako-tsubo ou karoshi, le syndrome du cœur brisé

Hiroto a 33 ans. Il travaille depuis quelques années dans un grand groupe financier, dans le quartier d’affaires de Tokyo, et aime son boulot. Quand il ne travaille pas, il se sent inutile : c’est pour cette raison qu’il peut se targuer d’avoir effectué 124 heures supplémentaires le mois précédent, ce qui n’est pas beaucoup plus que la norme. Son entreprise fait des efforts pour qu’il prenne du temps pour lui, mais ce soir il n’en est rien : il continuera le labeur jusqu’à l’aube.

Il a pu échapper aux dix gardes chargés de vérifier que tout le monde est parti, et même à T-Frend, ce drone qui se balade dans les couloirs pour annoncer en musique la fin de la journée. Il n’a pas oublié sa lampe torche et son boîtier 4G : l’entreprise a coupé l’électricité à 22 heures. Mais cette nuit-là, son corps dira stop : épuisé, il sera foudroyé par un arrêt cardiaque, victime d’un tako-tsubo. Cette histoire, bien que fictive, est celle de centaines de salariés, au Japon et ailleurs.

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Un tako-tsubo, en japonais, c’est un piège à poulpes. Mais saviez-vous que ce dernier ressemble au ventricule gauche de notre cœur ? C’est en tout cas le postulat des médecins japonais, lorsqu’ils ont repris ce mot à la pêche pour désigner un traumatisme cardiaque. Le tako-tsubo est mieux connu sous le nom de « syndrome du cœur brisé » : une déformation cardiaque liée au stress, et souvent au travail. Aussi bien qu’une lettre d’adieu, un rapport ou un bilan comptable supplémentaire peut bel et bien briser le cœur.

Avant d’être foudroyé par un tako-tsubo, nombreux sont ceux qui souffrent de son voisin, le karoshi : c’est un stress chronique qui mène progressivement à l’épuisement, à la « mort par dépassement du travail » littéralement. Une mort subite, par arrêt cardiaque, accident vasculaire cérébral ou suicide. Ces termes sophistiqués et chantants expriment une réalité sombre : parfois, on meurt sur sa chaise de bureau. Littéralement, le karoshi est la « mort par dépassement du travail ».

Déshumanisation et perte d’identité

Ces termes ont germé au Japon car le sens du devoir et le présentéisme sont centraux dans la culture d’entreprise nipponne. Dormir au travail pour gagner du temps a longtemps été valorisé, et la pression sociale est conséquente : selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 22 % des salariés japonais travaillent plus de cinquante heures par semaine, contre 8 % en France. Ces syndromes cardiaques sont donc la conséquence de conditions de travail dégradées, et ce même si l’on aime son travail. Si « le travail c’est la santé », en abuser c’est sans doute la mettre en danger.

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Start-up : un secteur qui crée de plus en plus d’emploi

« Quand les start-up grandissent, elles font de la recherche, elles se développent et donc elles créent des emplois. C’est ça, le but ultime, c’est pour cela que l’on veut des licornes, pour l’emploi ! », s’enthousiasme Pascal Cagni, président de Business France. A elles seules, les 120 jeunes pousses des indices Next 40 et FT 120 ont créé 10 000 emplois nets en 2020 et elles prévoient d’en créer au moins autant en 2021. Et pas n’importe quels emplois !

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« Le numérique est une économie de l’immatériel dont la principale valeur est l’humain. Chaque levée de fonds se traduit en création d’emplois, qui sont à 90 % des CDI. D’ailleurs, en 2021, un CDI sur dix signés en France le sera dans une start-up », estime Nicolas Brien, directeur général de France Digitale. Les start-up ne sont plus ces petites sociétés que l’on regardait avec curiosité. Elles sont devenues des acteurs à part entière du secteur du numérique. Selon Syntec Numérique, le secteur emploie 530 000 personnes en France, dont 80 % de cadres et 93 % de CDI.

Boosté par le travail à distance

La crise économique due à la pandémie de Covid-19 n’a pas systématiquement nui aux start-up. Au contraire, elle accélère la transformation numérique des entreprises de tous les secteurs et a poussé au télétravail des centaines de milliers d’employés et de cadres qui s’adonnent à la visioconférence, au travail collaboratif à distance et au partage de documents dématérialisés. Ils ont besoin pour cela des outils et des services développés précisément par certaines start-up.

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La jeune pousse rennaise Klaxoon, qui figure pour la deuxième année dans l’indice Next 40 de la French Tech, en sait quelque chose. Ses solutions logicielles de travail en équipe et de visio-collaboration sont très demandées, à tel point qu’elle prévoit de recruter 100 personnes en 2021 pour épauler son effectif actuel de 260 salariés, et de multiplier par 10 le nombre d’alternants dans ses rangs.

Avec le Covid-19, déjeuner devant son ordi redevient légal

De nombreux salariés l’ignorent, mais prendre son repas à son bureau est illégal. Même si, depuis des mois que les restaurants sont fermés, il n’est pas rare de voir dans les open spaces quelques collaborateurs ouvrir un bento ou une « lunchbox » devant leur ordinateur à l’heure du repas, l’article R4228-19 du code du travail est formel : « Il est interdit de laisser les travailleurs prendre leur repas dans les locaux affectés au travail. » Le décret 2021-156 publié ce dimanche 14 février au Journal officiel vient de changer la donne « temporairement », à l’initiative de la ministre du travail, Elisabeth Borne, pour la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée de six mois.

« L’augmentation des règles de distanciation de 1 à 2 mètres entre deux personnes ne portant pas de masque posait un problème pour la restauration d’entreprise, qui nécessitait un assouplissement du code du travail », explique la Direction générale du travail (DGT). Avec cette nouvelle contrainte de distanciation, les « cantines » doivent donc accueillir deux fois moins de personnes pour respecter les conditions de sécurité sanitaire.

Taux de bactéries

Ce sont des impératifs d’hygiène qui avaient conduit l’exécutif à légiférer. C’est le nouveau protocole de sécurité sanitaire en entreprise qui a décidé le ministère du travail à faire ce changement. « Le décret de 2008 répondait à un problème de mauvaises conditions sanitaires. Des enquêtes avaient révélé que le taux de bactéries sur certains espaces de travail était supérieur à celui qu’on enregistrait dans les toilettes. Même si ce ne sont pas les mêmes bactéries et que la fréquence d’entretien n’est pas la même, rappelle Régis Bac, responsable du service relations et conditions de travail de la DGT. C’était aussi le pendant logique à l’obligation faite aux employeurs de mettre en place des espaces de restauration en entreprise. »

Avant le décret de 2008, l’interdiction de manger à son poste figurait d’ailleurs déjà dans de nombreux règlements intérieurs d’entreprise, pour limiter la fréquence de nettoyage des bureaux. Mais le Covid s’est chargé de renforcer les mesures d’entretien des bureaux. « Les protocoles dans les espaces de travail sont aujourd’hui beaucoup plus rigoureux et garantissent le nettoyage avec des produits virucides », précise M. Bac. Avec moins de place accessible au restaurant d’entreprise et des bureaux nettoyés plus souvent, les salariés vont désormais pouvoir bruncher devant leur ordinateur en toute légalité.

« On croyait faire partie de cette famille » : dans la Somme, les « petites mains » d’Airbus sont les premières victimes de la crise de l’aéronautique

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Publié hier à 13h00, mis à jour à 08h54

Ce sont des fratries, des couples, des pères et des fils, des copains. Des gosses du coin qui ont grandi avec la croyance que « l’aéro » leur offrirait toujours du boulot à deux pas de chez eux, et la confiance des banques pour leurs crédits.

Lorsqu’il a obtenu son diplôme d’ajusteur-monteur en cellule d’aéronefs au lycée Henry-Potez de Stelia Aerospace, à Albert-Méaulte (Somme), puis signé son contrat à durée indéterminée (CDI) chez le sous-traitant Assistance aéronautique et aérospatiale (AAA), Jordan*, 33 ans, en a « pleuré de joie ». Lui qui avait lâché l’école à 14 ans et triait des endives à l’usine allait avoir droit à « une vraie carrière ». Entré compagnon (ouvrier), il était passé contrôleur puis surveillant qualité – « col blanc », il insiste.

Comme 567 salariés du sous-traitant AAA en France – un tiers des effectifs –, Jordan, surveillant qualité de 33 ans, vient d’être licencié.

« Un pied dans l’aéro, c’était l’avenir tout tracé », se souvient Mickaël Bayle, 35 ans, heureux lui aussi lorsqu’il avait décroché son premier emploi chez Simra (groupe Segula technologies), un autre sous-traitant d’Airbus, avec son seul BEP de tourneur-fraiseur :

« Ils embauchaient les intérimaires dix par dix. Tu commençais direct. »

Ouvrière qualiticienne chez AAA, Tiphanie*, 29 ans, avait suivi le mouvement de ses frères et de Teddy*, son conjoint : « Quand t’as pas fait de grandes études, c’est là que ça recrute et que ça paye le mieux. Et c’est plus valorisant de fabriquer des avions que des brouettes. »

Une fierté que d’appartenir à ce fleuron, dans ce coin de l’est de la Somme bordé par les champs de betteraves, où la filière fait travailler des générations depuis un siècle. C’est ici que l’on détient l’exclusivité de la fabrication des pointes avant d’Airbus. Une quarantaine de sous-traitants gravitent autour d’un seul donneur d’ordres : Stelia Aerospace, filiale du géant.

« On croyait faire partie de cette famille… D’un coup, on vient te rappeler qu’en tant que petit sous-traitant t’es qu’un joker, une roue de secours », lâche Jordan. Sur la toile cirée de chez ses parents, où il est retourné vivre faute de pouvoir garder sa maison, le trentenaire, mèche gominée, déplie sa lettre de licenciement pour motif économique. Ils sont 128 sur 150 à l’avoir reçue chez AAA. Et des centaines à l’attendre chez d’autres sous-traitants.

En 1924, est fondée à Méaulte la plus importante usine industrielle. La filière détient l’exclusivité de la fabrication des pointes avant d’Airbus.
Le Musée de l’épopée de l’industrie et de l’aéronautique d’Albert, le 10 février. La filière ne s’était pas préparée à une secousse aussi brutale.

« Purge chez les sous-traitants »

Qui aurait pu prédire un tel effondrement après une décennie à plein régime ? Face à la chute brutale des cadences et de son chiffre d’affaires, Stelia a récupéré la charge qu’elle sous-traitait jusqu’alors et remercié ses 130 intérimaires. Les sociétés prestataires ont pris le bouillon. Depuis, les plans sociaux s’enchaînent, en dépit des 20 millions d’euros d’aides de l’Etat versés à la filière. Si Stelia supprime aussi des postes, les licenciements secs ont toutefois pu être évités. « Au prix d’une purge chez les sous-traitants », grincent certains.

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Remplacer Ford par Amazon ? A Blanquefort, la pilule ne passe pas

C’est un peu une parabole de la transformation de nos économies qui se joue en Gironde. Le géant Amazon pourrait-il s’installer près de Bordeaux sur le site de 80 hectares de l’ancienne usine Ford de Blanquefort ? Un site symbolique de la métropole, qui a fermé ses portes le 1er octobre 2019 après de longues années de négociations, entraînant le reclassement de certains de ses 852 salariés. Désormais vidé de ses occupants, la question de l’avenir du terrain se pose. Parmi les dossiers à l’étude par le constructeur américain, celui d’Amazon, vivement intéressé à l’idée de s’implanter dans le Sud-Ouest, zone où ses plates-formes logistiques ne sont pas présentes aujourd’hui.

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« Amazon est venu me rencontrer, m’a montré une carte sur laquelle il y a un grand désert entre Nantes et Toulouse », explique Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole, au Monde. Une zone où l’entreprise américaine aimerait installer l’une de ses plates-formes de logistique. « Ce que je comprends », ajoute l’élu. Amazon se borne à indiquer être « bien desservi sur un axe nord-sud mais il y a des zones où les capacités sont encore limitées à l’ouest et à l’est. » Le géant américain ajoute que ce type d’implantation permettrait d’augmenter la flexibilité de ses réseaux et d’optimiser les flux et processus de distribution.

S’il salue la démarche de l’entreprise de s’être présentée à lui, M. Anziani refuse catégoriquement son implantation à cet endroit. « Il y a une discussion qui se poursuit – elle avait débuté bien avant mon arrivée [en juillet 2020] – pour trouver une solution industrielle qui remplace une solution industrielle », explique le président de Bordeaux Métropole.

L’édile se défend d’avoir « une posture idéologique envers Amazon », il appuie la démarche engagée par la mandature précédente, de discussions entre Bordeaux Métropole et le constructeur américain, et plaide en faveur d’une solution rapide. Mais il rappelle que la métropole fera appel à son droit de préemption en cas de besoin. Du côté de Ford, Fabrice Devanlay, directeur des relations publiques du constructeur, se limite à expliquer que le groupe en est « à la phase du démantèlement et de la vente des terrains, différents repreneurs étant possibles ».

« Ford vend à qui il veut, mais la métropole peut aussi faire valoir son droit de préemption », Véronique Ferreira, maire de Blanquefort

Ce refus d’une installation d’Amazon, Alain Anziani n’est pas le seul à le porter. « Ford vend à qui il veut, mais la métropole peut aussi faire valoir son droit de préemption », a ainsi souligné la maire de Blanquefort, Véronique Ferreira lors des vœux à la presse du président de la métropole, en janvier. « En fermant, Ford nous a fait perdre du savoir-faire industriel », a-t-elle affirmé. « Amazon, de son côté, nous propose un très grand bâtiment, avec très peu d’emplois à l’intérieur, peu qualifiés et peu payés, et avec un certain nombre d’allers-retours de camions sur un espace qui n’est pas prêt à les recevoir… Tout cela conforte notre décision prise il y a plusieurs mois, qu’Amazon, à cet endroit-là, ce n’est pas une bonne idée. »

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Clauses de conscience au magazine « Rustica »

Quand tailler ses arbustes, et comment ? A cette question, le magazine Rustica apporte généralement les réponses qu’en attendent les 146 398 acheteurs de l’hebdomadaire (diffusion France payée 2020, en baisse de 4,08 % par rapport à 2019, selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias). En cette fin d’hiver, la crainte de ses journalistes est de devoir bientôt vanter, en plus, les mérites du sécateur avec lequel opérer la coupe.

Au moins sept personnes sur les 25 que compte le magazine de jardinage sont sur le départ, auxquelles il faut ajouter les quatre salariés sur sept de Système D, le titre consacré au bricolage édité par la filiale de Rustica SA, PGV Maison. La plupart font valoir leur clause de conscience, ainsi que la direction le leur a suggéré après avoir mesuré l’émoi provoqué par la présentation, fin novembre 2020, des « orientations stratégiques » pour la période 2021-2023. Outre l’urgence de la transformation digitale et la nécessité de préserver la solidité du magazine, le document affirme un désir d’impliquer les équipes dans la monétisation des contenus et un rapprochement avec les annonceurs.

« Des journaux sans journalistes »

« On n’est peut-être pas un journal d’investigation, mais on informe nos lecteurs avec honnêteté », proteste David Fouillé, chef de service chez Rustica. « Des contenus publicitaires, on en produit depuis des années, reconnaît un salarié de Système D. Mais ils ont toujours été absolument distincts de l’activité rédactionnelle. On craint qu’il n’en soit plus de même demain. »

« Dès le départ, il y a eu une incompréhension, plaide Caroline Thomas, la directrice générale, regrettant le « bruit négatif » généré en dehors du groupe par cette crise. « Il n’est absolument pas question d’impacter la qualité éditoriale de nos titres. Quant aux départs, ils seront remplacés. Il y aura des recrutements, avec des missions ou des postes qui seront reformatés ». 

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Une promesse que les équipes traduisent par une volonté de faire « des journaux sans journalistes ». La comparaison avec le groupe Reworld Media (Marie-France, Auto-Moto, etc.) est dans toutes les têtes. D’autant plus que Caroline Thomas y a exercé les fonctions de directrice générale adjointe de pôle. « Si au moins notre mouvement pouvait sensibiliser le ministère de la culture sur ce qui se passe dans la presse, y compris spécialisée », souffle un journaliste. Les conclusions d’une mission de réflexion sur le conditionnement des aides à la presse à la présence de journalistes dans les rédactions, voulue par Roselyne Bachelot, sont justement attendues pour mars.

Bridgestone : direction et syndicats trouvent un compromis sur le plan social

Des employés de Bridgestone manifestent devant l’usine de Béthune (Pas-de-Calais) contre la fermeture annoncée du site, qui emploie 863 personnes, le 27 novembre 2020.

Cinq mois après l’annonce de la fermeture de l’usine de Béthune (Pas-de-Calais) afin de « sauvegarder la compétitivité du groupe », la direction et les sept syndicats de Bridgestone France ont signé, vendredi 12 février en début de soirée, « un accord unanime sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) », selon un communiqué. Pour Philippe Burnage, président de Bridgestone France, « c’est l’aboutissement d’un processus de négociation qui a duré quatre mois. Nous sommes parvenus, avec les organisations syndicales, à un accord permettant d’offrir aux salariés un accompagnement personnalisé ».

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Syndicats, direction et personnalités politiques sont désormais tournés vers la réinsertion des employés du fabricant de pneus. A ce titre, le gouvernement a lancé, mi-décembre 2020, la plate-forme « Action pour l’emploi ». Environ 450 offres y sont recensées dans divers secteurs, dont la moitié en CDI. En visite à Béthune, mardi 2 février, la ministre du travail, Elisabeth Borne, a déclaré que la plate-forme accompagnait environ 250 des 863 salariés. Une soixantaine d’entre eux ont déjà retrouvé un CDI.

Une reprise totale de l’usine de Béthune « peu probable »

L’avenir des salariés pourrait aussi passer par un repreneur, que cherche Bridgestone en vertu de la loi Florange de 2014. Mardi 9 février, la direction a annoncé que la reprise totale de l’usine était « peu probable », mais que plusieurs sociétés avaient manifesté leur intérêt pour la création d’un « parc industriel multiactivités », représentant « un potentiel de 335 à 485 emplois ». Une nouvelle réunion est prévue, lundi 15 février, pour évoquer ces différents projets de reprise.

Les offres devront parvenir à l’entreprise avant la tenue du Comité social et économique (CSE) final du 26 février, lorsque le PSE devrait être définitivement validé, avant d’être envoyé à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, pour une validation à la mi-mars.

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L’usine fermera définitivement ses portes le 2 mai, si toutefois le processus n’est pas bloqué par la justice. Emmenés par l’avocat Fiodor Rilov, une cinquantaine de salariés ont attaqué leur entreprise devant le tribunal administratif de Lille. Regroupés sous le nom des « Affranchis de Bridgestone », ils tentent de prouver que la rupture de contrat entre Bridgestone France et sa maison mère européenne est abusive. Si la décision prévue le 23 février leur donne raison, l’usine pourrait demeurer ouverte. « Je n’ai pas de rapport avec les Affranchis puisqu’ils ne représentent qu’eux-mêmes, pas les syndicats », lance l’avocat de l’intersyndicale Stéphane Ducrocq, qui pense que ce recours n’aboutira pas.