« La vraie question que pose le télétravail, c’est celle de l’utilité du travail »

La rentrée s’annonce comme une « télé-rentrée ». Le télétravail imposé brutalement par le confinement s’installe comme un mouvement de fond dans les entreprises. Avec trois bonnes raisons : lutter contre une reprise de la pandémie, répondre à l’attente de nombreux travailleurs, et gagner en efficacité. Si les deux premiers mobiles sont facilement audibles, le troisième est la zone de tous les dangers. Car derrière la recherche d’efficacité, se profile la question de l’utilité, utilité des heures travaillées, utilité de certaines fonctions, utilité de certaines tâches.
C’est la question que j’ai entendue au cours d’une réunion (distancielle) avec des chargés de communication en ressources humaines : « Mais si tout cela c’était du vent ? » Tout cela ? Tout simplement les missions, qu’ils assumaient depuis des années dans leur entreprise, des tâches occupant leurs semaines de travail et assurant leur salaire de fin de mois.
Le bilan est là : le job est fait !
Avec le télétravail, beaucoup de tout ce qui nous occupait disparaît : les trajets travail-domicile bien sûr, mais aussi tous les déplacements intraprofessionnels. Les moments de socialisation se réduisent à peau de chagrin : les pauses, les déjeuners, les « afterworks » [moments conviviaux entre collègues]. Les conférences, les cours, les réunions peuvent parfaitement se tenir en distanciel.
En effet, le bilan est là : le job est fait ! Est-ce que pour autant, tout ce qu’il y avait autour, était superfétatoire ? Inutile le pot à la fin d’une soutenance de thèse ? Inutiles les discussions de fin de cours autour du prof ? Inutiles les échanges de regards, les discussions en off lors d’une réunion ? Inutiles les petits bavardages dans le couloir ? Bien sûr que non !
En parallèle, une prise de conscience se fait : ce qui était accepté en présentiel devient insupportable en distanciel. Ces réunions qui durent des heures avec de longs monologues qui n’intéressent que celui qui « cause », ces enseignants qui se contentent de lire leurs slides, ces conférences mal préparées qui brassent des idées vagues. Le distanciel grossit le trait, zoome sur toutes ces dérives et amène la question : entre temps au travail et temps de travail, quel est l’écart acceptable ?
Les « temps inutiles » du management
De nombreuses entreprises ont pu vérifier le temps de connexion de leurs salariés en télétravail pendant le confinement et en tirent d’ores et déjà des conclusions sur la réelle « utilité » du temps alloué. Un directeur des ressources humaines évoquait récemment lors d’une émission de grande écoute les « temps inutiles » du management. Personne n’a relevé. La tentation est grande de vouloir « rationaliser », en supprimant tous les temps « improductifs », puis, pourquoi pas, ensuite, tous les « improductifs » ?
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