« Il faut lutter contre les discriminations au quotidien », exhorte le ministre de la ville, Julien Denormandie, qui annonce dimanche 14 juin dans Le Parisiende nouveaux « testings » dans les entreprises afin de déceler des discriminations, au lendemain de manifestations contre les violences policières et le racisme à travers la France.
Le testing consiste à envoyer pour la même offre d’emploi deux CV identiques avec comme uniques différences l’origine du candidat et/ou une adresse dans un quartier populaire. Une expérience organisée par le gouvernement a permis « d’épingler sept entreprises sur les 40 testées ».
Une formation contre la discrimination tous les trois ans
Julien Denormandie annonce également l’arrivée prochaine d’un décret obligeant « toutes les agences immobilières et les associations professionnelles à suivre une formation de lutte contre les discriminations » tous les trois ans, et le renforcement des capacités d’évaluation du CSA pour mesurer la diversité dans les médias.
Le ministre de la ville prône aussi la suppression du mot « race » du préambule de la Constitution, qui stipule que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ».
Dimanche matin, dans LeJDD, un autre ministre, Gabriel Attal, s’inquiète de « forces funestes » qui chercheraient à prospérer sur le ressentiment de la jeunesse pour « imposer une lutte des races ». Le secrétaire d’Etat à la jeunesse appelle, par ailleurs, à « un effort collectif pour sauver les plus jeunes » face à la crise économique, et précise que la pérennisation de la réserve civique mise en place pendant la crise sanitaire pourrait être une piste.
Tribune. Dans la foulée du confinement, Mark Zuckerberg s’est adressé, jeudi 21 mai, aux employés de Facebook dans une conférence retransmise en ligne pour annoncer que la moitié des employés du groupe pourraient travailler de chez eux d’ici cinq à dix ans, Facebook voulant devenir « l’entreprise la plus en avancée du monde sur le télétravail ». Mark Zuckerberg parlait ici de travail à distance à plein temps, sans poste de travail attribué dans les locaux de l’entreprise, et pas d’un mélange entre activité au bureau et à la maison.
La différence essentielle entre le télétravail intégralement effectué à domicile et le travail avec présence, même partielle, au bureau, à l’usine, au magasin, c’est la « cafétéria ». Définissons la cafétéria comme un lieu où se produisent de façon aléatoire des rencontres physiques et des échanges d’informations entre individus, qu’ils appartiennent à la même entreprise ou aux autres entreprises logées dans les mêmes bâtiments.
Rencontres physiques et aléatoires
Les restaurants, machines à café, photocopieuses, bibliothèques et salles de sport des campus universitaires en sont des exemples. La cafétéria se distingue donc radicalement de n’importe quel groupe de discussion numérique par le fait que, premièrement, les rencontres y sont physiques et que l’information échangée est ainsi beaucoup plus riche que dans une vidéoconférence, et, deuxièmement, que ces rencontres sont aléatoires, non programmées, de durée maîtrisable et permettent de rencontrer des gens à qui on n’aurait jamais pensé envoyer un texto.
La première est de favoriser des échanges d’informations riches et non planifiées entre employés de la même entreprise. Les exemples abondent pour illustrer que cela encourage la créativité des employés, fait surgir des idées nouvelles et par conséquent améliore la performance de l’entreprise.
La seconde fonction de la cafétéria est d’être un lieu de socialisation plus générale, favorisant amitiés, aventures sentimentales, discussions et débats de toute sorte, donc la satisfaction de besoins relationnels essentiels, mais sans rapports directs avec l’entreprise.
Personne en effet ne peut survivre en passant toute sa vie devant un écran.
La question engendrée par le télétravail à domicile devient donc de savoir comment vont s’organiser les individus pour assurer la fonction sociale que jouait auparavant la cafétéria d’entreprise ?
Créativité « détournée »
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Publié le 13 juin 2020 à 20h55, mis à jour à 09h51
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ReportageDébut juin, des clusters de Covid-19 ont été découverts parmi les ouvriers agricoles, venus majoritairement d’Amérique du Sud, qui circulent entre Gard, Vaucluse et Bouches-du-Rhône. Le dépistage révèle les pratiques douteuses de la filière.
Dans la longue file d’attente qui s’étend devant le gymnase de Beaucaire (Gard) transformé en centre de dépistage, les accents de Colombie et de l’Equateur se mêlent à ceux, plus hachés, des membres de la Croix-Rouge. Un homme s’inquiète auprès de son voisin, en espagnol : « Est-ce qu’il faut une carte Vitale ? Parce que je n’en ai pas. »
Sur ces terres fertiles, limitrophes des Bouches-du-Rhône et proches du Vaucluse, beaucoup d’ouvriers agricoles, provenant majoritairement d’Amérique du Sud et transitant par l’Espagne, arrivent tous les ans par bus entiers au printemps. Très dépendants de cette main-d’œuvre, d’autant plus en période de crise sanitaire, les agriculteurs membres de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône avaient manifesté le 20 mai à Arles et Aix pour s’assurer de leur venue. Alors, à la réouverture des frontières, ils sont arrivés. Avec, a priori, plusieurs cas de Covid-19 à bord.
A quelques kilomètres de Beaucaire, de l’autre côté du Rhône, plusieurs foyers du virus sont apparus début juin. Une trentaine de cas ont été découverts dans un camping de travailleurs installé au milieu des champs à Noves et chez un producteur de fraises à Maillane, au nord des Bouches-du-Rhône. Une opération de dépistage a depuis été lancée. Les derniers bilans attestent 158 cas dans le département, 53 autres dans le Gard et 39 autres dans le Vaucluse. Des chiffres qui devraient augmenter au début de la semaine du 16 juin.
Dans le complexe sportif, jeudi 11 juin, on s’active. Des entraîneurs de football, des professeurs et même une boulangère se sont proposés pour faire office de traducteurs, rassurer les parents inquiets et répondre aux questions. Pour faire venir au gymnase les saisonniers étrangers, qui sont parfois en situation irrégulière et ne parlent pour la plupart pas le français, l’agence régionale de santé (ARS) a dû innover. En utilisant, par exemple, les réseaux paroissiaux : David Flores, le prêtre équatorien de la ville, a fait circuler le message quotidiennement à ses fidèles par la messagerie WhatsApp.
« Bouche-à-oreille »
Les communiqués annonçant les dépistages gratuits pendant trois jours ont été traduits en espagnol et placardés sur les épiceries latinos du centre-ville. « On compte beaucoup sur le bouche-à-oreille pour rassurer les gens qui auraient peur de venir », explique Claude Rols, délégué de l’ARS dans le Gard.
Pour l’ARS, qui, face à ce genre de situation, met en place un dispositif de traçage des contacts permettant d’enquêter sur les déplacements et les échanges entre individus, la tâche s’annonce ardue. Car ces ouvriers agricoles, souvent accueillis dans des chambres ou des mobile-homes collectifs, travaillent sur plusieurs lieux à la fois. Les risques de contamination deviennent donc importants au gré des déplacements, souvent effectués dans des véhicules collectifs. « Sans compter que tous les magasins latinos sont à Beaucaire », explique Angel (certains prénoms ont été modifiés), 48 ans. L’Equatorien, qui ramasse les abricots en ce moment, l’assure : « Tout le monde se retrouve là-bas le week-end. »
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Mardi 16 juin, il est peu probable que les 150 salariés polonais de PSA viendront travailler sur le site PSA d’Hordain (Nord), près de Valenciennes, comme la direction du constructeur automobile l’avait annoncé jeudi 11 juin, lors de son comité social et économique (CSE). PSA a fait en partie marche arrière après la fronde syndicale et politique suscitée par cette annonce et a prévu de réembaucher des intérimaires locaux.
Au total, 531 ouvriers polonais de l’usine de Gliwice étaient attendus dans le Nord d’ici la fin juin pour une mission de trois mois et assurer les commandes en cours, soit près de 30 000 véhicules utilitaires. Selon le principe de « solidarité industrielle », des salariés volontaires du site PSA (ex-Opel) de Gliwice, qui fait face à un faible niveau d’activité, devaient venir prêter main-forte à leurs collègues de l’usine d’Hordain qui bénéficient d’une forte activité, liée au dynamisme commercial des véhicules qu’ils produisent.
C’est déjà le cas à Metz, site qui fabrique des boîtes de vitesse, où « 50 Polonais de Gliwice ont commencé à travailler lundi », ainsi qu’« une quinzaine d’employés de Douvrin » (Pas-de-Calais) a indiqué à l’Agence France-Presse une porte-parole du site. Ces salariés sont payés selon les conventions collectives françaises le temps de ce renfort, a-t-elle précisé.
Pour le site d’Hordain, les salariés polonais devaient être logés par PSA sur Lille et Valenciennes, dans des appartements-hôtels, campings et gîtes. Mais dans la soirée de vendredi, les ministres du travail, Muriel Pénicaud, et de l’économie, Bruno Le Maire, ont demandé au groupe automobile de renoncer à son projet, et de privilégier l’embauche d’intérimaires locaux.
« Transformer les salariés en nomades »
Samedi matin, selon nos informations, M. Le Maire et le PDG du constructeur, Carlos Tavares, se sont téléphoné et entendu sur une solution intermédiaire. Le site PSA d’Hordain, qui a repris ses activités le 11 mai, a besoin de 531 personnes pour renforcer ses deux équipes de jour et relancer l’équipe de nuit. Le groupe avait fait appel à ses salariés polonais plutôt que d’avoir recours aux 500 intérimaires nordistes qui composent habituellement cette troisième équipe.
Des salariés de PSA sont toujours en chômage partiel. « Jusqu’ici, quand il y a eu des montées de production, on a toujours eu recours à des intérimaires ou des CDD, souligne Franck Théry, délégué CGT à Hordain. Mais le projet global de PSA, c’est la mobilité internationale pour transformer ses salariés en nomades. » Pas question pour lui de pointer du doigt les Polonais : « Ce ne sont pas des ennemis, pour eux c’est du volontariat forcé. »
« Certains intérimaires ont la haine. Comme ils sont toujours sous contrat, on les pousse à la démission », dénonce la CGT
Reste que les intérimaires sont dans l’expectative depuis quarante-huit heures. Chez Manpower près d’Hordain, par exemple, on dépeint une situation catastrophique. Sur les 500 intérimaires du site, 230 sont toujours sous contrat avec PSA, la plupart jusqu’à fin juillet. « Certains sont passés du chômage partiel payé 84 % à 50 %, dénonce la CGT. Certains intérimaires ont la haine. Comme ils sont toujours sous contrat, on les pousse à la démission. » Vanessa, intérimaire pendant deux ans chez PSA Hordain, explique : « J’ai été mise en fin de contrat en mars et j’attendais la reprise avec impatience. Quand j’ai découvert qu’on devait ramener nos toiles bleues et que des Polonais prenaient nos places, j’étais écœurée. »
« Esclavage des temps modernes »
A la suite de la fronde des salariés français, PSA a donc revu sa copie, sans toutefois renoncer complètement au principe de solidarité industrielle. En effet, une équipe constituée majoritairement d’intérimaires français toujours sous contrat, en substitution d’une partie importante des salariés de Gliwice, se dessine. Le constructeur devrait également faire appel à une partie des 270 intérimaires aujourd’hui sans contrat et à quelques salariés polonais volontaires.
« Cette équipe supplémentaire dépendra du maintien de la demande des clients dans un contexte économique incertain et de la poursuite des aides gouvernementales en soutien du marché automobile très fortement ébranlé par les conséquences du Covid-19 et les nouvelles réglementations en matière d’émissions. L’extrême gravité de ce qui frappe l’industrie automobile ne peut être ignorée », explique-t-on chez PSA. Lundi 15 juin, un CSE doit être organisé sur le site d’Hordain afin de détailler la composition de la troisième équipe.
« Je suis heureux de voir que l’on a obtenu que Muriel Pénicaud intervienne auprès du groupe PSA, déclarait samedi midi le député (PCF, Nord) Fabien Roussel. On ne peut pas accepter que des salariés français, polonais ou espagnols aillent travailler à 500 km de chez eux pendant plusieurs mois, au nom du Covid-19 et sous couvert qu’ils sont en CDI dans le même groupe. » L’élu a estimé qu’il s’agissait « d’esclavage des temps modernes ». Le secrétaire national du PCF a lancé : « Je vais demander à Muriel Pénicaud d’aller travailler six mois en Pologne ! Ce n’est pas la société que je souhaite pour mes enfants. »
Fusion PSA-FCA : Bruxelles inquiète d’un risque de position dominante dans les utilitaires
La Commission européenne est préoccupée par la part de marché élevée qu’aurait le groupe issu de la fusion entre PSA et Fiat Chrysler (FCA) dans les petits véhicules utilitaires (camionnettes), et elle pourrait demander aux deux groupes automobiles des concessions pour autoriser leur mariage, avance l’agence Reuters lundi 8 juin, citant des sources proches du dossier. PSA et Fiat Chrysler ont été informés de ces inquiétudes des services européens de la concurrence la semaine dernière, précise l’agence. L’exécutif européen, qui entend terminer cet examen préliminaire au plus tard le 17 juin, a refusé de s’exprimer sur le sujet, tout comme FCA et PSA.
A ma gauche, le groupe belge Rossel, propriétaire de La Voix du Nord, acteur majeur de la presse quotidienne régionale française. A ma droite, le groupe belge IPM, acteur de la presse de Outre-Quiévrain (La Libre Belgique, La dernière heure), ne disposant, pour l’instant, d’aucune implantation en France. Mardi 9 juin, l’un et l’autre ont présenté à huis clos leurs offres de reprise de Paris-Normandie, placé en liquidation judiciaire en plein confinement, le 21 avril. En attendant que le tribunal de commerce de Rouen tranche en faveur de l’une ou l’autre, lundi 15 juin à 14 heures, nombre de salariés du quotidien normand s’apprêtent à traverser encore des nuits agitées.
« On est tous pour La Voix du Nord, reconnaît Patricia Buffet, journaliste et secrétaire adjointe du CSE. Si ce n’est pas l’option retenue, il y aura beaucoup de colère et d’incompréhension. » Dans un communiqué, le Silpac-CGT (Syndicat des industries du livre, du papier et de la communication de Rouen, du Havre et de leur région) a prévenu : il « arrêtera l’entreprise » si la deuxième offre devrait être choisie.
« Je saurai m’en souvenir »
Pourquoi tant d’aversion ? Parce qu’IPM ne se présente pas seul devant les juges consulaires : au sein de la holding Normandie Presse (NP), il s’est associé à Fininco holding, société de Jean-Louis Louvel… actionnaire majoritaire de Paris-Normandie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le propriétaire (à 90 %) depuis bientôt trois ans fait l’unanimité contre lui. Il suffit de lire le très long article que lui a consacré le site local d’information Le Poulpe, où officient quelques anciens de Paris-Normandie, pour comprendre qu’à son évocation, les langues se délient volontiers – quoique anonymement. « Dans la région, Louvel est une sorte de parrain », nous confie l’une d’elles, pour signifier à quel point il est incontournable.
Patron de la société Palettes gestion service, actionnaire principal du club de rugby rouennais, Jean-Louis Louvel s’est présenté aux dernières élections municipales sous l’étiquette La République en marche (LRM) ; ses 16,79 % des voix ne lui permettant pas d’espérer de divine surprise au second tour, il a finalement jeté l’éponge.Trop tard pour l’équipe rédactionnelle, qui avait fait connaître sa désapprobation. Un responsable d’une agence locale du quotidien se souvient : « Quand en janvier, à la cérémonie des vœux, les élus SNJ [Syndicat national des journalistes], lui ont fait remarquer qu’une candidature à la mairie de Rouen n’était pas tellement compatible avec la direction du journal local, il a répondu : “je saurai m’en souvenir”. On n’en revenait pas. Ce n’était pourtant qu’une remarque de bon sens… »
L’une de ses consœurs reconnaît toutefois que « Louvel ne s’est jamais autorisé de coup de fil à la rédaction pour demander un article, ou influer sur un autre ». Mais, tempère-t-elle, « il connaît tellement de monde que, souvent, nos interlocuteurs se permettent des petits coups de pression : “Je connais bien Jean-Louis, ou Jean-Luis m’a dit que…” Au quotidien, c’est insupportable. »
Un air de tour de passe-passe
Ce sont cependant des événements plus récents qui ont définitivement discrédité M. Louvel aux yeux des salariés. Ainsi le versement pour plusieurs centaines de milliers d’euros de loyers en retard qui lui étaient effectivement dus, mais récupérés juste avant la mise en liquidation judiciaire du journal… Une opération qui lui permet d’apurer une dette de 7 millions d’euros et donne à sa candidature au rachat avec IMP un air de tour de passe-passe.
« Ce n’est peut-être pas illégal, mais ce n’est pas moral », proteste le journaliste de locale. Un courrier anonyme aurait été envoyé au parquet de Rouen, afin de dénoncer ces agissements et susciter, le cas échéant une enquête. Surgissent également, ces derniers jours, diverses anecdotes révélatrices de pratiques relevant du mélange des genres entre le journalisme et la communication. « Si cette agitation a pu permettre de faire avancer les esprits dans le bon sens, tant mieux, se félicite un membre de la direction, désireux de voir le journal repartir sur des bases saines. Mais la poursuite des polémiques desservirait désormais le titre ». Nos appels à Jean-Louis Louvel et Valéry Jimonet, le directeur général de Paris-Normandie, sont restés sans réponse.
De fait, c’est sur la solidité des offres que devra se prononcer, lundi, le tribunal de commerce et de ce côté-là, « il n’y a pas photo », assure une élue. Les administrateurs judiciaires et liquidateurs, le juge-commissaire et le procureur de la République ont souligné la supériorité de celle de Rossel par rapport à celle de la holding NP, de même que le vote interne des salariés largement favorable à Rossel.
Les deux prétendants au titre de presse prévoient de supprimer une soixantaine de postes sur les 240 que compte actuellement le journal (Rossel promettant une indemnité supra légale de 28 000 euros) mais quand l’un promet de conserver les sept éditions et agences, l’autre envisage de n’en garder que quatre. Enfin, les garanties financières apportées par Rossel (déjà candidat à la reprise de Paris-Normandie par le passé) sont plus grandes, et les redressements récents considérés comme réussis de L’Union de Reims et du Courrier Picard rassurent. Reste, pour les salariés, la crainte que Jean-Louis Louvel compte des amis très fidèles, peut-être trop, au tribunal de commerce de Rouen. « On ne peut évidemment préjuger de rien, mais on a peur, conclut une journaliste. On ne veut pas qu’il revienne, c’est tout ».
Face au chômage des moins de 25 ans, structurellement supérieur à celui du reste de la population, les gouvernements successifs se sont ingéniés à lancer, les uns après les autres, « leur » mesure en faveur de l’emploi des jeunes. Ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler « les contrats aidés » se sont multipliés depuis quarante ans. La première disposition date de 1977, lorsque le taux de chômage des moins de 25 ans atteint 11,3 %, contre 5,3 % pour l’ensemble de la population active.
Se sont ensuite succédé les travaux d’utilité collective (TUC), en 1984, puis, après un « plan d’urgence pour l’emploi des jeunes », en 1986, les contrats emplois solidarité (CES), puis les contrats initiative emplois (CIP), les emplois-jeunes, les contrats jeunes en entreprise, ceux dits « d’avenir », « d’initiative emploi », ou « d’accompagnement vers l’emploi ». Puis il y aura le mort-né contrat première embauche, le contrat unique d’insertion, les emplois d’avenir, le parcours emploi-compétences et, enfin, la garantie jeunes, généralisée en France au 1er janvier 2017. Un enchaînement de dispositifs qui illustre la limite de ce type de politique.
Parallèlement, des aides pour les entreprises embauchant des jeunes ont été prises, le plus souvent sous forme d’allègements de charges. A cet arsenal, il convient d’ajouter les dispositifs en faveur de l’apprentissage et de la formation en alternance.
Enchevêtrement de mesures
Qu’en est-il de l’efficacité de ces mesures ? La ministre du travail Muriel Pénicaud avait tranché le débat en août 2017. « Des études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques [Dares], de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] comme de la Cour des comptes montrent trois choses : un, les contrats aidés sont extrêmement coûteux pour la nation ; deux, ils ne sont pas efficaces dans la lutte contre le chômage ; et trois, ils ne sont pas un tremplin pour l’insertion professionnelle », avait-elle assuré à l’Assemblée nationale.
De faux CV montrent qu’un jeune issu d’un emploi aidé non marchand, mais sans formation qualifiante, reçoit le même taux de réponses que s’il était resté au chômage
Certes, un tel enchevêtrement de mesuresrend difficile une évaluation de leur efficacité, d’autant qu’elles ne s’adressent pas toutes aux mêmes publics. Pour autant, les différentes études menées sur le sujet livrent un bilan bien plus nuancé que celui de la ministre du travail, et quelques lignes de force peuvent en être tirées. La première concerne les emplois aidés. « Le plus fort taux de retour à l’emploi est obtenu avec les emplois aidés dans le secteur non marchand (services publics, associations…), s’ils s’accompagnent d’une formation diplômante reconnue », assure Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
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Chaque semaine pendant le confinement, une dizaine d’entrepreneurs issus des quartiers populaires se sont donné rendez-vous par visioconférence pour des séances express d’une demi-heure. L’objectif : « Se soutenir, s’aider, régler les problèmes les plus urgents », raconte Oilid Mountassar, 42 ans. Consultant indépendant en excellence opérationnelle, il est à l‘origine du collectif Give and Receive, à Marseille, destiné à « renforcer notre écosystème, nos réseaux de solidarité ».
En pleine crise sanitaire liée au Covid-19, ils ont consacré leur énergie au succès de la plate-forme de soutien scolaire lancée cinq mois plus tôt par l’un d’eux, Ilias El-Gabli, 26 ans, fondateur de Trouve ton prof. Les écoles fermées, les parents démunis : le projet collait à la période. « Le projet d’Ilias est celui qui avait le plus de potentiel à ce moment-là, on s’est d’abord concentrés sur celui qui pouvait réussir », explique M. Mountassar.
« Ça n’a pas suffi »
L’entrepreneur évoque les difficultés rencontrées par les « minorités économiques exclues des grands réseaux influents » qui peinent à se faire une place dans la « start-up nation » chère à Emmanuel Macron, « à 85 % blanche et masculine et souvent sortie des grandes écoles ». La crise qui s’annonce ne devrait pas arranger les choses.
Il y a quatre ans, une étude du cabinet de conseil Roland Berger et de l’incubateur Numa, sur la base de 375 start-up interrogées, révélait que près de la moitié des fondateurs seraient diplômés d’une grande école, pour moitié d’une école de commerce et pour l’autre, d’une école d’ingénieurs. «Le système ne mise pas gros sur nous », regrette M. Mountassar.
Ilias El-Gabli, diplômé en ingénierie mécanique de La Sorbonne, à Paris et ancien cadre au sein du groupe Safran, a présenté son projet à sept banques avant d’en trouver une qui accepte de lui prêter 40 000 euros. « J’ai fait une grande université, travaillé dans une grande entreprise internationale, mais ça n’a pas suffi », commente le jeune homme de Cergy (Val-d’Oise), fils d’un professeur de maintenance industrielle et d’une mère au foyer.
Trouve ton prof met en relation des personnes en capacité de donner des cours et celles qui sont à la recherche de soutien scolaire à des tarifs raisonnables : entre 10 et 20 euros de l’heure. Durant le confinement, il a fallu repenser son offre et son modèle économique. Proposer des cours à distance ? « Oui, mais comment ? » Ouvrir la plate-forme aux bénévoles pour offrir des cours gratuits ? « Oui, mais comment l’expliquer aux professeurs payants ? » Changer de modèle économique postconfinement ? « Oui, mais comment se rémunérer ? »« Grâce à nos réunions, on a trouvé les solutions », se réjouit M. El-Gabli.
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Pour Laura, il était « hors de question » de chercher un emploi à la rentrée, alors que l’économie connaît sa pire récession depuis des années. Etudiante en dernière année de master dans une école de commerce et « acheteuse junior » en alternance dans une chaîne de meubles, cette Parisienne veut mettre toutes les chances de son côté pour ne pas accepter des « emplois aux salaires moins élevés que prévu ». En septembre, elle intégrera un master spécialisé en « achats internationaux » à Kedge Business School, pour se « spécialiser davantage et faire la différence » l’an prochain.
Comme Laura, « en attendant que la tempête passe », certains futurs diplômés préfèrent retarder le moment de l’insertion et continuer leurs études pendant un an, en préparant un deuxième master. Les écoles de commerce, qui proposent des cursus spécialisés dans des secteurs ou des types de fonctions (masters spécialisés, masters of sciences), très axés sur l’insertion professionnelle, en profitent. A l’ESCP, les candidatures à ces programmes d’un an, qui ciblent en particulier les bac 5, ont augmenté de 10 %, et de 8 % à la Kedge Business School. Parmi les candidats à ces programmes, beaucoup de jeunes qui terminent cette année une école d’ingénieurs, et qui se destinaient à des secteurs paralysés par la crise, « tels que l’aéronautique ou l’automobile », remarque Françoise Lassalle-Cottin, directrice des programmes spécialisés à la Kedge. « Ils veulent se spécialiser pour ajouter une corde à leur arc et s’armer pour l’année prochaine », ajoute-t-elle.
Course aux diplômes
Pour répondre à ces candidatures de dernières minute impulsées par la crise sanitaire, les dates d’inscriptions et de rentrées ont été prolongées de quelques semaines dans plusieurs grandes écoles. Myriam, étudiante en master de biologie à l’université de Montpellier, s’est décidée au dernier moment. Apprentie dans une start-up pharmaceutique en faillite depuis le confinement, elle a constaté que ses collègues plus expérimentés avaient des difficultés pour retrouver un emploi. Elle a donc préféré prolonger ses études : à la rentrée, elle s’est inscrite dans un master en marketing et communication, à la Toulouse Business School, en alternance.
Manuelle Malot, directrice carrières à l’EDHEC, estime que le double master est efficace si le deuxième cursus est différent du premier, et s’il « apporte une plus-value au CV ». Mais tous les futurs diplômés de la « génération Covid » ne peuvent se permettre une poursuite d’étude. Outre les frais de scolarités (un master spécialisé peut coûter jusqu’à 15 000 euros), une année d’études supplémentaire pèse lourd pour les familles. Réaliser ces cursus en alternance permet d’alléger significativement la facture – mais encore faut-il trouver un employeur.
Le risque de cette stratégie : la surenchère et la course aux diplômes. Alors que la part de titulaires de masters, au sein d’une génération, ne cesse de progresser (17 % de la génération sortie des études en 2013, selon le Centre d’études et de recherches sur les qualifications) le double diplôme est une « stratégie de différenciation », selon le chercheur et économiste au Céreq Philippe Lemistre. En particulier lorsque le marché de l’emploi se tend. « Faire un deuxième master n’est rentable que si peu d’étudiants le font, et si c’est un phénomène générationnel ponctuel », observe-t-il.
Coronavirus : la jeunesse, victime de la crise économique
Qu’ils habitent à Arras, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes ou Paris, partout les jeunes qui arrivent sur le marché du travail subissent de plein fouet la grave récession et l’envolée du chômage provoquées par l’épidémie, faisant voler en éclats leurs projets. Si certains diplômés préfèrent prolonger leurs études, d’autres doivent se résoudre à entrer dans la vie professionnelle au pire moment. Le Monde a rencontré cette génération qui raconte sa galère et son sentiment du déclassement.
A mesure que l’inquiétude sanitaire liée au Covid-19 reflue, d’autres urgences plus politiques passent au premier plan : à quel avenir destine-t-on les 18-25 ans qui ont vu leurs études interrompues, leur insertion professionnelle compromise avec le confinement ? Mi-mars, le coup d’arrêt porté à l’économie, aux écoles et universités avait pourtant peu fait débat, tant la peur de contaminer mortellement ses aînés était forte dans la population et le discours public.
Aujourd’hui, à l’heure où les manifestations qui ont éclaté en France en écho à la mort de George Floyd aux Etats-Unis rassemblent une majorité de jeunes, les responsables politiques redoutent d’avoir « sacrifié » une classe d’âge et semé le ferment d’une révolte tenace, en forme de conflit des générations.
Aux racines de cette inquiétude, la crise sanitaire n’avait pourtant pas éveillé d’opposition entre générations, bien au contraire, souligne la sociologue Monique Dagnaud, spécialiste au CNRS de la jeunesse et des médias. « Quand on a compris que le confinement allait être long, on aurait pu imaginer que des jeunes se lèvent en disant, non ce n’est pas possible, mais il y a une sidération qui a gelé la protestation », note-t-elle.
Cette cohésion intergénérationnelle pendant la crise, la sociologue l’explique par la prééminence de la famille. « Il n’y a jamais eu autant de solidarité économique entre les générations, la famille est la seule institution qui n’est pas remise en question. Le reste, la politique, les partis, font tous l’objet d’une forte défiance. Tout le monde a voulu protéger les vieux, les grands-parents », souligne-t-elle, notant que le virus a représenté le « premier vrai ennemi » de la génération des « inoxydables » de l’après-guerre, ces « boomers » au sujet desquels on a cessé d’ironiser pendant la crise.
« On a fait vivre quelque chose de terrible à la jeunesse »
A mesure que l’épidémie recule, le sommet de l’Etat mesure pourtant l’ampleur de l’épreuve qui, imposée à tous, cause un malaise particulièrement aigu chez les jeunes adultes. Ainsi, pour Emmanuel Macron, les manifestations contre les violences policières et le racisme traduisent autant une mobilisation liée à l’affaire George Floyd – un Afro-Américain de 46 ans asphyxié par un policier blanc, le 25 mai, aux Etats-Unis – qu’une réaction à la crise du Covid-19. « On a fait vivre quelque chose de terrible à la jeunesse lors du confinement, a récemment confié en privé le chef de l’Etat. On a interrompu leurs études, ils ont des angoisses sur leurs examens, leurs diplômes et leur entrée dans l’emploi. Ils trouvent dans la lutte contre le racisme un idéal, un universalisme. »
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Editorial du « Monde ». Le confinement s’est révélé indispensable pour protéger les plus âgés, particulièrement exposés à la pandémie de Covid-19. Cette décision, inédite par son ampleur et ses conséquences économiques, a néanmoins plongé la jeunesse dans une vulnérabilité dont on n’a pas fini de mesurer les effets.
La préservation de la vie des premiers a conduit de façon collatérale à fragiliser l’existence des seconds. Il est indispensable de prendre conscience de l’ampleur des dégâts pour tenter d’en atténuer les conséquences qui menacent d’aboutir à « une guerre » des générations, dangereuse pour la cohésion de la société.
Si les conditions de vie et les perspectives d’avenir se sont brusquement assombries pour l’ensemble de la population, la période qui s’ouvre s’annonce particulièrement anxiogène. Ces interminables semaines d’enfermement sanitaire subies ont bouleversé un horizon qui se dessinait à peine. Entre des études fortement perturbées, des stages qui se sont évaporés, des contrats courts non renouvelés, des débuts de carrière compromis, des salaires d’embauche révisés à la baisse, cette génération doit affronter un environnement particulièrement chaotique.
Basculement vers la pauvreté
L’Organisation internationale du travail (OIT), dans son dernier rapport, prévient que les moins de 25 ans seront les premières victimes de la récession en cours. Celle-ci risque d’aggraver les conditions de vie d’une génération qui cumulait déjà une série de handicaps économiques : précarité des contrats de travail, taux de chômage très élevé par rapport au reste de la population, difficultés pour se loger sur un marché immobilier de plus en plus inabordable, niveau de pension de retraite hypothétique.
A court terme, l’arrêt brutal de l’activité a particulièrement touché des secteurs comme la restauration, l’hôtellerie ou l’artisanat, qui sont traditionnellement de gros recruteurs de jeunes sortant des filières professionnelles. De façon plus durable, et plus inquiétante, cette crise menace d’aggraver les inégalités scolaires, qui auront inévitablement des effets à long terme sur l’insertion professionnelle, avec pour corollaire le basculement vers la pauvreté. Si la situation des jeunes diplômés demandera du temps pour s’améliorer, celle des « décrocheurs », ces jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme, est particulièrement inquiétante.
La prise de conscience du problème semble largement partagée au sommet de l’Etat, dans l’opposition, au sein du patronat comme parmi les syndicats. Lors de la crise de 2008, la réactivité n’avait pas été aussi forte. Désormais, elle doit se concrétiser à travers des mesures, dont les modalités restent à définir. La boîte à outils est vaste : incitations à l’embauche grâce à une baisse des charges, soutien à l’apprentissage, création d’un revenu de solidarité active (RSA) spécifique, revalorisation des aides au logement, renforcement des dispositifs de formation et d’insertion professionnelle…
Cette dégradation risque de nourrir la montée de la défiance vis-à-vis d’une société qui peine à faire une place à sa jeunesse. Ce ne sont pas des mesures techniques, si indispensables soient-elles dans cette période, qui suffiront à donner un horizon à la jeunesse. Plus que jamais, celle-ci a besoin d’un projet de société, qui se montre plus inclusif et plus soucieux de l’environnement. Cette crise constitue une opportunité d’en dessiner les contours.
Coronavirus : la jeunesse, victime de la crise économique
Qu’ils habitent à Arras, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes ou Paris, partout les jeunes qui arrivent sur le marché du travail subissent de plein fouet la grave récession et l’envolée du chômage provoquées par l’épidémie, faisant voler en éclats leurs projets. Si certains diplômés préfèrent prolonger leurs études, d’autres doivent se résoudre à entrer dans la vie professionnelle au pire moment. Le Monde a rencontré cette génération qui raconte sa galère et son sentiment du déclassement.