Déconfinement : « Au secours, mes salariés ne veulent pas revenir ! »
Tribune. Et s’ils ne revenaient pas ? C’est la question qui inquiète ou qui fâche, selon les cas, et se transforme peu à peu en prise de conscience de dirigeants d’entreprise de toutes tailles : « Au secours ! Ils ne veulent pas revenir… » Leurs salariés évoquent leur état de santé, leur situation familiale, notamment la garde d’enfants toujours non scolarisés, l’efficacité du télétravail, leur nouvelle qualité de vie, la complexité des obligations sanitaires d’un retour sur site…
Chacune de ces raisons semble légitime, et toutes conduisent avec un bon sens apparent à préconiser d’attendre la rentrée de septembre. D’autant qu’après des débuts parfois chaotiques, les activités tertiaires ont trouvé leur rythme et une certaine performance à distance. Gardons-nous cependant de ces énoncés de surface.
En profondeur, de nombreux Cabrel écoutent une petite voix intérieure leur murmurer : « Moi, j’attends que le monde soit meilleur / Là, dans la cabane du pêcheur. » Semblables au gardien de phare ou au chercheur d’or d’antan, ils souffrent du « syndrome de la cabane » décrit dès le déconfinement espagnol fin avril : la peur, après des mois de solitude, de se confronter au monde extérieur, symbole de tous les dangers.
Une forme d’emprisonnement inhumain
Par le nombre de personnes côtoyées, par le temps de transport collectif, par la pression qu’il exerce, le monde du travail représente le paroxysme de cette « vie de dingue » d’avant qui effraie maintenant un grand nombre de salariés. Plus ou moins proches de l’épicentre du séisme, tous les salariés ont subi la violence du traumatisme. Si certains ont pu se confiner au vert, d’autres sont restés à l’étroit ; les uns ont sombré brutalement dans l’inactivité, les autres dans une trépidante gestion de crise et une surcharge de télétravail.
Réduisant brutalement l’espace vital, même doré, bouleversant les repères temporels et professionnels, le confinement a constitué une forme d’emprisonnement inhumain. Pire que la prison symbolique, le cachot ! Par son isolement, il a privé chacun de l’enrichissement d’autrui et du nécessaire sentiment d’utilité sociale. Même si les outils numériques ont permis de garder le contact, le volume de ceux-ci s’est cantonné aux premiers cercles.
Le paradoxe de sa vocation humanitaire – sauver des vies humaines, notamment les plus âgées, les plus faibles de nos sociétés – n’a pas atténué la violence du stress supporté par chacun. Quand bien même les signaux positifs d’une fin de pandémie se confirmeraient cet été, le monde de septembre ne sera pas forcément « meilleur » et vivra encore longtemps dans la peur d’un virus circulant et d’une deuxième vague hivernale.
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