Archive dans mai 2020

« Open space » : la première fois que « Le Monde » l’a écrit

Les locaux déserts de la rédaction de « M Le magazine du Monde », le 20 mars 2020, à Paris.
Les locaux déserts de la rédaction de « M Le magazine du Monde », le 20 mars 2020, à Paris. Julie Balagué/Signatures

C’est l’une des rares critiques qu’on ne lui avait pas encore faite. Parce qu’il suppose la présence dans une pièce sans cloison de plusieurs dizaines de salariés, l’open space pourrait favoriser la propagation du Covid-19. De quoi redouter le déconfinement des salariés du tertiaire, majoritairement installés dans ce genre d’espace. Et, espèrent ses détracteurs, donner un coup d’arrêt à ce type d’organisation du travail.

Lorsqu’il fait son apparition dans Le Monde, le 8 mai 1971, l’open space porte aussi le joli nom de « bureau paysage ». « Mot devenu magique pour des milliers de citadins privés d’arbres et de pelouses et qui, accolé à n’importe quel autre, évoque espace, verdure et liberté », s’amuse Michèle Champenois, pas dupe : « Bureau paysage (…) Un mot dont la poésie cache une technicité un peu terne puisqu’il désigne tout simplement des bureaux non cloisonnés. Les Allemands qui ont inventé, dit-on, ce mode d’organisation, l’appellent “Grossroundbüro”, les Anglais et les Américains, qui l’utilisent beaucoup, “landscape” ou “openspace”. »

La journaliste met déjà en garde : « Que cherchent les chefs d’entreprise qui s’intéressent au bureau paysage ? Pas à gagner de la place en supprimant les couloirs inutiles, les coins perdus et les pièces mal commodes, car ils seraient déçus. Un bureau paysage bien conçu, affirment les spécialistes, ne doit pas être “plein comme un œuf”. Au contraire. La distance remplace les cloisons, et l’on se sépare de son voisin en s’en éloignant. Pas à économiser de l’argent, car celui qu’on gagne en se passant de murs et de portes doit être consacré à d’autres dépenses : climatisation et insonorisation sont indispensables. »

Il n’empêche : « L’aménagement des bureaux non cloisonnés est meilleur marché, assurent pourtant les ­installateurs, que celui des “cellules” classiques à confort égal. Simplement, en choisissant d’installer une centaine de personnes sur plus de mille mètres carrés, on doit prendre certaines précautions pour que la “vie communautaire” ne devienne pas l’enfer des “pools” de dactylos », prévient la journaliste.

Lieu d’enfermement

Après cet article précurseur, l’open space va disparaître des colonnes du Monde jusque dans les années 1990 : c’est seulement à ce moment-là qu’il commence vraiment à faire partie du paysage des salariés français. Le quartier de la Défense en est le symbole. Au retour de sa visite chez IBM, installé dans la tour Descartes, Philippe Godard constate le 24 octobre 1991 : « Plus répandu dans les entreprises anglo-saxonnes et nippones (y compris celles installées en France), l’open space rencontre de nombreux détracteurs… principalement chez les salariés qui acceptent mal de “devoir voir tout en étant vu”. Le débat est loin d’être clos. »

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Une conversion au télétravail plutôt réussie, selon une étude

Mis en place pour des millions de salariés depuis le début du confinement, le télétravail semble avoir le vent en poupe. C’est le principal enseignement d’une note diffusée, jeudi 30 avril, par le think tank Terra Nova. Elle s’appuie sur une enquête lancée par l’« agence conseil » Res Publica qui a permis de recueillir, durant les trois premières semaines d’avril, l’avis de quelque 1 860 personnes exerçant leur activité à distance : 58 % d’entre elles « souhaitent à l’avenir travailler plus souvent » de leur domicile.

Le but de l’étude est d’identifier les « bénéfices » et les « difficultés » d’une expérience « totalement inédite », provoquée par la crise liée à l’épidémie de Covid-19. A partir de la mi-mars, des salariés ont, du jour au lendemain, dû travailler depuis leur logement, « en improvisant de nouvelles manières de coopérer avec leurs collègues et de cohabiter avec leurs conjoint et enfants, tout en ayant un ordinateur sur les genoux et un téléphone à la main », comme le souligne la note.

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Ce changement soudain n’est pas toujours évident à affronter. D’abord parce que 42 % des sondés ne disposent pas d’un « espace de travail dédié » à la maison, si bien qu’ils accomplissent leurs tâches dans une pièce partagée avec leurs proches. Une telle situation peut s’avérer particulièrement « inconfortable » pour ceux qui vivent avec au moins deux autres personnes sous le même toit, ce qui est le cas d’un peu plus de deux tiers des répondants (près de 30 % d’entre eux ayant au moins un enfant de moins de 12 ans). En outre, une bonne partie des personnes interrogées (42 %) n’avaient jamais pratiqué leur métier de cette manière, jusqu’à présent.

Plus de difficultés pour les femmes et les personnes âgées

Malgré ces écueils, le constat est positif pour une très large majorité : les trois quarts des répondants disent, en effet, remplir leur mission « dans des conditions  “faciles” ou “très faciles” ». La plupart (75 %) affirment être familiarisés avec les « outils du travail à distance » et la quasi-totalité (88 %) « ont le sentiment d’être complètement ou partiellement équipés ».

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Ceux qui rencontrent des difficultés sont « un peu plus souvent » des femmes et des personnes âgées de 30 à 49 ans : les « perturbations sont d’autant plus probables pour [elles qu’elles] vivent plus souvent dans des foyers plus nombreux ». Les problèmes posés tiennent à la vie quotidienne : attention à accorder aux enfants, gestion des « charges domestiques ». Ils peuvent aussi résulter d’un équipement insuffisant et d’un manque d’expérience au télétravail. Sont ainsi mis en évidence les inconvénients, « voire les impossibilités », « d’un complet mélange » entre vie familiale et vie professionnelle.

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Plus de report de délai pour les ruptures conventionnelles

«  L’état d’urgence sanitaire ne constitue donc plus un frein à l’homologation des ruptures conventionnelles. »
«  L’état d’urgence sanitaire ne constitue donc plus un frein à l’homologation des ruptures conventionnelles. » Philippe Turpin / Photononstop

La rupture conventionnelle homologuée est un mode de rupture du contrat de travail très prisé dans le monde du travail, en raison de son caractère amiable, sans motif de rupture, avec une prise en charge du salarié par l’assurance-chômage. Un dispositif qui ne cesse de progresser depuis sa création, en 2008.

En février, 37 400 ruptures conventionnelles ont été homologuées, indique le ministère du travail. Mais l’état d’urgence sanitaire y avait mis un coup de frein, en modifiant les délais pour officialiser définitivement la rupture du contrat. Une nouvelle ordonnance et un décret publié le 26 avril viennent de changer la donne.

Interprétations différentes

En effet, d’une part, l’ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais, avait reporté le point de départ du délai de rétractation de quinze jours dont disposent les signataires d’une rupture conventionnelle. D’autre part, elle avait suspendu la durée maximale fixée à l’administration pour homologuer la rupture.

Ces changements ne concernaient que les délais qui auraient dû expirer entre le 12 mars et le 24 juin, soit un mois après la fin de l’état d’urgence, fixée au 24 mai, mais ils paralysaient ce mode de rupture du contrat de travail, en créant une nouvelle source d’insécurité juridique. En effet, les parties devaient-elles conclure un nouveau formulaire Cerfa de rupture conventionnelle, puisque la date d’expiration du délai de rétraction mentionnée n’était plus d’actualité ? En outre, la date de rupture envisagée sur ce Cerfa pouvait se révéler finalement antérieure à la date d’homologation.

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Parallèlement, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) chargées de l’homologation des ruptures conventionnelles n’avaient pas toujours la même interprétation des textes. Certaines Direccte acceptaient de continuer à homologuer les ruptures conventionnelles, tandis que d’autres appliquaient à la lettre les dispositions précitées de l’ordonnance du 25 mars 2020.

A compter du 27 avril

L’administration a tenté de pallier ces difficultés par une nouvelle ordonnance, n2020-427 du 15 avril 2020 : les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 ne s’appliquaient finalement pas au délai de rétractation. L’ordonnance était cependant muette sur le délai dont dispose l’administration pour procéder à l’homologation. En l’état, ce texte ne résolvait pas définitivement la question.

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