Deux semaines après l’annonce des premières mesures de confinement par Emmanuel Macron, les syndicats d’Amazon continuent de revendiquer l’arrêt du travail. « Amazon continue de privilégier ses ventes au détriment de la santé des ses employés. Chaque jour, il y a des milliers de contacts entre employés dans les entrepôts, c’est incohérent avec le fait de demander au reste des salariés de rester chez eux pour éviter la propagation du coronavirus », estime Julien Vincent, délégué central CFDT.
Signe de l’inquiétude, le taux d’absentéisme total atteindrait « autour de 50 % » dans la branche logistique d’Amazon, selon M. Vincent. Ce chiffre cumule les droits de retrait − que l’entreprise ne veut pas payer −, les congés, les congés sans solde et les maladies. Selon Alain Jeault, délégué central de la CGT, la direction a, elle, évoqué le taux de 30 % lors du comité d’entreprise extraordinaire de ce jeudi 26 mars. Contactée, la branche logistique d’Amazon estime ce chiffre trop élevé. L’entreprise objecte notamment que ces totaux intègrent des absences liées aux congés accordés aux parents d’enfants sans mode de garde. L’absentéisme total avoisinerait plutôt les 20 %, selon la direction.
Collègues en quarantaine
L’intersyndicale continue d’estimer les mesures de sécurité insuffisantes : « Manque de gel hydroalcoolique, pas de masques, pas de gants », liste Tatiana Campagne, élue SUD-Solidaires du site de Lauwin-Planque (Nord). Venir au travail chez Amazon implique aussi des contacts dans les transports en commun et il n’y a pas de contrôle de température, ajoute Jean-François Bérot, élu SUD-Solidaires du site de Saran,cité par La République du Centre. Dans cet entrepôt du Loiret, un employé a été diagnostiqué positif au coronavirus ce lundi et 32 collègues ont été envoyés en quarantaine pour avoir été à son contact.
Amazon a renforcé progressivement sur ses sites les mesures pour tenter de faire respecter l’hygiène et la distanciation sociale entre salariés. « Avec une distance minimum de deux mètres, nous sommes mieux-disants par rapport aux recommandations des autorités », soutient la direction. Le gel hydroalcoolique est disponible sur les sites, selon l’entreprise. Quant au port de masques et de gants, « ce n’est pas une recommandation » des autorités.
« En tout cas, certains deviennent plus radicaux : on voit des profils qui faisaient du zèle se mettre à haïr l’entreprise. » Julien Vincent, délégué central CFDT
Les syndicats ont un nouvel angle d’attaque : selon eux, Amazon a menti en assurant ne distribuer que des « produits essentiels » pour répondre à la crise due au coronavirus. L’entreprise a annoncé, le 18 mars, se concentrer sur les produits pour la maison, alimentaires, médicaux, de soins de beauté… Or, Amazon livre aujourd’hui des transats, ironise une salariée du site de Boves, près d’Amiens, dans une photo partagée sur un groupe Facebook.
« On voit des ballons de foot, des consoles de jeu vidéo, de l’engrais pour gazon… et pas plus de riz ou de pâtes qu’avant », renchérit M. Vincent, qui a écrit au cabinet du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, pour l’alerter. De fait, sur Amazon.fr, tout semble disponible, de la robe à l’appareil photo. Certes avec des délais de livraison rallongés. Ces derniers sont en moyenne plus longs pour les produits non prioritaires, assure la direction. Selon cette dernière, la politique de restriction est bien réelle et devrait être « de plus en plus visible ».« Nous sommes les seuls à avoir pris ce genre de décision », ajoute-t-on.
Dans ce conflit, Amazon peut se prévaloir d’une forme de soutien du gouvernement. Interrogée mercredi 25 mars à propos d’Amazon sur Europe 1, Muriel Pénicaud, la ministre du travail, a d’ailleurs répondu : « De ce que je sais, maintenant, les conditions de sécurité sont là. » Tout en demandant le respect du « dialogue social ».
Face à la fermeté d’Amazon, les salariés ne se découragent-ils pas ? « En tout cas, certains deviennent plus radicaux : on voit des profils qui faisaient du zèle se mettre à haïr l’entreprise », selon M. Vincent. « Nous n’allons pas lâcher le morceau, dit M. Jeault. Nous étudions avec les syndicats des recours judiciaires. Aux prud’hommes, pour faire payer les jours de droit de retrait. Et aussi au pénal, pour mise en danger de la vie d’autrui. »
« Un dimanche soir, on était les maîtres du monde. Le lundi, c’était terminé. En 24 heures, le monde avait changé. » Trois semaines après l’annulation de l’Euro 2020, pour cause de coronavirus, et qui devait permettre au magazine So Foot de cartonner cette année, Franck Annese, le fondateur de So Press, n’en revient toujours pas. « C’était parti pour être notre meilleure année, on avait plein de projets, ça nous a séchés », témoigne le quadra à casquettes, qui a créé, outre So Foot, Society, Pédale ! (cyclisme), ou Running Heroes (course à pieds) ou Tampon ! (rugby).
Comme toute la presse, l’éditeur subit de plein fouet le cataclysme du Covid-19, qui fait fuir les annonceurs, ferme les kiosques, vide certaines rubriques (culture, loisirs, etc.) de leurs substances. Pour tenir la barre, Franck Annese a « suspendu les parutions d’avril de Tsugi, consacré à la musique, et de So Film, au cinéma », mis une soixantaine de CDI au chômage partiel, total ou à temps partiel, en fonction des métiers, et ce afin de « continuer à payer les pigistes », le nerf de la guerre de ses publications.
Chute de la pub
Au Parisien, l’annonce de mesures de chômage partiel, qui vont concerner la régie, une grande partie des fonctions supports, et la rédaction, a créé l’émotion en interne. Tous les journalistes des rubriques immobilier et hippisme sont mis à l’arrêt, comme la moitié des rédacteurs sport, et 30 % du service culture-spectacle. « Nous avons eu soudainement l’impression de ne plus faire partie de la grande famille de la rédaction. Le sentiment qu’il y a désormais des journalistes dont le travail est nécessaire et d’autres dont on n’a plus besoin », s’est ému le service sport, dans une lettre ouverte à la direction, et signée par une grande partie de la rédaction.
« Nous sommes touchés plus que d’autres par la fermeture de nombreux points de vente. Sans compter la chute de la pub », justifie Sophie Gourmelen, la directrice générale du journal. Pourquoi le propriétaire du titre, Bernard Arnault, qui a fait don de 40 millions de masques aux hôpitaux, ne donne-t-il pas un coup de main au titre, s’interrogent certains journalistes ? « L’actionnaire nous a aidés sur pas mal de choses. Mais l’on doit préserver au mieux le résultat de l’entreprise », justifie la dirigeante.
Les rédactions tournent à plein régime, les audiences des sites Internet sont en hausse, les abonnements numériques explosent
En Norvège, le taux de chômage est passé de 2,3 % de la population active à 10,4 % en un mois, un record depuis la seconde guerre mondiale. En Autriche, 163 000 nouveaux inscrits sont venus pointer aux services de l’emploi en dix jours, soit un bond de 40 %. En Suède, sur la seule semaine du 16 au 22 mars, 14 000 salariés ont reçu un préavis de licenciement, contre une moyenne habituelle de 3 000… par mois.
Ailleurs, en Europe, les statistiques ne sont généralement pas encore disponibles, mais la même histoire se répète à grande échelle.
Les hôtels suédois Scandic ont licencié 2 000 personnes, près de la moitié de leur personnel. En Hongrie, l’aéroport de Budapest a supprimé 15 % de ses effectifs. Au Royaume-Uni, raconte la BBC, Tom Danousias, 23 ans, a reçu une lettre de licenciement de son employeur, une entreprise qui vend des produits pour le secteur hôtelier. « Je vous écris pour vous confirmer que nous mettons fin à votre emploi le 18 mars à cause (…) de l’épidémie de coronavirus. » Il n’avait été embauché qu’un mois plus tôt et l’entreprise a utilisé la période d’essai pour se séparer immédiatement de lui.
Sous perfusion
Alors que la pandémie due au coronavirus se répand, forçant l’arrêt brutal de l’économie, le spectre du chômage de masse réapparaît. L’Organisation internationale du travail (OIT) pense qu’il pourrait y avoir entre 5 et 25 millions de chômeurs supplémentaires à travers le monde, suivant les scénarios économiques, dont la moitié dans les pays les plus développés.
Partout, en Europe, les gouvernements ont réagi de la même façon : il faut empêcher au maximum les licenciements secs et les faillites des entreprises. Leur espoir est que le confinement ne dure qu’un ou deux mois. En mettant sous perfusion l’économie et en limitant les dommages de long terme, la reprise pourrait ensuite être rapide. Il faut préserver le « tissu productif » afin de « sauvegarder les emplois » et « rebondir » quand « la pandémie sera terminée », explique Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol. « Le chômage partiel est meilleur que le chômage », confirme le chancelier autrichien, Sebastian Kurz.
Dans ce contexte, les gouvernements font tomber un à un les habituels tabous économiques. Des premières nationalisations ont eu lieu, notamment, en Italie, celle de la compagnie aérienne Alitalia, ainsi que de l’ensemble du système ferroviaire britannique, où l’Etat accepte d’assumer l’ensemble des pertes du secteur pour six mois. Tous les gouvernements ont aussi permis aux entreprises de reporter leurs dépenses de cotisations sociales, de TVA ou d’impôts, pour préserver au maximum les trésoreries. Ils acceptent de garantir, quasiment sans limite, des prêts aux entreprises, pour éviter les crises de liquidité.
« Nous n’avons pas envie d’envoyer nos salariés à l’abattoir. » Le message de Jean-Luc Tuffier, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) pour le Grand Paris, et des autres patrons du BTP est limpide. Malgré la pression du gouvernement, les professionnels jugent extrêmement difficile de redémarrer à court terme les innombrables chantiers arrêtés à cause de l’épidémie de Covid-19.
« Reprendre sans masques, puisqu’ils sont destinés en priorité au personnel soignant, sans gants ni gel hydroalcoolique, et alors que les règles de confinement se durcissent de jour en jour ?, demande M. Tuffier. Honnêtement, je ne vois pas bien comment on peut faire. »
Après quelques passes d’armes, le gouvernement et les représentants du BTP ont commencé, le 21 mars, à préparer ensemble un « guide de bonnes pratiques » précisant les conditions dans lesquelles certains chantiers pourraient repartir. Mais s’entendre sur ces recommandations n’a rien d’évident.
Le texte, attendu initialement le 24 mars, n’est toujours pas finalisé. Surtout, il n’est pas dit que, une fois diffusé, ce guide suffira à relancer vraiment l’activité.
Raisons sanitaires et pratiques
Depuis l’instauration du confinement, le 16 mars, de 80 % à 90 % des chantiers de l’Hexagone sont à l’arrêt. De nombreux clients l’ont imposé, qu’il s’agisse de particuliers, d’entreprises ou de collectivités. A Paris, par exemple, la ville a suspendu l’ensemble des chantiers dont elle est commanditaire, à l’exception de ceux relevant de mesures de mise en sécurité. Au moins, les Parisiens ne pourront plus accuser la maire, Anne Hidalgo, de perturber leur quotidien en lançant trop de travaux simultanés… Et quand les maîtres d’ouvrage ne le demandaient pas, les entreprises de BTP elles-mêmes ont pris l’initiative de stopper l’activité, pour des raisons tant sanitaires que pratiques.
C’est ainsi que de grands chantiers comme la rénovation de Notre-Dame de Paris, la restauration de l’opéra d’Avignon, l’extension du tramway de Bordeaux vers l’aéroport de Mérignac, ou encore le maillage du pays en fibre optique sont suspendus.
De même, les énormes tunneliers qui venaient d’être baptisés et devaient creuser pour les lignes 16 et 17 du futur métro automatique du Grand Paris Express restent, pour l’instant, au point mort.
L’essentiel des chantiers maintenus concerne des artisans qui travaillent seuls, par exemple pour rénover un appartement en l’absence de ses occupants. Et ceux liés à des urgences,comme la construction d’installations hospitalières.
Ils travaillent à l’hôpital ou en médecine de ville, ils sont généralistes, infirmiers, urgentistes, sage-femme : une quinzaine de soignants, en première ligne face à la pandémie de Covid-19, ont accepté de nous raconter leur quotidien professionnel. Chaque jour, dans ce « journal de crise », Le Monde publie une sélection de témoignages de ces « blouses blanches ».
« Plus de relâche possible, il faut être à 100 % tout le temps »
François Cornelis, 42 ans, médecin hospitalier, radiologue à l’hôpital Tenon (Paris 20e)
« Je fais la tournée des radiographies aux lits avec les manipulateurs. J’ai commencé par les urgences, où les patients s’accumulent. Ils ont souvent le même profil : fièvre et difficulté respiratoire les poussant à consulter. Puis les services d’hospitalisation, qui sont pleins, avec des patients sous oxygène, pour finir par la réanimation qui est bondée. Bientôt les cent soixante-dix lits ne seront plus disponibles à Tenon.
« Lavage des mains puis solution hydroalcoolique, puis blouse et masque FFP2, puis lunettes, masque, puis cagoule chirurgicale, puis surblouse stérile, et pour finir une double paire de gants »
Cette tâche est complexifiée par les nécessaires étapes de protection du personnel et du matériel. C’est le concours de déguisement sans le côté festif : lavage des mains puis solution hydroalcoolique [SHA], puis blouse et masque FFP2, puis lunettes, masque, puis cagoule chirurgicale, puis surblouse stérile, et pour finir une double paire de gants.
Mais le pire est à venir car le risque est au déshabillage. Il faut se pencher en avant et retirer la surblouse depuis l’abdomen vers l’avant en désengageant les épaules, enrouler la surblouse de telle sorte que la surface contaminée soit enveloppée sur elle-même avec les gants qui partent en même temps. Une vraie contorsion.
Il faut alors ne pas oublier de réaliser une nouvelle friction des mains avec une SHA, garder la tête levée afin que le masque de protection respiratoire n’entre pas en contact avec le cou ou la tenue puis, loin de la zone de soin, retirer dans l’ordre : la charlotte, les lunettes, le masque pour finir avec une friction des mains avec une SHA… d’où l’importance d’en avoir beaucoup.
Jusqu’à présent, on économisait sur le matériel pour les patients non Covid-19. Sauf que, maintenant, quasiment tous les patients sont sous suspicion de Covid-19, notamment en sortant du scanner, car on découvre de façon fortuite les signes de la maladie – visibles au scanner thoracique. La situation devient compliquée car cette maladie est contagieuse, complexe à appréhender avec des patients ayant des signes cliniques très variables, et probablement largement présente dans la population et les soignants.
Parmi les patients venant à l’hôpital, le piège vient souvent de ceux ayant des douleurs abdominales, et donc pas du tout des signes évocateurs d’une grippe comme on pourrait le penser… Il est difficile de les orienter correctement vers les parcours les plus adaptés. Il n’y a plus de relâche possible, il faut être à 100 % tout le temps en termes d’hygiène pour tous les patients. Ce qui donc nécessite des soignants, du matériel et du temps, qui nous manquent. »
« Les profils des patients qu’on reçoit sont extrêmement variés »
Thomas Gille, 38 ans, pneumologue à l’hôpital Avicenne, Bobigny (Seine-Saint-Denis)
« Dans mon unité de patients atteints du coronavirus, nous sommes huit pneumologues. On a ouvert jeudi 19 mars une unité qu’on a passée à trente-deux lits, très rapidement tous se sont remplis, à tel point qu’on va ouvrir une troisième unité. Il y a de plus en plus de malades qui arrivent. Aujourd’hui, que ce soient les médecins ou les autres soignants, plus personne ou presque ne fait ce à quoi il est habituellement destiné, tout le monde a été redéployé.
Les profils des patients qu’on reçoit sont extrêmement variés. Hier, j’ai eu un patient de 39 ans initialement sans facteur d’inquiétude, dont l’état s’est aggravé secondairement. Etre jeune, ça ne protège pas de faire une infection ni de développer une forme sévère qui nécessite d’aller en réanimation et d’être intubé. En réanimation, ils ont aussi des patients de 25 ans.
« Individuellement, chacun gère selon son caractère. J’ai du mal à décrocher, même quand je rentre le soir ou pendant un jour de repos »
On ne propose la réanimation que pour les patients pour lesquels on pense que ce sera bénéfique et dont l’état permet de la supporter. Mais on procède comme ça tout le temps, ces discussions ne sont pas proprement liées au Covid-19.
On est à flux très tendu mais on a encore un coup d’avance, on arrive à faire face au prix de journées éprouvantes. On a la chance d’être une équipe qui, au quotidien, est soudée, ça aide. La charge de travail sur une petite période, on peut la supporter ; l’inconnue, c’est combien de temps ça va durer. Et puis dans beaucoup d’équipes, il y a 20 % à 30 % des soignants qui tombent malades : si on n’est plus que cinq pour faire le travail de huit, ça va se compliquer.
Individuellement, chacun gère selon son caractère. Je suis un peu hypomane en ce moment, j’ai du mal à décrocher, même quand je rentre le soir ou pendant un jour de repos comme aujourd’hui. Mon téléphone a sonné huit fois, c’est un peu un repos opérationnel, on est à disposition de ceux qui ont la tête dans le guidon. »
« Je me replie sur moi pour essayer de lutter »
Damien Pollet, 58 ans, médecin généraliste à Salins-les-Bains (Jura)
« Je suis malade Covid-19 depuis vendredi 20, cloué chez moi. Ça commence à faire long… Mardi, à un moment de la journée, je n’avais plus que 37,8 °C. J’étais fier ! Mais hier, c’est remonté à 39,5 °C… Ma saturation en oxygène a un peu baissé, mais je n’ai pas de facteur de risque justifiant l’hospitalisation. Je sais que j’ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête : le risque de décompensation…
« Il faut que les médecins généralistes se posent la question du télétravail pour limiter au maximum les contacts, sinon on va tous tomber malades »
Je me replie sur moi pour essayer de lutter. Je déconnecte mon téléphone, je m’isole un peu dans la musique, je fais pas mal d’autohypnose et je prends du paracétamol. Je me sens un peu déprimé, pourtant ce n’est pas dans ma nature. Je pense à tous ces gens qui continuent à bosser, notamment dans les magasins, sans protection. Au décès très perturbant d’un copain médecin s’ajoute un autre confrère que je connais bien, qui est sous ventilation en réanimation et un autre qui est dans le même état que moi. Heureusement, ma femme, Claire, va mieux.
Il faut que les médecins généralistes se posent la question du télétravail pour limiter au maximum les contacts, sinon on va tous tomber malades. La question est désormais : ne devrait-on pas, pendant un à deux mois, faire de la médecine sans examen ? »
« On commence à se projeter dans des situations terribles »
Véronique Manceron, 49 ans, interniste-infectiologue, hôpital Max-Fourestier, Nanterre
« Depuis lundi 23 mars, la situation s’est considérablement tendue. Cela n’a plus rien à voir avec la semaine dernière. Le flux de patients a fortement augmenté – on doit être à cinquante lits occupés dans les unités Covid-19 –, mais on s’attend à ce que cela continue à grimper. C’est d’ailleurs assez surréaliste : nous n’avons quasiment plus que des patients Covid-19. Avec les collègues, on se demande parfois ce que sont devenues les autres maladies, où sont passés les patients avec des cancers, des embolies pulmonaires, des accidents vasculaires. Il y a une forme d’inquiétude à ne plus voir ces gens qui souffrent eux aussi de pathologies graves. Que deviennent-ils ?
« On se demande parfois ce que sont devenues les autres maladies, où sont passés les patients avec des cancers, des embolies pulmonaires, des accidents vasculaires »
L’afflux des malades atteints par le Covid-19 ne cesse de s’intensifier et c’est en soi un stress considérable, d’autant plus que notre hôpital n’a pas de service de réanimation. Jusqu’à mercredi 25 au soir, on a réussi à aiguiller tous nos patients souffrant de formes sévères vers des services de réanimation, dans ou autour de Paris. Mais on sent que ça se tend fortement. C’est de plus en plus difficile de trouver de la place en réanimation… On nous a promis un logiciel pour nous aider à identifier les places disponibles et nous éviter de perdre trop de temps dans ces démarches.
Bien sûr, nous avons un service de soins intensifs, où il est possible de stabiliser les patients les plus gravement atteints, mais nous ne pouvons pas nous substituer à un service de réanimation. Alors on commence à se projeter dans des situations terribles où des choix devront être faits. On commence à réfléchir aux protocoles que nous devrons peut-être appliquer avant toute décision grave, pour ne jamais avoir à décider dans la précipitation.
Il y a un petit mieux sur les masques, mais sur d’autres matériels, en particulier les casaques et les pyjamas de bloc, on sent que les choses se tendent. Les services administratifs travaillent jour et nuit pour trouver des solutions aux problèmes matériels, mais, là encore, on doit se projeter dans des situations absurdes où chacun devrait venir avec sa propre tenue à usage unique et faire soi-même une machine tous les jours. C’est assez surréaliste. Le manque de protection des soignants est toujours une source de stress considérable. Tous les jours je vois des collègues tomber malades. Tous les jours. »
« Les consignes sur les masques varient d’un jour à l’autre »
Pierre Loisel, 59 ans, aide-soignant, groupe hospitalier Bretagne Sud, Lorient (Morbihan)
« Aujourd’hui, je souffle un peu. Et je profite du soleil pour jardiner et réparer la cabane au fond du jardin, ce que je n’ai jamais le temps de faire. Je lis beaucoup la presse, mais j’ai du mal à me concentrer pour ouvrir les ouvrages qui m’attendent. Pour entrer dans un livre, il faut être au calme dans sa tête, et ce n’est pas le cas.
« De nombreux lits ont été libérés dans les autres services, en organisant, de façon peut-être un peu précipitée pour certains, le retour des patients à leur domicile »
Je suis mis en réserve pour la première fois depuis quinze jours. Les effectifs le permettent, mais je suis susceptible d’être appelé à tout moment. “Tenez-vous prêt”, m’a-t-on dit. Hier, les syndicats de l’hôpital ont déposé un droit d’alerte, sur le manque de masques en particulier. Les consignes varient d’un jour à l’autre. Mardi 24, seuls les personnels en contact avec des personnes susceptibles d’être porteurs du virus y avaient droit. Mercredi soir, à 23 h 30, la direction a répondu aux syndicats en assouplissant la règle, et tous les agents pourront donc se protéger et protéger les patients et les résidents d’Ehpad.
Ici, il reste des lits disponibles en réanimation et de nombreux lits ont été libérés dans les autres services, en organisant, de façon peut-être un peu précipitée pour certains, le retour des patients à leur domicile. Mais cela reste compliqué. Le nombre de cas continue d’augmenter. Quand les personnels rentrent chez eux, ils sont avec leurs enfants qui, eux-mêmes, côtoient d’autres enfants de soignants dans la journée. Le virus continue sans doute à circuler. »
Comme beaucoup de travailleurs indépendants, Julien Bonzom a vu son agenda professionnel chamboulé. Confiné avec sa famille dans un trois pièces de 70 m² dans le centre de Toulouse, ce graphiste et directeur artistique indépendant a réduit de moitié son temps de travail. Le freelance consacre désormais ses matinées à s’occuper de sa petite fille. Et s’interroge sur son avenir professionnel, bien incertain. « Pour l’instant j’ai encore des chantiers, mais dans deux semaines ça risque d’être difficile, s’inquiète-t-il.En plus, on se demande quand on va être payés. J’ai même regardé s’il y avait des postes à pourvoir afin de retourner dans le salariat ».
Alors que des pans entiers de l’activité économique se retrouvent à l’arrêt, indépendants et travailleurs en contrat à durée déterminée se retrouvent sur un siège éjectable. Factures non honorées, non-renouvellement de contrats… En temps de crise, les entreprises sacrifient d’abord leurs collaborateurs non permanents. « On estime à 75% le taux d’intérimaires qui se retrouvent aujourd’hui en intermission », alerte Mathieu Maréchal, délégué FO.
Une étude de l’OCDE publiée le 20 mars s’est penchée sur la vulnérabilité de ces travailleurs au chômage forcé, variable selon les pays européens. Les indépendants, les CDD et les actifs à temps partiel ont 40 à 50% de chances de moins d’être couverts par des mécanismes de protection sociale que les autres catégories de salariés dans les pays baltes et ceux d’Europe centrale (République tchèque et Slovaquie), de même qu’au Portugal. En Europe du Sud (Italie, Espagne, Grèce et Slovénie), ils bénéficient d’une couverture, mais beaucoup moins étendue que les travailleurs standards.
En comparaison, les travailleurs de l’Hexagone sont relativement bien lotis : selon l’étude de l’OCDE, la France est l’un des pays où les salariés « non standard » et les indépendants sont les mieux protégés quand ils perdent leur emploi, aux côtés du Luxembourg, de la Belgique ou encore de l’Espagne. L’étude se base sur des estimations datant de 2014-15 et exclut l’Allemagne, la Hollande et les pays de l’Europe du Nord, par manque de données.
Mais en France comme ailleurs, le niveau de protection sociale dépend du temps travaillé et des revenus. C’est le cas pour la retraite, le chômage, ou encore l’assurance-maladie. « Comme de nombreux pays établissent des seuils d’éligibilité pour accéder à la sécurité sociale – nombre d’heures minimales par semaine, minimum de revenus, ancienneté minimale dans l’emploi occupé – de nombreuses personnes se retrouvent sans protection suffisante, ce qui les rend vulnérables », souligne sur son blog Janine Berg, économiste principale à l’OIT.
L’envolée est inédite. 3,283 millions d’Américains se sont inscrits au chômage en une semaine. Jamais ce chiffre n’avait dépassé les 700 000. Il pulvérise de loin le nombre des demandes d’allocation-chômage qui avait suivi la grande crise financière de 2008, alors que l’économie est à l’arrêt, en particulier les services, premiers pourvoyeurs d’emplois : restaurants, commerces, écoles, transports, salons de coiffure, musées, dentistes.
Ce chiffre a été révélé jeudi à 8 h 30, heure de New York, par le ministère fédéral du travail. Il porte sur la semaine s’étant achevée le 21 mars, lorsque la crise causée par le coronavirus a paralysé économiquement les Etats-Unis. Il marque une hausse de 3 millions d’inscriptions au chômage supplémentaires par rapport à la semaine précédente, qui avait enregistré 282 000 nouvelles demandes, selon les chiffres du bureau du travail.
Marché contrasté
Cette crise met fin à une hausse ininterrompue de l’emploi depuis cent treize mois, ayant conduit à la création de 22 millions d’emplois (sur une population active de 165 millions d’Américains). En février, le taux de chômage était à 3,5 %, niveau historique jamais atteint depuis la fin des années 1960. La participation à l’emploi réaugmentait de manière satisfaisante, eu égard au vieillissement de la population. Le taux de chômage pourrait rapidement dépasser les 10,8 % atteints en 1982, à la sortie de la récession provoquée par la révolution iranienne de 1979 et le combat de la Réserve fédérale contre l’inflation. Le chômage avait atteint 9,9 % en 2009, au pire de la crise financière.
La carte du chômage connaît des disparités fortes. La Pennsylvanie, Etat désindustrialisé décisif pour la réélection de Donald Trump, a connu de loin les plus fortes inscriptions au chômage (379 000), soit un bond de 5,8 points. Le petit Nevada est frappé dans des proportions encore supérieures (6 points) en raison de la fermeture des casinos de Las Vegas. Les décisions de confinement n’ont pas un effet manifeste, le Texas, peu confiné, étant quasi aussi touché que la Californie, dont les habitants sont priés de rester à domicile. La Floride est l’un des Etats les moins frappés. Le marché du travail est contrasté, avec des entreprises à l’arrêt, comme General Electric, qui va se séparer de 2 500 personnes, ou Ford. Mais les géants de la distribution (à distance ou non) ou de la pharmacie comme Amazon, Walmart ou CVS veulent embaucher 500 000 personnes. Il n’empêche, le chômage va continuer de s’envoler au cours des prochaines semaines.
Devant l’afflux des inscriptions au chômage, les administrations locales cherchent à recruter, par exemple dans l’Illinois, la Louisiane ou le Massachusetts. Leurs serveurs informatiques ont parfois buggé en raison de l’afflux des demandes. L’inscription est indispensable pour que les Américains puissent toucher leur assurance-chômage. Celle-ci va jouer un rôle inédit dans cette crise. Le Sénat a voté, dans la nuit de mercredi à jeudi, un paquet de 2 000 milliards d’aides à l’économie, dont 250 milliards de dollars à une nouvelle assurance-chômage fédérale.
« Ce que la plupart des Américains veulent, c’est garder leur emploi. » Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor.
« Si vous avez été licencié, vous allez recevoir 600 dollars de plus par semaine » pendant quatre mois, a précisé le sénateur progressiste du Vermont, Bernie Sanders. Pour la première fois, les travailleurs ayant le statut d’indépendants, comme les chauffeurs Uber, y auront droit. Cette somme viendra en complément des 200 à 550 dollars payés chaque semaine par les Etats fédérés pour une période de trois à sept mois. En moyenne, fin 2019, cette couverture était de 368 dollars par semaine, soit 45 % du dernier salaire.
Cette mesure a longtemps fait débat, mercredi 25 mars au soir, quatre sénateurs républicains contestant un système qui permettrait à certains de gagner plus au chômage qu’en travaillant, encourageant les Américains à quitter leur travail. « Je ne crois pas que cela va créer des incitations négatives », a déclaré Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor. « Ce que la plupart des Américains veulent, c’est garder leur emploi. »
S’y ajoute une intervention directe de 500 milliards de dollars du Trésor américain. Les ménages vont recevoir un chèque de 1 200 dollars par personne, à condition de gagner moins de 75 000 dollars par an pour une personne, et 150 000 dollars pour un couple, ainsi que 500 dollars par enfant. La mesure, dégressive au-delà, permet de donner du pouvoir d’achat immédiat aux ménages, dont beaucoup sont privés de leur travail du jour au lendemain. Elle doit être versée d’ici trois semaines, selon M. Mnuchin.
Cette réaction des pouvoirs publics fait que la Bourse américaine n’a pas dévissé avec l’annonce des chiffres qui étaient attendus : l’indice Dow Jones a même bondi de 6,38 % jeudi 26 mars. Depuis le plus bas touché lundi, le rebond atteint 23,8 %.
A crise exceptionnelle, communication inédite. L’Insee a publié, jeudi 26 mars, sa première estimation de l’incidence de la crise sanitaire sur l’activité économique en France. Une publication précédée d’une introduction inhabituelle rédigée par le directeur général de l’institut de conjoncture, Jean-Luc Tavernier. Ce dernier précise avoir « cependant hésité avant de donner son feu vert » à la diffusion de cette estimation, en raison à la fois du côté « dérisoire » de tels calculs dans la période vécue et de l’aspect « fragile » des statistiques affichées. « Quoi qu’il en soit, pour incertain et imprécis qu’il soit, il m’a semblé que donner ce premier ordre de grandeur était préférable à ne rien dire du tout », conclut M. Tavernier.
Et les chiffres annoncés sont plus pessimistes encore que ceux qui ont pu être publiés par d’autres instituts de prévision : l’activité « instantanée », mesurée cette semaine par rapport à une semaine dite « normale », est en recul de 35 %, et un confinement d’un mois aurait un impact « de l’ordre d’une douzaine de points de produit intérieur brut [PIB] trimestriel en moins, soit 3 points de PIB annuel ». Deux mois de confinement auraient un effet deux fois plus important, soit la perte de 24 points de PIB trimestriel, correspondant à 6 points de PIB annuel.
L’Insee souligne que « cet ordre de grandeur semble cohérent avec les premières informations disponibles sur la situation des salariés » : un tiers environ en activité sur leur lieu habituel de travail, un tiers en télétravail et le dernier tiers au chômage partiel. Il est également « compatible » avec la diminution observée de la consommation d’électricité, actuellement d’environ 20 % par rapport à une situation ordinaire.
Situations différentes selon les secteurs
Volontairement, l’Insee ne livre pas d’estimation de croissance pour 2020. « Cela dépendra notamment de la durée de cette période de confinement, que nous n’avons aucune légitimité ni aucune compétence à prévoir, précise Jean-Luc Tavernier. C’est peu de dire que ce que nous présentons aujourd’hui est fragile, susceptible d’être révisé. D’abord, parce que nos méthodes, dans une telle situation, ne sont pas éprouvées : c’est inédit dans l’histoire de l’Insee. C’est fragile aussi parce que la situation elle-même est très évolutive. »
L’institut souligne également une grande différence de situations selon les secteurs. Certaines activités telles que les transports, l’hôtellerie et la restauration ou les loisirs sont très sévèrement touchées, alors que d’autres le sont moins, comme les télécommunications et les assurances par exemple. Environ les deux tiers des services marchands sont maintenus, estime l’Insee.
Dans l’industrie, environ la moitié de l’activité est maintenue, alors que les activités agricoles « devraient se poursuivre seulement un peu en deçà de la normale ». A noter également que dans certaines activités industrielles et dans les travaux publics, « l’activité reprend après s’être interrompue », alors que dans d’autres secteurs, par exemple dans les services aux entreprises, « le creux n’est sans doute pas encore atteint ».
Effondrement de la consommation des ménages
Cette très forte baisse de l’activité du pays résulte en grande partie de l’effondrement de la consommation des ménages, conséquence normale du confinement et de la fermeture des commerces. Les dépenses de textile, d’habillement, de matériel de transport sont réduites à leur plus simple expression, avec une baisse comprise entre 90 % et 100 %. D’autres dépenses comme l’électricité se maintiennent, tandis que la pharmacie, elle, est en hausse de 5 %. Au total, « nous estimons que la consommation totale des ménages français s’établit actuellement à 65 % de la normale», souligne l’Institut de la statistique.
L’Insee complète ces éléments de conjoncture avec des notes sur le climat général des affaires : ce dernier perd dix points (à 95 points), soit « la plus forte baisse mensuelle de l’indicateur depuis le début de la série, en 1980 ». « En octobre 2008, après la faillite de Lehman Brothers, l’indicateur avait chuté de 9 points. » L’indicateur de climat de l’emploi connaît également sa plus forte chute depuis le début de la série, en 1991. Il perd 9 points pour atteindre 96 points.
Dans tous les secteurs, l’indicateur du climat des affaires se dégrade fortement, à l’exception toutefois de celui du bâtiment. « Cela confirme que ces indicateurs sont à lire avec prudence, ce mois-ci, souligne Jean-Luc Tavernier. Ils reflètent sans doute l’opinion des chefs d’entreprise début mars plutôt que fin mars.» Comprendre : le pire est plutôt à venir.
Les séniors ayant cotisé au régime général ont été 13 285 à prendre une retraite progressive en 2019. Ce n’est certes que 2 416 personnes de plus qu’en 2018, mais ce nombre est en hausse de 22 % par rapport à l’année précédente, selon les chiffres dévoilés le 16 mars par l’Assurance retraite.
Ce dispositif encore méconnu permet de toucher une fraction de ses pensions, tout en travaillant à temps partiel ; si, par exemple, vous travaillez à 60 %, vous touchez 40 % de vos pensions, de base comme complémentaires. Par ailleurs, il permet de continuer à engranger des droits à la retraite (trimestres, points Agirc-Arrco).
2 % des départs l’an dernier
Les conditions pour en bénéficier : avoir 60 ans minimum, avoir cumulé au moins 150 trimestres tous régimes confondus, travailler au minimum à 40 %, au maximum à 80 %. Notez que des variantes du dispositif des salariés existent au régime agricole et pour les indépendants (commerçants et artisans).
Le nombre d’affilés du régime général optant annuellement pour la retraite progressive a été multiplié par neuf en cinq ans, passant de 1 502 en 2014 à 13 285 l’an dernier. Alors qu’elle constituait une part infime des départs à la retraite (hors réversions) en 2014, 0,25 %, elle représente désormais 2 % des départs.
Age de départ stable
Autre évolution : les trois quarts (73 %) des retraites progressives déclenchées en 2019 l’ont été par des femmes, alors que celles-ci ne pesaient que 56 % des retraites progressives déclenchées en 2014.
Parmi les autres données dévoilées le 16 mars par l’Assurance retraite dans ses statistiques 2019, l’âge moyen du départ pour les retraités du régime général (hors « Sécurité sociale des indépendants ») : c’est 62,8 ans, contre 62,7 ans en 2018 (62,5 ans pour les hommes, 63 ans pour les femmes).
Pension moyenne versée au 31 décembre 2019 aux retraités (nouveaux comme anciens, hors réversions) ayant effectué une carrière complète au régime général : 1 064 euros par mois, majorations pour familles de trois enfants et plus comprises, contre 1 057 euros au 31 décembre 2018. Attention, il ne s’agit que de la pension de base, la complémentaire n’est pas incluse.
Enfin, « le nombre d’attributions d’allocations de solidarité aux personnes âgées [l’Aspa, l’ex-minimum vieillesse] augmente, passant de 44 442 en 2018 à 58 699 en 2019 », note l’Assurance retraite.
D’un hôpital francilien à l’autre, un même cri d’alerte. Confrontés depuis mardi 24 mars à une nette accélération du nombre de patients atteints du Covid-19 dans un état grave, les services de réanimation d’Ile-de-France approchent à très grande vitesse de leur seuil de saturation. « La situation est extrêmement préoccupante, c’est une alerte majeure », déclare Aurélien Rousseau, le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France.
Alors que la région a, en quelques semaines, massivement déprogrammé les interventions chirurgicales non urgentes et largement mobilisé l’hospitalisation privée, cet effort pourrait ne pas suffire. Mercredi, un peu plus de 1 100 lits de réanimation étaient occupés par des patients contaminés par le SARS-CoV-2 en Ile-de-France sur un total de 1 400 à 1 500 lits dédiés, avec plus de cent nouveaux malades à accueillir chaque jour.
« Il reste un peu plus de 300 lits, nous avons encore trois jours de capacité devant nous », prévient M. Rousseau. Il ajoute : « Nous ne sommes pas au point de bascule. Nous avons entre quarante-huit et soixante-douze heures devant nous pour armer quelques centaines de lits supplémentaires. »
Quelques heures plus tôt, Martin Hirsch, le patron de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), sonnait le tocsin dans la matinale de France Info. « C’est plus qu’un appel à l’aide », lançait-il, la voix nouée, en demandant davantage de respirateurs, davantage de personnels soignants, « qu’ils soient volontaires ou qu’on fasse appel à la réquisition », et une garantie de l’approvisionnement en médicaments. Pour les responsables sanitaires, il s’agit de tenir jusqu’à ce que les premiers effets du confinement se fassent sentir, avec une diminution du nombre d’admissions quotidiennes.
La « réa » est « pleine à ras bord »
Dans les hôpitaux franciliens, médecins et paramédicaux ont tous senti la situation se dégrader en quarante-huit heures. A l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), onze patients infectés par le SARS-CoV-2 ont par exemple dû être refusés en moins de vingt-quatre heures, faute de place en réanimation. « Je pense, j’espère, qu’ils ont trouvé une place ailleurs », souffle Djillali Ananne, le chef de la « réa ». Sur la soixantaine de malades atteints de Covid-19 hospitalisés dans l’établissement, vingt-six sont dans son service, sous ventilation.
« Nous aurions la possibilité d’ouvrir de nouveaux lits, si nous étions en mesure de recruter une vingtaine d’infirmières. Mais avec les effectifs actuels, nous ne pouvons plus accueillir de patients, regrette le médecin. Il faut maintenant attendre que des patients guérissent. »