Archive dans mai 2019

Quand la direction engageait ses cadres à « parvenir les 22 000 départs »

Didier Lombard au procès France Télécom, le 7 mai.
Didier Lombard au procès France Télécom, le 7 mai. 

L’ancien PDG de France Télécom, Didier Lombard, jugé pour « harcèlement moral », dix ans après les suicides de salariés, s’est exposé à la barre, lundi.

Pour la direction, le millier de cadres réunis le 20 octobre 2006 à la Maison de la chimie, à Paris, étaient des « gens précieux ». « Des chefs de centre, ceux qui tiennent la maison », déclare d’eux, l’ancien PDG de l’entreprise Didier Lombard. Il additionne : « Ils avaient un autre atout, ils étaient très directs. »

Ce jour-là, donc, la hiérarchie au grand complet est venue participer à la convention de l’Association des cadres supérieurs et gouvernants de France Télécom (ACSED) : Didier Lombard, Louis-Pierre Wenes, son directeur exécutif France, et Olivier Barberot, le directeur groupe des ressources humaines (RH). Le plan Next, qui doit « faire basculer l’entreprise dans le nouveau siècle », et son volet social Act ont été déclenchés un an plus tôt. Depuis février, le chiffre de « 22 000 départs naturels » en trois ans a été enseigné aux marchés financiers. Mais les conséquences tardent. Il y a obligation, il faut accélérer.

Assis sur le banc des avisés devant le tribunal correctionnel de Paris qui les juge pour « harcèlement moral », les trois anciens gouvernants voient le texte de leurs interventions s’afficher sur le grand écran de la salle d’audience. Dans leurs versions complètes et non pas dans leurs « versions Marguerite », du nom de la secrétaire générale de l’association qui avait pris sur elle d’adoucir certains passages qu’elle trouvait « trop durs » avant de mettre en ligne les discours sur le site de l’ACSED.

« Par la fenêtre ou par la porte »

La directrice, Cécile Louis-Loyant, surligne en jaune quelques passages. Didier Lombard : « La maison est une mère poule qui récupère les gens, y compris en créant des emplois artificiels là où il n’y en a pas besoin. » « La maison ne survivra pas si les agents ne veulent pas aller face aux clients. » « Il faut bien se dire qu’on ne peut plus protéger tout le monde. En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre. Par la fenêtre ou par la porte. »

Louis-Pierre Wenes : « Il faut faire vite, faire vite, faire vite. Penser en permanence comment je peux faire pour faire plus vite. » « Si je suis brutal, je peux dire que je peux supprimer 3 000 postes et que ça ne se verrait pas. » Olivier Barberot : « On va faire un crash programme pour accélérer Act. Donc, on ne va plus être dans un discours basé sur un volontariat un peu mou, on va être beaucoup plus systématique. C’est la logique business qui domine. » « Changer d’univers professionnel, c’est un peu comme la gymnastique. Quand on ne l’a pas fait avant 40 ans, c’est plus difficile de s’y mettre. »

Reconstruction de Notre Dame: Les camarades de l’obligation

Charpentiers Compagnons du Devoir et du Tour de France

Charpentiers Compagnons du Devoir et du Tour de France Stéphane Deroussent pour Les Compagnons du Devoir et du Tour de FranceRétablir Notre-Dame de Paris en cinq ans ? Un défi et une bravade que se perçoivent prêtes à adoucir les organisations compagnonniques qui forment charpentiers, couvreurs, tailleurs de pierre…

Là-haut, Tom l’équilibriste remplace entre ciel et terre. A 16 ans, le jeune homme a abandonné le sol d’un collège et son statique tableau noir pour arpenter les toits entre cheminées et gouttières. « J’aime la hauteur et les choses fines », déclare-t-il. Alors, le chemin à prendre se dessine : devenir ardoisier et se former auprès d’une association compagnonnique pour s’apprendre aux pénuries du métier.

En première année de CAP ardoisier au sein du centre de composition des Compagnons du devoir et du tour de France de Villeneuve-d’Ascq, Tom a vu, le 15 avril, comme des millions de Français, la couverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris disparaître, détruite par un incendie. Il a vu s’écrouler la flèche néogothique de Viollet-le-Duc. Alors que la plupart des Français marquaient un moment de sidération, les compagnons charpentiers, tailleurs de pierre et couvreurs pensaient déjà à relever l’édifice. Le jeune apprenti n’a pas fait exception. Il se voit bien, lors de son tour de France à réaliser, faire halte sur les bords de la Seine au chevet de Notre-Dame pour reconstruire, « au plus proche de l’ancien ».

Dès le lendemain du drame, le président de la République, a déclaré vouloir que le rétablissement du plus visité des monuments français « soit achevée d’ici cinq années » – pour les Jeux olympiques de 2024. « Possible », répondent les compagnons interrogés, dès lors qu’on ne reconstruit pas à l’identique. « Nous avons toutes les compétences pour reconstruire la charpente quel que soit le matériau choisi », assure Bastien Lassonnerie, compagnon du devoir et du tour de France et prévost du centre de formation de Villeneuve-d’Ascq, déclare « Lyonnais la Vaillance » (chaque membre d’une organisation reçoit ou adopte un nom de compagnon).

Trois suites compagnonniques œuvrant  à former les ouvriers et artisans de demain : l’Association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France (AOCDTF), la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment (FCMB) et l’Union compagnonnique des devoirs unis (UCDDU). Cordonniers, selliers, fondeurs, ébénistes, pâtissiers… toutes les professions où le savoir-faire est de précision ont leurs compagnons. Et toutes les associations développent un système de formation basé sur l’apprentissage, les voyages pour aller à la pour voir de nouveaux « savoir-faire », l’acquisition de compétences, d’un métier. Mais la particularité de la pédagogie tient surtout à l’obligation qu’à chaque membre de rendre ce qu’il a appris sans attendre : la propagation est au cœur du compagnonnage.

Nouveaux témoignages dans le procès France Télécom 

Monique Fraysse-Guiglini, qui était médecin du travail dans une direction régionale, a déclaré, lundi, devant le tribunal correctionnel, un témoignage terrible sur les conditions pénibles des travailleurs qu’elle a observée dans l’entreprise.

Chacune de ses déclarations fait mal. Et elles font d’autant plus mal qu’elles émanent d’une femme médecin du travail, qui a connu au plus près dans son cabinet le mal-être des travailleurs de France Télécom. Monique Fraysse-Guiglini a été recruté dans l’entreprise en 1994 et affectée à la direction opérationnelle de Grenoble. De l’entreprise, elle a connu plusieurs mutations et sait les inquiétudes que celles-ci génèrent sur les salariés. Mais aucune d’entre elles, assure-t-elle, ne ressemble à la crise qu’elle a remarqué à partir du mitan des années 2000.

Nommée à la barre des témoins à la demande des parties civiles, Monique Fraysse-Guiglini raconte qu’en 2007, elle constate une première augmentation singulière des demandes de rendez-vous « spontanés » à la médecine du travail. « Les salariés me disent que tout semble être fait pour les déstabiliser. Ils vivent dans la crainte de voir leur poste disparaître ou d’être mutés dans une autre ville. » A la fin de l’année, elle fait un rapport à sa direction sur cette augmentation du nombre de rendez-vous qui lui semble « préoccupante. » Avec quelques collègues, elle en parle au directeur groupe des ressources humaines, Olivier Barberot, qui leur répond :

« Vous, les médecins, c’est bien normal, vous ne voyez que les gens à problème. »

On lui demande, comme aux autres médecins salariés de l’entreprise, de participer aux premières cellules d’écoute mises en place par l’entreprise. Elle s’y dénie.

« Nous sommes relancés par la hiérarchie qui fait pression pour que nous y participions. Mais il y avait pour nous un problème d’incompatibilité déontologique. »

« J’assiste aussi à des dérives violentes »

« Dans mon cabinet, poursuit-elle, j’observe des syndromes anxio-dépressifs, des syndromes addictifs – tabac, alcool, médicaments – et j’ai la certitude qu’ils sont en lien avec la situation de travail. J’assiste aussi à des dérives violentes de la part de certains salariés, l’un qui frappe contre les murs en apprenant sa mutation, un autre qui se jette sur son manager, un autre encore qui tombe dans un mutisme profond. »

En 2008, Monique Fraysse-Guiglini évoque dans son rapport d’activité « la pression subie par les cadres supérieurs ». Elle indique que celle-ci est « mal vécue, fragilise les individus, déstabilise leur vie personnelle et a des répercussions sur leur santé ». Elle souligne aussi dans ce rapport le « conflit de loyauté » vécu par ces cadres, partagés entre les liens qui les unissent à leurs équipes et le devoir d’obéissance qu’ils ont vis-à-vis de la direction.

Résultats Parcoursup

Dès le 15 mai, Parcoursup a débuté à afficher les offres d’orientation faites aux lycéens. Un an après son déclenchement, des enseignants racontent les effets de la nouvelle plate-forme dans le quotidien des résidences et des élèves.

Le 15 mai, Parcoursup version 2 a débuté à rendre ses premiers résultats aux quelque 900 000 candidats qui avaient posé un dossier pour une formation d’enseignement supérieur. Professeurs, enseignants, principaux et proviseurs s’attellent désormais à accompagner et à rassurer les élèves de terminale qui n’ont pas encore reçu d’offre ou qui n’ont pas réussi l’un de leurs vœux.

Cet instant, rempli en stress, forme la fin d’une année où Parcoursup, après son baptême du feu en 2018, s’est établi dans les lycées. Qu’ils soient satisfaits ou non de la réforme, nombre d’enseignants en conviennent : en classe de terminale, les choses ne sont plus tout à fait les mêmes.

C’est d’abord dans le rapport des établissements et des enseignants à leurs homologues de l’enseignement supérieur qu’on aperçoit déjà, dans certains lycées, un « effet Parcoursup ». La requête faite aux professeurs primordiaux du secondaire de donner leur avis sur tous les vœux de leurs élèves s’est traduite par une évolution naturelle des actions d’information auprès des élèves, mais aussi des enseignants.

Ce changement amène chacun « à connaître et à comprendre les filières du supérieur », analyse Christophe Barrand, directeur du lycée Turgot, à Paris, où les parents d’élèves et les professeurs principaux « ont très spontanément décidé d’organiser, ensemble, une série de conférences » sur les métiers de la médecine, des arts, du droit, etc., en effectuant appel à d’anciens élèves.

Même initiative au lycée René-Cassin de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), où l’on dit s’être senti imposé « de s’intéresser un peu plus à l’“après” », déclare le proviseur adjoint Ronan Minier. Ici, Parcoursup a « suscité des rencontres » entre enseignants du secondaire et du supérieur lors de réunions structurées pour mieux connaître les attentes des uns et des autres, désormais liés par cette fiche avenir de l’élève par laquelle se fait, entre autres, la sélection. « Ces réunions ont débouché sur des actions intéressantes abordant les différences de pédagogie entre le lycée et l’enseignement supérieur », déclare-il.

Le « stress » des notes

Des pensées d’autant plus sérieuses que les professeurs de lycée doivent actuellement faire avec des élèves chez qui le « stress de la note est un peu plus important qu’avant, car ils ont l’impression qu’il y a de la sélection partout », déclare Ronan Minier. De là à penser que le léger « phénomène d’évitement et d’absentéisme » enregistré dans son établissement cette année lors des devoirs sur table en est une suite, il n’y a qu’un pas.

 

Étonnante mise à pied d’une responsable d’agence de Pôle emploi

« Alors qu’elle exerçait dans ce Pôle emploi depuis deux ans, Nora Rousselin a été sommée de quitter l’agence, sans explications. Elle est depuis privée de salaire, la mise à pied à titre conservatoire valant suspension du contrat de travail. »
« Alors qu’elle exerçait dans ce Pôle emploi depuis deux ans, Nora Rousselin a été sommée de quitter l’agence, sans explications. Elle est depuis privée de salaire, la mise à pied à titre conservatoire valant suspension du contrat de travail. » JULIEN THOMAZO / Photononstop

La responsable de l’agence des Mureaux, dans les Yvelines, a vu son contrat de travail cruellement arrêté, à cause de cinq plaintes déposées contre elle.

L’affaire a agité la petite ville des Mureaux. Le 2 avril, la responsable de Pôle emploi de cette commune des Yvelines s’est vue mise à pied à titre conservatoire ; une action habituellement mise en œuvre en cas de faute grave. Alors qu’elle exerçait là depuis deux ans, Nora Rousselin a été obligée de quitter l’agence, sans explications. Elle est depuis privée de salaire, la mise à pied à titre conservatoire valant suspension du contrat de travail.

La dureté de cette mise à pied a choqué beaucoup d’acteurs municipaux et associatifs de la ville, célèbre pour ses quartiers sensibles. Afin de soutenir la directrice, une pétition a été lancée par le pôle territorial de coopération économique (PTCE) Vivre les Mureaux. Marianne Cantau, adjointe au maire des Mureaux qui s’occupe de la formation et de l’insertion, qualifie la directrice de « très impliquée » : « Ce qui me choque surtout, c’est la façon dont ça a été fait, ajoute-t-elle. Le maire n’a même pas été prévenu ! On était en train de travailler sur le projet “territoire zéro chômeurs”. Désormais, nous n’avons plus d’interlocuteur. »

Management « sévère »

Ce n’est que le 9 mai que Mme Rousselin a pu apprendre les raisons de sa mise à pied. Lors de son entretien disciplinaire, la directrice a appris que cinq plaintes avaient été faites contre elle. « La directrice adjointe et des responsables d’équipe se sont plaints de la sévérité de son management », dévoile Aïssa Djehiche, délégué Force ouvrière (FO).

Aux yeux du délégué syndical, qui a agréé de défendre la directrice, l’affaire ne tient pas debout : « Quand on examine le dossier, il y a très peu d’éléments factuels, affirme-t-il. Par exemple, une déclaration accuse Mme Rousselin d’être une personne “méchante”. Vous voyez le niveau ! »

Selon M. Djehiche, la direction territoriale de Pôle emploi accuserait aussi Nora Rousselin de dresser un « management communautaire » : d’origine maghrébine, la directrice recouvrirait les faits et gestes de conseillers de la même origine. « Mais ça n’a pas de sens, puisque l’une des plaignantes est aussi d’origine maghrébine ! », déclare-t-il.

De l’avis du délégué FO, l’affaire a tout du complot : « On veut se dégager de la directrice parce qu’elle gêne », dit-il. Quelque temps avant, cette dernière n’aurait pas accepter la mutation d’un agent que lui avait sollicitée la direction territoriale de Pôle emploi, ce qui aurait provoqué cette affaire.

Les mauvaises conditions des salariés de Rayanair

Des salariés de Ryanair débraient à l’aéroport de Charleroi Bruxelles-Sud, en septembre 2018. Sur la banderole, on peut lire : « Ryanair en grève. Ryanair doit changer. »
Des salariés de Ryanair débraient à l’aéroport de Charleroi Bruxelles-Sud, en septembre 2018. Sur la banderole, on peut lire : « Ryanair en grève. Ryanair doit changer. » Yves Herman / REUTERS

Les hôtesses et stewards des bases de Bordeaux et de Marseille sont dans l’instabilité. La compagnie à bas coûts se pose malgré cela en modèle.

Des « rémunérations » de moins de 500 euros par mois, des hôtesses et des stewards forcés de se loger à cinq dans une chambre d’hôtel, des personnels imposés de « choisir de manger ou de payer leur loyer »…C’est le sort peu désirable d’une centaine de personnels navigants commerciaux (PNC) installés sur les deux nouvelles bases en France – à Bordeaux et à Marseille – de Ryanair, la compagnie irlandaise à bas coût. Habituée à flirter avec les limites des législations sociales en Europe, déjà mise en cause en 2014 pour travail escamoté, elle est une nouvelle fois vilipendée pour ses mauvaises pratiques.

La torture de la centaine de PNC de la compagnie sous la direction de Michael O’Leary a commencé début avril, quand elle a fait son retour en France, avec l’ouverture de ses deux premières bases, à Bordeaux et à Marseille. Pour l’occasion, la compagnie a offert à des PNC postés en Grande-Bretagne de rejoindre ses deux nouvelles escales françaises. Une offre alléchante au premier abord, mais qui s’est vite transformée en cauchemar.

C’est le Syndicat national du personnel navigant commercial-Force ouvrière (SNPNC-FO) qui a levé le lièvre. « Nous avons voulu voir si, cette fois, Ryanair estimait la législation comme elle s’y était engagée », déclare Christelle Auster, secrétaire générale du SNPNC-FO et hôtesse de l’air chez Air France. Cette démarche ne doit rien au hasard. L’organisation a collaboré à la création, en 2014, du Syndicat européen des personnels navigants commerciaux, l’European Cabin Crew Association (EurECCA), et avait assisté, la même année, au procès qui avait fini à la condamnation de Ryanair.

A Bordeaux et à Marseille, les hôtesses et stewards de Ryanair « pensaient pouvoir jouir de de la protection sociale française », bien plus propice qu’en Irlande ou même en Grande-Bretagne, souligne Mme Auster. Il n’en a rien été. Depuis bientôt deux mois, les équipages de la compagnie low cost vivent dans une extrême précarité. « Après un mois de travail complet, en avril 2019, les PNC sont rémunérés très en deçà du salaire minimum et de la rémunération minimale applicable aux salariés français », déclare la syndicaliste.

« Choquée par son salaire »

« En avril, je n’ai encaissé qu’un peu plus de 400 euros », se lamente Claire (le prénom a été changé). Une énorme déconvenue. Installé à Londres durant six mois, elle percevait « en moyenne entre 1 000 et 1 200 livres par mois [de 1 140 euros à 1 370 euros] ». Mais « je ne crois pas avoir atteint une seule fois cette somme », remplacement la jeune femme. Elle n’est pas la seule. La centaine de PNC des deux bases n’auraient « gagné que de 540 euros à 620 euros et certains d’entre eux n’auraient même pas été payés du tout », fustige la responsable syndicale.

Le chef de la Société Générale sous pression

Le directeur général de la Société générale, Frédéric Oudéa, à Paris, en mai 2016.
Le directeur général de la Société générale, Frédéric Oudéa, à Paris, en mai 2016. THOMAS SAMSON / AFP

En passe d’être mené pour un autre mandat de quatre ans, celui qui conduit la Société Générale depuis plus que 10 ans préside une banque de plus en plus carbonisée.

La scène a exprimé au sein de la (SG), et pas uniquement parce qu’elle s’est déroulée la suite de l’incendie de Notre-Dame. Le 16 avril, la banque assemblait à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) plus d’un millier de cadres pour sa grand-messe interne annuelle, nommée « journée des ambassadeurs ». Un « must ».

Sauf qu’en 2019, d’après plusieurs personnes présentes, un bon tiers des participants se sont dissimulés avant la séance rituelle de questions-réponses avec Frédéric Oudéa, le directeur général. « Dans un groupe aussi légitimiste, c’est du jamais-vu », s’ahurit un habitué.

La débandade de l’auditoire trahit l’abattement des troupes au sein d’une banque en passe de reproduire le mythe de Sisyphe. Depuis ce jour fatal de janvier 2008 où elle s’est réveillée avec un trou de 4,9 milliards d’euros à la suite de la fraude commise par le tradeur Jérôme Kerviel, l’institution n’est jamais arrivée à affermir la pente.

En cause, un entourage infernal, bien sûr. En punition de leurs péchés passés, toutes les banques européennes sont grillagées à petit feu par des taux bas et des codifications de plus en plus lourdes, mais la SG apparaît la plus carbonisée.

Elle considère en Bourse près de 21 milliards d’euros, soit la moitié de sa valeur d’actif net : selon les calculs au 17 mai de JPMorgan, la banque française se révèle la plus décotée parmi 62 acteurs européens, hors les deux grands malades allemands, Deutsche Bank et Commerzbank.

A 55 ans, M. Oudéa, DG depuis plus que de 10 ans, est le patron d’une grande banque européenne le plus ancien à son poste. Mardi 21 mai, l’alerte inspecteur des finances sollicite un nouveau mandat de quatre ans auprès de l’assemblée générale. Certes, il s’est consulté avant de rempiler, a-t-il révélé aux « ambassadeurs » assidus, mais il s’est dit prêt à adoucir le défi. « Et vous, l’êtes-vous ? », a-t-il lancé en substance à ses équipes. « Cela a beaucoup ému », expose un témoin.

« Une vraie lassitude »

Le vote des propriétaires n’offrant rarement de suspense, M. Oudéa devrait conserver les rênes. « Le conseil d’administration estime que Frédéric est le meilleur dirigeant pour les prochaines années. Personne au sein du conseil n’a parlé « de réserve. Nous distribuons sa vision très claire des grands défis du système bancaire et il a la vraisemblance interne », déclare l’Italien Lorenzo Bini Smaghi, le président du conseil d’administration.

Le droit les laborieux des plates-formes digitales d’être montrés

Un ensemble d’acteurs et d’experts du changement digital présente, l’ouverture d’un véritable dialogue social entre plates-formes et envoyés élus des laborieux ubérisés.

Le droit de reproduction et de négociation collective des travailleurs constitue un pilier de notre droit du travail et de notre modèle social. Il ne saurait souffrir d’exception. C’est pourquoi il est temps que la loi admette le droit les travailleurs des plates-formes digitales d’être représentés et de négocier avec les plates-formes auxquelles ils se connectent.

Alors qu’ils n’en sont pas employés, les travailleurs de plusieurs plates-formes d’intermédiation, comme Uber ou Deliveroo, voient en effet leurs conditions de travail largement déterminées par les plates-formes, comme le soutenu de la prestation, son prix et sa durée. C’est la raison pour laquelle la loi du 8 août 2016 a posé le principe d’une imputation sociale de ces plates-formes et a ouvert aux travailleurs le droit de se syndiquer et celui de faire grève sans sanction. Il n’y a, cependant, à ce jour aucun outil de représentation ni de dialogue social.

Le projet de loi d’orientation des changements (LOM), en débat à l’Assemblée nationale, doit être l’occasion d’introduire le principe d’un mécanisme de représentation et de dialogue social pour les travailleurs des plates-formes digitales, dont les modalités concrètes seraient précisées à l’issue d’une concertation avec les acteurs concernés. L’enjeu est de créer les conditions d’un dialogue constructif, de mieux égaliser les relations entre la plate-forme et ses contributeurs, et de protéger l’émergence progressive d’un modèle social conciliant le développement économique des plates-formes et le respect des droits et intérêts des travailleurs.

De fait, cette mesure répond à la requête de organisation des espaces de dialogue social exprimée tant par les laborieux que par les plates-formes. Depuis deux ans, plusieurs débats et groupes de travail entre parties captivantes ont été organisés dans l’espace public, comme dans le cadre des Etats généraux des nouvelles normalisations digitaux, de l’Agora du travail en Ile-de-France, de plusieurs think tanks comme #Leplusimportant, la Fondation Jean-Jaurès, l’Acadi, ou des groupes de travail IGAS-France Stratégie-Sharers & Workers et avec la Confédération européenne des syndicats.

Transport et livraison

Beaucoup de lignes de force se débarrassent, qui présentent que le sujet est assez mature et cadré pour que l’origine de ce dialogue social soit inscrit dans la loi et serve d’aiguillon aux acteurs afin que les concertations recrutées finissent sur des accords et sur une mise en place effective d’un dialogue social formel et entouré par le droit.

 

« Un premier pas pour l’assistance sociale des indépendants »

« A travers l’adoption d’une « Charte sociale », chaque plate-forme pourra proposer aux travailleurs indépendants qui utilisent son service des dispositifs de responsabilité sociale adaptés à leur activité. »
« A travers l’adoption d’une « Charte sociale », chaque plate-forme pourra proposer aux travailleurs indépendants qui utilisent son service des dispositifs de responsabilité sociale adaptés à leur activité. » Philippe Turpin / Photononstop

Chef de la Fédération nationale des autoentrepreneurs et gestionnaire de la Sécurité sociale des indépendants

Grégoire Leclercq, président de la Fédération des autoentrepreneurs, reporte les imputations de « régression sociale » tenues contre les Chartes d’implication attendues par l’article 20 de la loi d’orientation des mobilités, en débat à l’Assemblée nationale.

Observée par les députés depuis le 14 mai, la loi d’orientation des mobilités (LOM) entre dans l’ultime ligne droite. En tant qu’acteurs aussitôt majeurs de la mobilité, les plates-formes figurent au cœur du projet : l’article 20 – conduit dans le projet de loi initial – se saisit du sujet crucial de l’implication sociale des plates-formes, y compris celles agissant hors du secteur des transports.

L’idée est simple : à travers la cooptation d’une Charte sociale, chaque plate-forme pourra présenter aux laborieux indépendants qui utilisent son service des dispositifs d’implication sociale ajustés à leur activité.

L’article 20 est un premier pas essentiel et espéré depuis longtemps par l’ensemble des acteurs (plates-formes françaises comprises) et le fruit d’un dialogue social durable entre plates-formes, envoyés des autoentrepreneurs et services de l’Etat. C’est surtout une première pierre au chantier ambitieux et complexe de la protection sociale de tous les actifs.

Un dispositif vertueux

En tant que président de l’organisation spécifique des autoentrepreneurs, je suis actuellement confiant dans la capacité du légiste à prévoir un dispositif exactement défini et assez réduit pour affirmer aux laborieux indépendants de meilleures conditions dans leur relation avec les plates-formes.

Soyons clairs : l’article 20 de la LOM n’est pas le blanc-seing attribué aux plates-formes que certains ordonneraient laissé croire. C’est un dispositif vertueux car la charte sera contrôlée, controversée et enrichie. Elle devra au préalable être homologuée par l’administration chargée d’en doser la pertinence. La députée (LRM, Gironde) Bérangère Couillard, rapporteure du texte à l’Assemblée, a précisé qu’un « socle de règles obligatoires » serait imposé aux plates-formes et devrait figurer dans leurs chartes.

La charte pourra aussi être controversée entre laborieux et plates-formes, par exemple une fois par an dans une forme de dialogue social recommencé. Elle aura, enfin, vocation à s’enrichir : pour rester attachante, chaque plate-forme sera incitée à offrir à ses partenaires une charte avantageuse, générant un effet vertueux sur l’ensemble du secteur. Grâce aux planchers proportionnellement bas définis dans la loi El Khomri, les indépendants n’auront aucun frein à aménager une activité « multi-plate-forme » : ils pourront facilement profiter de droits sur l’ensemble des attentions où ils engendrent un chiffre d’affaires.