La communauté universitaire est dans l’expectative quant aux marges de manœuvre financières dont elle pourra disposer en 2025 et aux intentions de Patrick Hetzel, le nouveau ministre au profil libéral-conservateur.
Le versement d’une allocation sans condition de revenu dès l’inscription dans l’enseignement supérieur ou professionnel permettrait de favoriser l’autonomie des étudiants, estiment les présidents d’université Nathalie Drach-Temam et Florent Pigeon dans une tribune au « Monde ».
Paul Boulanger, spécialiste du biomimétisme et fondateur du cabinet de conseil Pikaia, invitent les employeurs à s’inspirer du vivant, un monde aussi incertain et complexe que celui de l’entreprise, un monde qui est dans une démarche d’adaptation permanente.
Pourquoi peut-on à vos yeux, établir un lien entre le monde du vivant et les stratégies des entreprises ?
C’est tout l’enjeu du biomimétisme. Cette méthode consiste à s’inspirer du vivant pour trouver des solutions à des enjeux – techniques ou stratégiques – rencontrés par les humains. S’approcher du vivant est un levier qui peut permettre aux dirigeants de relever deux défis auxquels ils vont être de plus en plus confrontés.
Le premier est de mieux comprendre les impacts de leurs activités sur la biosphère, leurs interdépendances également. Cela me semble indispensable à l’heure du changement climatique, afin d’agir en responsabilité. Second défi : les entreprises évoluent dans un environnement de plus en plus complexe, incertain, qui rend la décision difficile. Face à cela, pourquoi ne pas s’inspirer des modes de fonctionnement que des systèmes complexes – le vivant – ont inventé depuis 3,8 milliards d’années ?
Face à ce monde incertain, vous appelez justement à appliquer quelques « principes de base », notamment dans notre rapport à l’énergie…
Pour se déployer, une stratégie de biomimétisme doit intégrer une visée de développement durable. C’est un élément incontournable qui passe notamment par un rapport attentif à nos dépenses d’énergie. Le vivant sait que cette énergie est tout à la fois rare et essentielle. Lorsque cela est possible, il peut mettre en place des innovations pour l’économiser. L’entreprise doit elle aussi appliquer le principe de pondération et faire des compromis entre les besoins du moment en énergie, les disponibilités, les moyens de stockage, les capacités d’action… Elle doit éviter le gaspillage, notamment de l’énergie humaine. Celui-ci intervient tout particulièrement lorsque les intérêts des salariés ne sont pas alignés avec ceux de l’entreprise ou qu’une vision court-termiste domine au sein des organisations.
Vous abordez également la question de l’apprentissage. Que peut nous enseigner le monde du vivant à ce sujet ?
C’est un sujet qui est particulièrement bien documenté par les sciences humaines et sociales. Ceci étant, je pense que le biomimétisme peut également nous être utile. Il y a des modes d’apprentissage intéressants dans le monde animal ou végétal qu’on pourrait développer chez les humains.
Il vous reste 53.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Comment revaloriser les bas salaires ? « Désmicardiser » la France alors que la part des travailleurs au salaire minimum a nettement augmenté ces dernières années, pour atteindre 17,3 % en 2023 ? Ce sont les questions posées, il y a un an, par le gouvernement d’Elisabeth Borne à deux économistes, Antoine Bozio et Etienne Wasmer, lesquels devaient rendre leurs propositions à l’été 2024. Si le rapport n’a pas encore été rendu public, nombre d’acteurs politiques et économiques ont déjà pris connaissance des scénarios envisagés.
L’un d’eux a fait vivement réagir la Fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et services associés (FEP), l’un des secteurs concentrant le plus grand nombre de travailleurs à bas salaire. « Ce qui est proposé peut mettre en danger la pérennité des entreprises et des emplois dans la branche », s’alarme Philippe Jouanny, son président. Principale organisation patronale du secteur, la FEP représente quinze mille entreprises et 600 000 emplois.
L’enjeu du rapport Bozio-Wasmer était notamment de proposer des pistes pour éviter l’effet dit de « trappe à bas salaires ». Pour favoriser l’emploi des travailleurs peu qualifiés, différents allégements de cotisations sociales ont été mis en place depuis les années 1990. Ces exonérations, qui réduisent le coût du travail de 40 % au niveau du smic, baissent à mesure que le salaire augmente, avec plusieurs effets de seuil, à 1,6, 2,5 et 3,5 smic.
D’où un effet pervers : ce système n’incite pas à relever les salaires, car chaque revalorisation se paie deux fois, dans la hausse de ce qui est versé au salarié et dans la baisse des exonérations. MM. Bozio et Wasmer ont ainsi mis en évidence que l’employeur doit « dépenser parfois 500 euros pour augmenter le revenu disponible du salarié de 100 euros ».
Contrats en cours pas revalorisés
Pour pallier cet effet, ils proposeraient donc, selon Les Echos, parmi d’autres pistes, de réduire les allégements au niveau du smic de 4 points et d’adoucir la pente en les lissant jusqu’à 2,5 smic. Ce qui relèverait donc mécaniquement le coût du travail sur les salaires les plus bas. Avec un salaire minimum (12,13 euros de l’heure) juste au-dessus du smic (11,65 euros de l’heure), les entreprises du nettoyage seraient parmi les premières concernées.
« Le principe de réduction de la dépense publique, je peux l’entendre. Mais le problème de notre secteur, c’est que nous ne parvenons déjà pas à revaloriser le prix de nos contrats commerciaux à la hauteur de l’augmentation de nos coûts, avec un décalage qui se creuse depuis 2022. Comment encaisser alors un relèvement des cotisations patronales avec des marges très faibles ? », interroge Philippe Jouanny.
Il vous reste 42.69% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Parmi les peurs associées à la migration, celles relatives à l’emploi et aux salaires sont souvent présentées comme les plus rationnelles. Dans les premiers cours d’économie, on apprend ainsi qu’un marché peut être représenté par une offre et une demande et qu’il est utile d’appréhender les prix que l’on observe sur ledit marché comme résultant de leur égalisation. Transposée au marché du travail, cette représentation suggère que l’immigration va accroître l’offre de travail, ce qui aura tendance à faire baisser son « prix », c’est-à-dire le salaire. Si les salaires sont rigides à la baisse, en particulier du fait d’un salaire minimum, l’immigration est alors supposée engendrer un surplus de travail, qui se matérialise par du chômage. La crainte sur les salaires concerne donc les travailleurs plutôt qualifiés des secteurs ouverts aux recrutements d’étrangers.
De très nombreux travaux empiriques se sont demandé si ce raisonnement intuitif était corroboré dans les faits. Les plus parlants ont analysé des événements exceptionnels, comme l’expulsion par Fidel Castro de 125 000 Cubains qui, entre avril et octobre 1980, vont quitter le port de Mariel pour se réfugier à Miami [en Floride]. L’économiste canadien David Card a démontré que cet afflux d’étrangers a été sans conséquence sur les salaires et le taux de chômage de la ville d’accueil.
Professeure d’économie à l’université Rutgers (New Jersey) et ancienne économiste en chef du département du travail des Etats-Unis de 2013 à 2015, Jennifer Hunt s’est, quant à elle, intéressée aux 900 000 rapatriés d’Algérie arrivés en 1962. Elle montre que ce choc migratoire considérable n’a eu que des effets minimes sur le taux de chômage et les salaires en France.
Ces études sont célèbres, car leur contexte historique en fait des expériences grandeur nature, ce qui est rarissime en sciences sociales. En particulier, la précipitation des départs observée lors de ces deux événements permet d’éliminer un biais statistique important sur lequel bute l’analyse habituelle des migrations : comme les immigrés se dirigent en priorité vers les destinations où le marché du travail est favorable, il est peu crédible d’interpréter la corrélation entre l’immigration et le chômage de façon causale.
Principe institutionnalisé
Néanmoins, les expériences naturelles engendrées par les réfugiés cubains et les rapatriés d’Algérie sont à la fois anciennes et très particulières. Elles permettent certainement des travaux statistiques crédibles, mais ne suffisent pas pour convaincre. Elles ont donc été complétées par un vaste ensemble d’études statistiques visant à évaluer l’effet de l’immigration sur le marché du travail dans de nombreux pays et époques, tout en traitant le biais susmentionné de la façon la plus appropriée possible.
Il vous reste 56.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Avec 1,09 million de dossiers validés depuis le début de l’année au 8 septembre, le compte personnel de formation (CPF) devrait, si la courbe se prolonge, terminer l’année à un niveau proche de celui de 2023 (1,44 million de dossiers). « Le dispositif est entré dans sa phase de maturité », commente Gwenola Martin-Gonzalez, directrice de la formation professionnelle et des compétences à la Caisse des dépôts, qui gère ce dispositif pour le compte du ministère du travail. Créé en 2014 et entré en vigueur en 2015, le CPF confie au salarié la responsabilité de sa formation professionnelle, sans l’avis de son entreprise.
Il est vrai que les pouvoirs publics ont entrepris de mieux contrôler le CPF, victime de son succès et de dérives qui ont été pour beaucoup enrayées.
Dernière initiative en date pour réguler la demande, la mise en place, le 2 mai, d’une participation forfaitaire obligatoire de 100 euros pour tous les postulants au CPF à l’exception des chômeurs. En parallèle, des restrictions au financement du permis de conduire ont été instaurées pour les véhicules légers, sachant que les demandes portaient souvent sur de grosses motos. « Ces nouvelles règles visent à ancrer l’usage du CPF dans un acte réfléchi et dans le cadre d’un projet professionnel »,justifie Gwenola Martin-Gonzalez.
L’annonce de ces mesures a provoqué le mois précédant leur application un pic artificiel de demandes de CPF, qui ont plongé brutalement en mai. Reste à savoir si cette participation forfaitaire n’a pas nui à la démocratisation de l’accès à la formation continue, objectif déclaré de la loi de 2018 réformant le CPF. Sur le moyen terme, ce dispositif a tenu ses promesses puisque la part des chômeurs et des non-cadres bénéficiant de la formation continue s’est considérablement accrue en six ans.
Préserver les finances publiques
Mais, sur les huit premiers mois de 2024, les chiffres de la Caisse des dépôts montrent un léger recul de la part des personnes sans diplômes (16 % des bénéficiaires, contre 21 % en 2022) et des non-cadres (80 %, contre 85 % en 2022). Quand bien même ce recul a été amorcé dès 2023, un effet d’éviction risque d’affecter les salariés modestes. A quelle hauteur, si l’on exclut l’impact à court terme des Jeux olympiques de Paris 2024 et des incertitudes politiques qui ont eu aussi un effet récessif sur la demande de formation ?
Michel Barabel, directeur de l’Executive Master RH de Sciences Po, estime que la baisse pourrait atteindre 10 % en 2025 par rapport à 2023. « Contrairement aux cadres qui considèrent la formation comme un investissement rentable et peuvent payer ce ticket modérateur, les moins diplômés ont souvent connu des échecs scolaires et ont un rapport compliqué avec la formation, observe-t-il. En outre, 100 euros, cela peut représenter 10 % du revenu d’un smicard à temps partiel, ça n’est pas négligeable. Cette mesure dessert l’objectif de démocratisation mais s’explique par la volonté de l’Etat de réduire le coût du CPF, qui s’envolait. » L’Etat aurait pu exonérer du ticket modérateur tous les actifs en deçà d’un seuil de revenu, mais le souci de simplicité et d’efficacité pour préserver les finances publiques a manifestement prévalu.
Il vous reste 37.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Dans le réfectoire de ce centre éducatif fermé (CEF), l’air est électrique en ce matin d’hiver 2022. Deux jeunes échangent insultes et menaces. Gwendal, 25 ans, alors apprenti éducateur spécialisé recruté en alternance, observe la scène, tendu. Il n’y a pas assez de personnel ce jour-là dans la « prison pour mineurs ». Si ça dégénère, il devra intervenir.
Les premiers coups sont d’une violence inouïe. « Ils étaient en train de s’entre-tuer », se souvient Gwendal, 27 ans aujourd’hui. Le jeune apprenti s’interpose. Il a l’habitude d’aller au contact : après une carrière de rugbyman professionnel de cinq ans, il s’est forgé une carrure imposante et une force tranquille.
Cela ne suffira pas. « En voulant les séparer, j’ai reçu un plateau avec assiette et verre en pleine tête. Je me suis mis à saigner du crâne. » Le jeune éducateur est renvoyé chez lui, sous le choc. Il revient travailler le lendemain. « Pas un appel ou un message de mes collègues pour me demander comment ça va, relate amèrement Gwendal. La violence dans le CEF était totalement banalisée, quotidienne. Et moi, j’étais là pour apprendre, mais je n’étais pas encadré. » Son tuteur est le seul éducateur spécialisé de la structure. Lui et Gwendal n’ont jamais les mêmes horaires. « J’étais livré à moi-même. »
Ce jour-là, Gwendala failli jeter l’éponge et abandonner sa vocation. Tourner le dos à ce métier qu’il a si longtemps souhaité exercer, et qui lui a permis de retrouver un but après une blessure grave empêchant la poursuite de sa carrière dans le rugby. Le jeune homme quitte son alternance au CEF après cet épisode.Il retrouve un poste dans un lieu de vie et d’accueil, structure qui prend en charge des enfants placés pour les aider à retrouver un cadre stable. L’ex-rugbyman y travaille toujours aujourd’hui. « Ça se passe bien, mais je trouve que le travail des éducateurs n’est pas assez considéré, déplore-t-il. Nous sommes les éponges des problèmes que la société ne veut pas voir. »
Une crise d’attractivité
Le secteur médico-social est traversé par une importante crise d’attractivité. Les structures peinent à attirer des travailleurs. Près de 97 % des établissements de la protection de l’enfance rencontrent des difficultés pour embaucher, avec 9 % de postes vacants, selon une étude de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) publiée en novembre 2023.
Les effets de cette crise se ressentent dès la formation des futurs travailleurs sociaux. Les établissements peinent à remplir leurs promotions : d’après les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress), en dix ans, le nombre d’étudiants inscrits au sein d’écoles formant aux métiers sociaux a chuté de 6 %, et près de 10 % des étudiants s’arrêtent dès la première année.
Il vous reste 69.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
« Ici le manageur s’occupe de nous et nous, on s’occupe du reste » : impossible de rater ce slogan, affiché sur un grand panneau bleu, à l’entrée d’un îlot de production du site Michelin de Roanne (Loire). Pierre Villeneuve, embauché en 2014 comme vérificateur, et désormais opérateur polyvalent, est plutôt d’accord avec cette phrase : « On peut travailler correctement et sans pression, tout en prenant des décisions au quotidien. On a des objectifs, il faut les remplir, mais je n’ai jamais eu un chef derrière moi, ici. On ne vient pas au travail avec la boule au ventre. »
Cette usine, qui fête ses 50 ans en septembre 2024, confectionne chaque jour 4 000 pneumatiques de haute performance. Ses 841 salariés, qui ont pour tradition de systématiquement se serrer la main pour se saluer, ont aussi pris la main sur des tâches au-delà de leur fiche de poste : dans chaque équipe, certains cumulent la casquette de « correspondants » sécurité, qualité… Ce qui permet aux collectifs de travail de gérer directement le travail au quotidien, et le manageur n’intervient que lorsqu’il y a un problème que les équipiers n’arrivent pas à résoudre.
Redonner davantage d’autonomie aux salariés pour leur offrir un travail plus varié et valorisant est loin d’être une idée nouvelle : depuis quinze ans, le concept d’entreprise libérée désigne les – très rares – entreprises qui ont choisi de réduire le nombre de hiérarchies intermédiaires. Force est de constater que cette philosophie piétine, et ne s’est jamais pérennisée dans les grosses structures qui l’ont testée (Auchan, Decathlon, etc.).
C’est pourquoi, chez Michelin, on préfère parler d’« organisation responsabilisante », pour désigner cette nouvelle manière d’envisager les collectifs de travail. Depuis vingt ans, la multinationale l’expérimente, sur tous ses sites, à l’échelle d’îlots de production d’une trentaine de personnes chacun.
A Roanne, l’entreprise n’a pas supprimé les chefs du jour au lendemain, et elle n’a pas poussé ce nouveau management pour le seul bien-être des salariés. Depuis un « accord de réactivité » signé en 2015 avec la majorité des organisations syndicales, l’usine a complètement redirigé son activité, et adopté un mode de fonctionnement plus flexible pour s’adapter aux commandes des clients… Et ne pas disparaître.
La transition managériale
Il était donc question d’accroître la productivité : puisque l’usine tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et que les manageurs ne sont présents qu’en journée, les équipes – chaque îlot est subdivisé en cinq équipes au planning mouvant (plusieurs jours de suite le matin, puis l’après-midi, parfois la nuit et le week-end) – doivent par définition être autonomes.
Il vous reste 67.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Au sein d’un gouvernement penchant clairement à droite, elle fait partie des rares personnalités affichant une sensibilité sociale-démocrate. Ex-membre du Parti socialiste et macroniste de la première heure, la nouvelle ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a cherché à imprimer – prudemment – sa marque, lundi 23 septembre, dès la cérémonie de passation des pouvoirs avec sa prédécesseure Catherine Vautrin, devenue ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Pour exprimer sa singularité tout en veillant à ne froisser personne, l’ancienne députée de Paris a d’abord salué le caractère « indispensable » des « efforts » consentis depuis « sept ans » pour parvenir au plein-emploi. Cette « bataille » va continuer, a indiqué Mme Panosyan-Bouvet, mais elle « ne doit pas être la seule priorité », car ce serait méconnaître la « réalité individuelle et subjective » du travail, selon la ministre. De telles déclarations confirment le positionnement qui était déjà le sien lorsqu’elle siégeait sur les bancs de l’Assemblée nationale, de juin 2022 jusqu’à aujourd’hui : voulant accorder davantage d’attention au quotidien des salariés quand ils sont à leur poste, elle pense que les chiffres du chômage, même en amélioration, ne suffisent pas pour combattre l’extrême droite. « Le travail, c’est un lieu de construction de l’estime de soi et du lien social. C’est le moyen d’une vie digne et décente », a-t-elle souligné.
Mme Panosyan-Bouvet s’est également distinguée en manifestant le désir « d’incarner un changement de méthode » à l’égard des corps intermédiaires, malmenés depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017. « Je crois en la démocratie sociale et en la légitimité de la société civile et des partenaires sociaux », a-t-elle assuré. Et d’ajouter : « Les liens se sont parfois distendus ces dernières années. Je m’emploierai à les restaurer et à les consolider. » Pour elle, « le compromis n’est pas la compromission ». Une petite phrase quasiment identique à celle que Laurent Berger, ex-secrétaire général de la CFDT, a prononcée dans un entretien à l’hebdomadaire Le 1, daté du 4 septembre. La ministre du travail manie ainsi une phraséologie susceptible de sonner agréablement aux oreilles des leaders syndicaux, en particulier ceux qui sont présentés comme « réformistes ».
« Relations constructives »
Sans entrer dans les détails, Mme Panosyan-Bouvet a esquissé sa feuille de route pour les prochaines semaines. Premier objectif : le travail « doit payer ». « Le smic peut être un salaire d’entrée dans la vie active mais ne doit pas être un salaire à vie », a-t-elle complété.
Il vous reste 56.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Entreprises. Le Maghreb perd chaque année une part importante de ses ingénieurs et scientifiques. Certes, cette diaspora apporte des contributions importantes au pays d’origine. Mais, pour les entreprises locales et les filiales de groupes étrangers, confrontées à une compétition mondiale marquée par un rythme rapide d’innovation, la rareté de ces compétences et un turnover élevé déséquilibrent leur développement.
Ces entreprises peuvent-elles tenter, malgré tout, d’attirer et de conserver ces experts, sans pouvoir offrir des salaires proches de ceux des pays riches ? L’équation semble difficile à résoudre. En Tunisie, une chercheuse, Amina Nadia Nasri, a étudié les motivations au départ des ingénieurs du numérique, en s’immergeant dans plusieurs entreprises du secteur. Son travail souligne la nécessité d’une gestion originale des carrières de ces experts, fondée sur une triple échelle d’évolution (« Vers un nouveau modèle de gestion des carrières adapté aux ingénieurs en informatique dans les entreprises de services du numérique en Tunisie »,thèse université de Tunis, Essect, Larime).
La question des carrières des experts n’est pas nouvelle et s’appuie classiquement sur une double échelle de promotion : l’une, hiérarchique, reconnaît la capacité à diriger et à assumer des responsabilités croissantes ; l’autre, professionnelle, récompense la maîtrise technique et une expertise accrue. Cependant, la fin des années 1990 voit l’accélération des innovations numériques et la multiplication des projets transformants.
Des recherches invitent alors à complexifier l’échelle professionnelle, en récompensant la capacité de certains experts à renouveler leurs expertises et à s’adapter à des projets en rupture (Olga Lelebina, « La gestion des experts en entreprise : dynamique des collectifs de professionnels et offre de parcours », thèse MinesParis 2014).
Une condition existentielle pour eux-mêmes
La nécessité de cette évolution semblait encore réservée aux entreprises à forte intensité technologique. Or, la recherche menée en Tunisie – dans six entreprises du numérique et sur un large échantillon de projets informatiques – généralise cette analyse tout en inversant sa logique.
Dans les pays riches, le renouvellement de l’expertise était un gage de survie des entreprises. En Tunisie, il est perçu, par les experts informatiques, comme une condition existentielle pour eux-mêmes. Ils ne resteront dans l’entreprise – voire dans le pays – que s’ils ont l’assurance de pouvoir développer leurs capacités d’innovation, maîtriser les phases d’un projet numérique ou obtenir des missions à l’étranger, qui légitimeront leur niveau sur le marché mondial.
Il vous reste 21.72% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.