Après l’arrêt contre Uber, il faut « construire un nouveau droit social »

« Le droit social actuel a été conçu dans la civilisation de l’usine pour protéger l’“ouvrier”. Il s’agirait de définir grâce à la loi des normes protectrices selon le degré d’autonomie et d’activité du travailleur. »
« Le droit social actuel a été conçu dans la civilisation de l’usine pour protéger l’“ouvrier”. Il s’agirait de définir grâce à la loi des normes protectrices selon le degré d’autonomie et d’activité du travailleur. » Philippe Turpin / Photononstop

Tribune. Par un arrêt rendu le 4 mars, la chambre sociale de la Cour de cassation a validé une décision de la cour d’appel de Paris du 10 janvier 2019 requalifiant en salarié un conducteur de VTC [véhicule de tourisme avec chauffeur] travaillant en indépendant via la plate-forme Uber. Si une requalification généralisée de ces indépendants en salariés des plates-formes n’est pas souhaitable, il est en revanche temps d’envisager la construction d’un nouveau droit social associé à l’activité professionnelle et protégeant tous les travailleurs, qu’ils soient indépendants ou salariés.

La décision du 4 mars n’est pas le premier cas de requalification en France. La Cour de cassation avait déjà, en novembre 2018, requalifié un travailleur en salarié de la plate-forme de livraison de repas Take Eat Easy, qui a depuis décidé de cesser son activité dans notre pays. Citons également le conseil de prud’hommes de Paris qui, en février 2020, a requalifié le contrat d’un coursier travaillant en prestation de services pour Deliveroo.

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La justice a aussi décidé, en mars 2020, de saisir 3 millions d’euros sur les comptes de cette même plate-forme pour non-paiement de cotisations sociales que l’entreprise aurait dû acquitter sur les années 2015-2016. L’arrêt du 4 mars est fondé sur des critères définis par un précédent arrêt rendu en 1996, qui s’appuie lui-même sur la définition du salarié liée au concept de subordination juridique. Uber avait vis-à-vis du conducteur indépendant trois pouvoirs caractérisant l’existence d’un contrat de travail : donner des instructions, contrôler leur exécution, sanctionner leur non-respect.

L’inégalité des droits n’est pas acceptable

Il est intéressant de remarquer que ces mêmes critères sont ceux qui fondent des requalifications décidées dans d’autres pays, par exemple par la justice britannique en octobre 2016 contre Uber, ou par une loi californienne de septembre 2019 concernant tous les conducteurs de VTC.

Cette décision fera jurisprudence, les conseils de prud’hommes pourront facilement s’y référer. Il est vrai que de nombreux indépendants travaillant via des plates-formes connaissent des conditions de subordination économique extrêmes et des protections fortement appauvries par rapport à celles des salariés. Cette différence ne concerne pas seulement la protection sociale, et en particulier le chômage, mais aussi de nombreux autres domaines.

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Par exemple, le droit social ne confère pas à ces indépendants la protection d’une rémunération minimale équivalente au smic, un encadrement des conditions de travail comme les durées du travail maximales, la possibilité de contester aux prud’hommes les conditions d’une séparation, etc. Ces indépendants portent même, à la différence des salariés, le risque financier lié à l’achat de leur outil de travail, comme le véhicule du conducteur de VTC. Une telle inégalité de droits n’est pas acceptable, elle est contradictoire avec l’objet même du droit social.

Les chauffeurs VTC mobilisés contre Uber et sa « machine à précarité »

Le porte-parole de l’intersyndicale des chauffeurs VTC, Brahim Ben Ali, devant les locaux d’Uber, le 6 mars, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
Le porte-parole de l’intersyndicale des chauffeurs VTC, Brahim Ben Ali, devant les locaux d’Uber, le 6 mars, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). SIMON AUFFRET / LE MONDE

« On est obligé de travailler avec le monstre. » Le « monstre », pour ce chauffeur (qui souhaite garder l’anonymat), s’appelle Uber. Comme une centaine d’autres conducteurs de VTC, il est venu, vendredi 6 mars, exprimer sa colère contre le fonctionnement de l’application mobile, devant les bureaux de la firme californienne à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

La mobilisation de la profession connaît un regain depuis la décision de la Cour de cassation, le 4 mars, qualifiant de « fictif » le statut d’indépendant d’un conducteur et reconnaissant du même coup son lien avec Uber comme étant un contrat de travail salarié.

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Le même chauffeur le répète : travailler avec Uber est une « obligation ». Le service est incontournable, captant entre 60 % et 80 % de la clientèle en Ile-de-France. Après avoir obtenu sa licence de VTC en 2015, il s’est endetté de 40 000 euros pour acheter son véhicule, à l’époque où les conducteurs étaient moins nombreux et les tarifs, plus élevés.

Avant d’arriver à la manifestation, il a pris soin de couper la connexion à Internet sur son smartphone et de désactiver la géolocalisation. « Je ne peux pas me permettre qu’ils voient que j’y participe et suspendent mon compte », explique-t-il.

Peu de volontaires pour le salariat

« Uber vend du rêve aux jeunes, promet 4 000 euros de revenu et une indépendance immédiate. C’est possible, mais à un prix exorbitant ! », commente Makram, autre conducteur présent devant les locaux d’Uber à l’appel de l’intersyndicale nationale VTC. Une fois la commission de 25 % déduite de chaque course, le crédit du véhicule remboursé et l’essence payée, Makram estime gagner entre 1 200 et 1 400 euros brut par mois, pour soixante-dix heures hebdomadaires passées dans sa voiture.

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Parmi les reproches adressés à la plate-forme, figurent en première position le manque de transparence sur les courses (dont le tarif estimé et la distance parcourue ne sont pas connus par les chauffeurs avant le départ) et des suspensions de compte considérées comme abusives, sans possibilité de recours.

« Le lien de subordination avec ces entreprises du numérique est patent depuis des années », constate Otto Landreau, chauffeur inscrit sur plusieurs plates-formes (Bolt, Snapcar, Marcel, Chauffeur Privé) pour éviter les tarifs d’Uber, qu’il juge trop bas.

Tout en qualifiant la décision de la Cour de cassation de « bonne nouvelle », peu de conducteurs disent pourtant vouloir mettre fin à leur statut d’auto-entrepreneur et signer un contrat de travail avec l’entreprise américaine. « Je ne veux pas être un salarié sans les avantages et un indépendant avec tous les inconvénients », résume Yahya, conducteur de 44 ans originaire de Lille.

Coronavirus : le détail du dispositif pour les entreprises

Alors que plusieurs secteurs, comme l’événementiel, les spectacles, sont déjà très fortement touchés, l’onde de choc de l’épidémie liée au coronavirus devrait se répandre à l’ensemble du tissu économique. Le ministre Bruno Le Maire a évoqué lundi un impact « sévère », tandis que la Banque de France abaissait sa prévision de croissance pour le premier trimestre de 0,3 % à 0,1 %. Pour accompagner les entreprises en difficulté, plusieurs dispositifs ont été mis en place par le gouvernement, touchant les volets fiscal, bancaire et social.

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  • Des mesures fiscales

Sur le plan fiscal, sur simple envoi d’un mail aux services des impôts, les entreprises confrontées à des difficultés pourront obtenir un report des échéances de charges sociales ou d’impôts. Les sociétés « menacées de disparition » pourront demander une remise d’impôts directs, dans le cadre d’un examen individualisé avec les services fiscaux.

  • Des dispositifs pour éviter des problèmes de trésorerie

Pour éviter les problèmes de trésorerie qui aggraveraient la situation des entreprises confrontées à une baisse temporaire d’activité, l’Etat et la Banque de France pourront intervenir auprès des banques privées pour obtenir un rééchelonnement des crédits bancaires. De son côté, Bpifrance pourra apporter sa garantie pour des prêts de trésorerie accordés par les banques aux entreprises affectées par les conséquences du coronavirus. Les crédits de moyen et long termes des clients de Bpifrance pourront bénéficier, « sur demande motivée par le contexte », d’un réaménagement de leur dette.

  • Le chômage partiel simplifié

Le volet social du dispositif d’accompagnement s’appuie essentiellement sur les mesures de chômage partiel simplifié et renforcé mises en place par le ministère du travail : l’indemnité horaire compensatoire est portée de 7,74 euros à 8,04 euros net de l’heure, soit le niveau du smic. Le mardi 10 mars, 900 entreprises, représentant 5 000 salariés, avaient déjà déposé une demande de chômage partiel auprès des services du travail.

Enfin, concernant les entreprises qui travaillent avec des marchés publics d’Etat, les pénalités de retard éventuelles ne seront pas appliquées, du fait de la reconnaissance par l’Etat du coronavirus comme cas de force majeure. D’une manière générale, le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, est mobilisé avec le réseau d’une trentaine de médiateurs implantés en région pour accompagner les entreprises dans la résolution de conflits qui pourraient apparaître avec leurs clients ou fournisseurs, en lien avec l’épidémie.

Ruptures conventionnelles : entre 4 000 et 5 000 agents demanderaient à quitter la fonction publique

AUREL

Certaines demandes remontent jusqu’au gouvernement. Ce fonctionnaire territorial de 57 ans qui travaille dans l’Aveyron a écrit à la ministre du travail, Muriel Pénicaud, le 9 décembre 2019, pour obtenir des renseignements sur une rupture conventionnelle. Il envisage, en effet, de créer une « auto-entreprise ».

Un conseiller socio-éducatif du conseil départemental de la Corrèze ou encore un adjoint technique territorial au sein de la région Normandie se sont eux aussi renseignés. Tous ont de nombreuses années d’ancienneté.

Créée par une loi de 2019 pour le public, après avoir été instaurée pour le privé en 2008, la rupture conventionnelle, entrée en vigueur le 1er janvier, suscite l’intérêt de fonctionnaires. Selon Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat notamment chargé des questions afférentes à la fonction publique, « 4 000 à 5 000 demandes » seraient en cours, même s’il précise qu’il ne s’agit encore que d’une estimation.

« Le malaise est très grand »

Le nombre de ruptures conventionnelles pourrait être plus important que ce qu’avait préalablement envisagé le gouvernement : 1 000 en 2020, 1 500 en 2021, 2000 en 2022. « Cela ne me surprend pas, réagit M. Dussopt. Depuis que nous avons annoncé ce projet en février 2018, j’ai reçu beaucoup, beaucoup de demandes spontanées. C’est le sujet sur lequel il y a le plus de sollicitations individuelles d’agents. »

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Ce dispositif, qui sera expérimenté de 2020 à 2025, permet à un fonctionnaire de se mettre d’accord avec son employeur pour quitter l’administration définitivement. Il percevra une indemnité de rupture. Et il aura également droit aux allocations-chômage, s’il en remplit les conditions d’attribution.

Les syndicats de fonctionnaires constatent eux aussi cet engouement. C’est notamment le cas de la CFDT Fonctions publiques, qui fait état de « remontées du terrain ». « Nous savions que c’était un dispositif attendu, commente Mylène Jacquot, secrétaire générale. On l’a donc défendu et on a demandé à ce qu’il soit étendu à la territoriale. Mais on a alerté : le fait que des fonctionnaires soient prêts à partir est un signal très négatif pour les employeurs. Parce que cela signifie qu’il y a un sérieux problème, que le malaise est très grand. »

Même constat à la CGT, opposée au dispositif car considérant que « c’est un moyen de se débarrasser de gens dont on ne veut plus ». « Il y a une demande phénoménale des agents car ils n’en peuvent plus », confirme Catherine Marty, membre du bureau de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat (UFSE-CGT). Pour elle, les fonctionnaires trouvent dans la rupture conventionnelle une solution pour « sortir de là ». Elle évoque notamment « les réorganisations permanentes des services, en parallèle de la baisse des effectifs et de la pression hiérarchique croissante. Les gens n’ont plus les moyens d’accomplir leur mission. Ça les rend fous. »

Un nouveau patron à la tête de l’assurance-chômage

Une nouvelle personnalité va prendre les rênes de l’Unédic, l’association paritaire qui pilote l’assurance-chômage. Sauf coup de théâtre, il devrait s’agir de Christophe Valentie, directeur des ressources humaines (DRH) de la Sûreté ferroviaire à la SNCF. Selon nos informations, son recrutement, qui n’est pas encore officiel, a récemment fait l’objet d’une décision de principe de la part de l’instance dirigeante – le bureau – du régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

M. Valentie va occuper le poste de directeur général, où il succédera à Pierre Cavard, qui assurait un intérim depuis le départ, en septembre 2019, de Vincent Destival – embauché par le Secours catholique.

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« Connaissance du terrain et des partenaires sociaux »

Titulaire d’une maîtrise en économie et gestion de l’entreprise, M. Valentie a travaillé à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), de 2004 à 2008, en qualité de responsable du réseau « culture-spectacle ». Il a ensuite rejoint le cabinet de Laurent Wauquiez, lorsque celui-ci était secrétaire d’Etat chargé l’emploi dans le gouvernement de François Fillon. Durant un an et demi, il s’est vu confier plusieurs dossiers : contrats aidés, insertion par l’activité économique, etc. Après un passage de quelques mois à Pôle emploi, il a réintégré, en novembre 2010, l’exécutif de l’époque, en devenant conseiller technique de Xavier Bertrand, alors ministre de l’emploi, du travail et de la santé. Il quitte ses fonctions quelques semaines avant la victoire de François Hollande à la présidentielle de 2012 pour se faire enrôler par la SNCF – d’abord comme directeur de l’emploi, du recrutement et de la formation puis comme DRH de la police des chemins de fer.

Décrit comme « conciliant » par un de ses ex-collègues, M. Valentie a été choisi notamment pour son profil, qui allie « connaissance du terrain et des partenaires sociaux », confie une autre source. Son expérience en cabinet ministériel a pu être vue comme un atout. Il lui appartiendra cependant de faire la preuve de son indépendance, à l’heure où l’Unédic traverse des moments difficiles. Le régime doit, en effet, mettre en œuvre de nouvelles règles pour l’assurance-chômage qui ont été dictées par le gouvernement. Un cas de figure rarissime puisque, en principe, les modalités d’indemnisation des demandeurs d’emploi sont fixées par les partenaires sociaux, sauf s’ils ne parviennent pas à s’entendre, ce qui fut le cas, en 2019. Résultat : l’Etat a repris en main le dossier, en renforçant au passage son emprise sur le régime.

La désignation de M. Valentie devrait être actée lors d’une réunion du bureau de l’Unédic, le 26 mars.

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Coronavirus : à New York, l’ONU, fermée aux visiteurs, prépare son personnel au travail à distance

Une assemblée présidée par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au siège des Nations unies, à New York, le 6 mars 2020.
Une assemblée présidée par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au siège des Nations unies, à New York, le 6 mars 2020. ESKINDER DEBEBE / AFP

L’annonce devait être faite dans la matinée aux diplomates : les visiteurs ne sont plus acceptés dans les bâtiments de l’ONU à partir de mardi 10 au soir, a appris Le Monde, pour tenter d’enrayer la propagation de l’épidémie du coronavirus, et ce alors que l’Etat de New York a déclaré l’état d’urgence depuis trois jours.

Lundi, le quartier général new yorkais a indiqué avoir lancé la phase « préparatoire » de son plan d’urgence. Quelques heures plus tard, les 15 membres du Conseil de sécurité ont testé un dispositif de télétravail qui devrait leur permettre de se réunir, et d’éventuellement voter à distance résolutions et autres déclarations, en cas de force majeure. S’il devait être utilisé, ce serait une première puisque ledit Conseil n’a jamais été empêché de se rassembler au cours de ses soixante-quinze années d’existence.

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Les 193 pays membres devaient se réunir mardi matin sous l’égide du président de l’Assemblée générale, où il devrait leur être conseillé de travailler « trois jours sur cinq à domicile, et deux jours dans des locaux de l’ONU ». L’objectif est de toucher de façon semi-permanente « 50 % du personnel » – surtout les plus âgés, plus susceptibles d’être visés par le Covid-19.

L’anxiété gagnait les diplomates

Département par département, des plans de continuité de l’activité avaient été créés après l’ouragan Sandy en 2012, qui avait partiellement noyé le garage et des locaux de stockage de serveurs du QG de l’ONU. « Des serveurs ont par exemple été délocalisés hors des murs », explique Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général.

Dans le cas de l’épidémie du coronavirus, c’est plutôt le personnel qui travaille au sein de l’institution onusienne dont il faut s’occuper. Depuis lundi, l’ONU demande à ses collaborateurs de retour de zones à risque de se mettre en quarantaine « volontairement ».

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Ces mesures devraient rassurer, alors que l’anxiété gagnait les diplomates depuis le 2 mars, quand l’ONU a réduit un de ses rendez-vous phares, une vaste conférence sur les femmes, de onze jours à une seule journée – mais sans annoncer d’autres précautions. « Le manque de communication a créé une certaine anxiété, indéniablement », confie un ambassadeur européen.

Pour rassurer le personnel, une réunion a été organisée vendredi avec la directrice des services médicaux de l’ONU. La fréquence de désinfection des lieux les plus sensibles (ascenseurs, toilettes) aurait doublé depuis, et les produits utilisés seraient plus puissants, similaires à ceux utilisés dans les hôpitaux. Une cellule de crise s’est enfin réunie ce week-end, dès que New York a déclaré l’état d’urgence.

Les partenaires sociaux concluent un accord a minima sur les salariés de l’encadrement

Mieux vaut un compromis peu ambitieux que pas de compromis du tout. Après un peu plus de deux ans de négociations, jalonnées de longs temps morts et d’échanges tendus, le patronat et les syndicats ont jugé préférable de s’entendre à propos de la question des cadres dans le secteur privé – même si le « deal » qu’ils sont sur le point de ficeler contient peu d’avancées nouvelles. Les concessions faites par chaque camp viennent, en effet, de déboucher sur un projet d’accord national interprofessionnel (ANI), proposé par les représentants des employeurs. Les confédérations de salariés l’ont retouché, vendredi 6 mars, mais il ne s’agit que d’amendements portant sur la forme, qui ne devraient pas soulever de difficultés. A ce stade, trois organisations (sur les huit impliquées dans les discussions) ont indiqué qu’elles signaient le texte : Force ouvrière, l’Union des entreprises de proximité (artisans, commerçants, professions libérales) et la CFTC ; les cinq autres doivent faire connaître leur décision dans les prochains jours.

L’ANI en cours de bouclage résulte de la fusion, début 2019, du régime de retraites complémentaires des cadres (Agirc) avec celui des non-cadres (Arrco). Un mariage scellé dans un accord d’octobre 2015, qui prévoyait l’ouverture de tractations pour « définir les principaux éléments permettant de caractériser l’encadrement ». Les syndicats y tenaient beaucoup, compte tenu des contraintes nouvelles auxquelles est confrontée cette catégorie de salariés, depuis plusieurs années : changements dans les politiques de management des entreprises, exigences accrues de polyvalence, augmentation de la charge de travail dans un contexte où les prises de décision s’accélèrent, etc.

Les tractations furent laborieuses, en raison du faible enthousiasme manifesté au départ par le Medef. La première organisation d’employeurs regroupe plusieurs fédérations professionnelles qui redoutaient une remise en cause de leurs accords de branche et de leurs critères de classification des salariés. Finalement, le processus a accouché, fin février, d’un projet d’ANI.

Un « référentiel » pour les entreprises

Le texte a une double vertu, comme l’explique Patrick Cheppe, le chef de file de la délégation patronale : il maintient les règles relatives à la prévoyance des cadres (un dispositif qui se traduit par divers avantages, notamment en cas de décès du salarié) et celles qui concernent les cotisations destinées à l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Autrement dit, deux piliers du système actuel sont sécurisés, sur le plan juridique.

Coronavirus : Dans le secteur de l’événementiel, « les clients annulent en cascade »

Le salon Livre Paris 2020 a été annulé  à cause du Coronavirus.
Le salon Livre Paris 2020 a été annulé  à cause du Coronavirus. MARTIN BUREAU / AFP

Depuis quelques jours, le téléphone de Michaël Nussbaumer ne sonne plus. « Tout est calme », déplore-t-il. Trop calme. Pour ce dirigeant de Cosmik Jump, une agence événementielle installée à Annecy, les semaines à venir seront difficiles. « Certains clients ont annulé leurs manifestations, d’autres sont en stand-by et attendent de voir comment les choses vont évoluer. » M. Nussbaumer, qui emploie trois salariés, peut « tenir » jusqu’à fin mai en termes de trésorerie. Sa plus grande crainte est de voir le Pharaonic, festival de musique électronique qui doit se tenir fin mars à Chambéry, annulé. « Auquel cas, une grosse partie de notre chiffre d’affaires de l’année sera perdu », dit-il, refusant malgré tout de céder à la panique. « Nos prestataires sur les événements, artistes, intermittents, free-lance, sont encore plus touchés que nous. Ils n’ont rien pour voir venir. »

L’événementiel apparaît d’ores et déjà comme l’un des plus touchés par les conséquences économiques de l’épidémie due au coronavirus. Or ce secteur déploie une activité considérable : pas moins de 380 000 événements organisés à l’initiative d’une entreprise ou d’une institution ont eu lieu en France en 2018 – soit plus d’un millier par jour –, générant 32 milliards d’euros de retombées, selon une enquête d’EY publiée en novembre 2019.

Une catastrophe pour ce secteur et ses 335 000 emplois

« Depuis vendredi [28 février], les clients annulent en cascade leurs événements de moins de 5 000 personnes, par précaution, considérant qu’ils ne peuvent pas prendre le moindre risque de réunir leurs collaborateurs ou clients », constate Bertrand Biard, président de l’association LÉVÉNEMENT, qui rassemble 63 entreprises du secteur, soit 80 % du marché. « Les entreprises nous remontent à chaque instant des annulations qui s’enchaînent, entraînant mécaniquement, pour la plupart d’entre elles, la disparition quasi totale de leur chiffre d’affaires. »

Une catastrophe pour ce secteur et ses 335 000 emplois (en équivalent temps plein) comprenant de multiples métiers – agences, organisateurs, traiteurs, loueurs de salles, prestataires techniques, animateurs… – et composé d’une myriade de PME ou de TPE (très petites entreprises), voire d’indépendants. Des petites entreprises, qui, bien souvent, ne disposent pas de la trésorerie suffisante pour laisser passer l’orage, d’autant que personne ne sait quelle sera la durée et l’ampleur de la crise. Les assureurs ne leur seront pas d’un grand secours, puisque les clauses d’annulation figurant sur les contrats excluent toutes les conséquences directes ou indirectes des effets du Covid-19, et ce depuis la qualification d’épidémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Retraites : la voix des femmes résonne dans le mouvement social

Chorégraphie des « Rosies » lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 24 janvier.
Chorégraphie des « Rosies » lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 24 janvier. LIONEL BONAVENTURE / AFP

Leur chanson résonne désormais dans toute la France. Dans la foule des anonymes qui défilent contre la réforme des retraites, impossible de rater les « Rosies » – une référence à « Rosie la riveteuse », l’emblème de la lutte pour l’égalité professionnelle. Bleu de travail, gants jaunes et bandana rouge, elles étaient encore là, mardi 3 mars, à l’heure où le gouvernement s’apprêtait à recourir au 49.3 pour faire adopter sans vote le volet ordinaire du projet de loi à l’Assemblée nationale. A l’ombre des ailes noires de faux vautours symbolisant les gestionnaires d’actifs comme BlackRock, les voilà qui entonnent A cause de Macron, une version parodique d’A cause des garçons, un tube de 1987.

Tout est parti d’une vidéo de l’association Attac, imaginée pendant les vacances de Noël. Quelques jours plus tôt, le 11 décembre 2019, lors de la présentation de la réforme au Conseil économique, environnemental et social, le premier ministre, Edouard Philippe, avait lancé : « Les femmes seront les grandes gagnantes du système universel. » Et de vanter une majoration en points de 5 % accordée aux parents et ce « dès le premier enfant », des pensions de réversion améliorées ou encore l’abaissement de l’âge d’annulation de la décote pour une retraite à taux plein de « deux à trois ans » pour celles actuellement obligées d’attendre 67 ans pour obtenir une pension complète.

« Du baume au cœur »

Cette communication a fait bondir un certain nombre de féministes. Dans la foulée, à Paris, un meeting est organisé à la Maison des métallos, à l’initiative de la députée « insoumise » Clémentine Autain. « La réforme fragilise les dispositifs correctifs qui existent aujourd’hui, comme les majorations pour enfants ou les pensions de réversion, dénonce Sophie Binet (CGT). Avec le calcul sur toute la carrière, les années de temps partiel ou d’interruption pour enfant se paieront cash. »

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Attac prend le relais pendant la trêve des confiseurs avec son clip et décide de le décliner dans le défilé parisien à la rentrée, chorégraphie à l’appui. « Il s’agissait de donner du baume au cœur pendant les vacances de Noël et on s’est dit que face aux violences policières, il fallait aussi faire quelque chose dans les cortèges », raconte sa porte-parole, Aurélie Trouvé. Du matériel est mis à disposition sur le site d’Attac, avec les paroles de la chanson et un tutoriel. Les réseaux sociaux font le reste. « Ça donne une dimension festive à nos luttes qui n’enlève rien au fond politique, considère Murielle Guilbert (Solidaires). Ça dynamise des modes d’action traditionnels qui usent les militants. »

Trois millions d’euros saisis sur le compte de Deliveroo dans une enquête pour travail dissimulé

La justice a procédé à la saisie de 3 millions d’euros sur le compte bancaire français de Deliveroo, la plate-forme britannique de livraison de repas, dans le cadre d’une enquête pour travail dissimulé, a-t-on appris vendredi de source proche du dossier, confirmant une information du Parisien. Cette saisie effectuée à titre conservatoire correspond à une partie des cotisations sociales que l’entreprise est soupçonnée de ne pas avoir acquittée durant la période 2015-2016.

Depuis mai 2018, la plate-forme britannique est au cœur d’une enquête préliminaire du parquet de Paris confiée à l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) pour « travail dissimulé », après un rapport de l’inspection du travail critique sur les pratiques de l’entreprise.

Pour l’inspection du travail, les livreurs de Deliveroo France doivent être considérés comme des salariés et non comme des autoentrepreneurs. L’Urssaf, selon Le Parisien, a estimé à un peu plus de 6 millions d’euros le montant des cotisations non versées par la plate-forme entre 2015 et 2016.

Condamnation par les prud’hommes

« Deliveroo offre à des milliers de livreurs un travail indépendant parce que cela leur donne la liberté de choisir eux-mêmes quand et où travailler. Les livreurs nous indiquent valoriser avant tout la flexibilité », a commenté vendredi un porte-parole de la plate-forme.

Au début de février, Deliveroo a été condamné au civil par les prud’hommes de Paris pour travail dissimulé à la suite de la demande de requalification en contrat les prestations de l’un de ses livreurs.

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La justice a « reconnu que le fait d’obliger le coursier à avoir un contrat de prestation de service était une volonté de frauder le code du travail de la part de Deliveroo et condamné l’entreprise à verser 30 000 euros au livreur », avait expliqué Kevin Mention, avocat du plaignant. Il s’agit du premier cas de requalification en France pour Deliveroo.

« Deliveroo a eu des discussions avec les autorités de sécurité sociale au sujet d’un contrat qui n’est plus d’actualité, qui offrait clairement un travail indépendant. Aucune décision n’a été prise et les discussions se poursuivent », a déclaré vendredi l’entreprise britannique.

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Le Monde avec AFP