Regard sur six inégalités insidieuses du travail

Quelle distance de rétributions entre riches et pauvres ? Quelle diversité entre diplômés et non-diplômés ? Jeunes ou âgé, qui sont les plus mal lotis ? Les femmes ou les étrangers sont-ils continuellement désavantagés ? Pour répliquer à ces questions qui secouent la société et ont sous-tendu le mouvement des « gilets jaunes », l’Observatoire des différences, association d’experts et de chercheurs, a proclamé, mardi 4 juin, son troisième rapport sur les inégalités en France.

Un état des lieux global est effectué en compilant des statistiques publiques et recherche sur plusieurs sujet : revenus, éducation, patrimoine, conditions de vie, etc. Après avoir limité le précédent rapport en dix graphiques, qui présentaient l’augmentation du nombre de pauvres en France, l’inégale répartition des revenus et du patrimoine, et le démarrage des hauts revenus, nous avons repéré, dans cette nouvelle édition, des statistiques plus « discrètes » mais dont les effets pèsent sur la vie habituelle et le ressenti de ceux qui les supportent.

1 – Au-delà du chômage, le halo du « mal emploi »

Le taux d’inactivité en France est tombé à 8,7 % de la population active, son plus bas niveau depuis dix ans, au premier trimestre 2019, selon l’Insee. Mais ce chiffre ne décompte que les personnes en recherche active et n’ayant pas du tout travaillé dans la semaine précédant l’enquête, et « reflète mal la dégradation du marché du travail », selon l’Observatoire des distinctions.

En effet, il ne tient pas compte des personnes « découragées », qui ne recherchent plus de travail et ne sont plus adaptées dans les statistiques, comme les mères de famille ou les personnes proches de la retraite. Ce public détourné représenterait 1,6 million de personnes. Si l’on y ajoute des salariés à temps partiel qui aimeraient travailler davantage ou des travailleurs en contrat précaire (intérim ou contrats à durée déterminée non choisi), l’ensemble de ces conditions concerne, selon le rapport, 26 % de la population active dans une situation de faiblesse vis-à-vis de l’emploi. Et encore, ce chiffre n’intègre pas les travailleurs « à leur compte » comme les chauffeurs de VTC ou certains livreurs en condition souvent précaire.

2 – L’absence de diplôme, de plus en plus discriminante

Le chômage a décru ces dernières années pour l’ensemble de la population active, mais reste à un niveau élevé (plus de 18 %) pour les personnes non diplômées. Dans les dix dernières années, leur situation s’est particulièrement dégradée par rapport à l’ensemble de la population active. Leur taux de chômage est désormais le double de la moyenne nationale, et quatre fois plus élevé que celui des personnes disposant d’au moins un bac + 2.

49 % des jeunes sans diplôme subissent le chômage

Cette inégalité est encore plus flagrante au moment de l’insertion professionnelle : selon une étude réalisée par le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq), trois ans après son entrée sur le marché du travail, le taux de chômage d’un jeune sans aucun diplôme atteignait 49 % en 2016, contre 19 % pour les titulaires d’un bac, et 10 % pour les bac + 5.

3 – Flexibilité horaire, rythme contraint : ouvriers et agents en première ligne

Non uniquement l’absence de diplôme obscurcit l’accès au travail, mais les emplois définitivement obtenus sont habituellement les plus pénibles au niveau des horaires, des accordes ou de la difficulté physique. Et ces contraintes ont tendance à augmenter durant ces dernières années.

44,6 % des salariés du commerce travaillent le dimanche

La « flexibilité » touche de plus en plus les ouvriers et employés. Ainsi, selon le ministère du travail, 28 % des salariés étaient conduits à œuvrer le dimanche en 2016 (contre 26 % en 2005). Ce taux passe à près d’un sur deux (44,6 %, contre 41,7 % en 2005) dans le secteur des commerces et services.

Si la moitié des travailleurs œuvrent sur un rythme normal, 18,8 % ont des horaires qui varient selon les jours, fixés par leur entreprise (contre 16,9 % en 2005). Plus d’un quart des ouvriers non qualifiés (26,6 %) n’apprennent pas les horaires du mois à venir, alors qu’ils n’étaient que 21 % en 2016. Sur la même période, la situation des cadres s’est progressée (16,4 % ne connaissaient pas leurs horaires, contre 24,3 % en 2006).

La souplesse se conduit aussi d’un plus grand contrôle du rythme de travail. La proportion de laborieux déclarant subir des rythmes contraints (cadence imposée, productivité, contrôle permanent, etc.) est passée, en dix ans, de 31,6 % à 35,2 %.

4 – La barrière des nouvelles technologies

Les usages liés aux nouvelles technologies évoluent très vite, mais restent inégalitaires. Si le téléphone portable est quasiment généralisé, seuls 66 % des plus pauvres disposent d’un ordinateur, contre 93 % des hauts revenus, selon une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc).

Le plus distinguant n’est pas la acquisition de matériel, mais surtout les usages. Or ceux-ci sont liés à l’âge et à la catégorie sociale : 93 % des cadres accomplissent des prospects administratifs sur Internet, mais c’est le cas d’uniquement 69 % des ouvriers et 62 % des retraités.

Finalement, l’Observatoire des différences rappelle qu’en 2018, 11 % de la population (et 16 % parmi les plus bas revenus) n’utilise pas du tout Internet, ce qui indique au total 6,4 millions de personnes.

5 – La télévision, miroir déformant de la société

Les inégalités sociales ne résident pas uniquement dans les revenus ou le taux de chômage, mais aussi dans des domaines plus symboliques, comme la clarté dans les médias. La crise des « gilets jaunes » a été l’occasion de donner la parole à des catégories sociales sous-représentées en temps normal à la télévision. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a ainsi accompli une étude en 2018, présentant que les cadres, qui n’évoquent que 9 % de la population française, employaient 60 % du temps d’antenne, alors que les employés, retraités et ouvriers sont sous-représentés.

6 – Treize ans de vie : l’écart entre riches et pauvres

La différence la plus cruelle concerne la santé. Selon une étude effectuée par l’Insee, les hommes aménageant du plus faible revenu ont une espérance de vie de 71,7 ans en moyenne – soit les niveaux des pays d’Asie ou d’Amérique du Sud –, contre 84,4 ans pour les 5 % les plus riches. L’écart devance aussi huit ans pour les femmes. Selon le rapport, ces différences sont liées à la difficulté accrue de certaines professions, mais aussi au coût élevé des soins. Ces chiffres peuvent aussi avoir une explication inverse : un faible niveau de revenus peut être la suite d’un accident du travail ou d’une longue maladie.

Droit de l’activité professionnelle, salariée ou indépendante 

« Les indépendants dont l’activité est médiatisée par des plates-formes bénéficient, par rapport aux salariés, de droits appauvris sur de multiples aspects : protection sociale, conditions de travail, risques financiers, etc. »
« Les indépendants dont l’activité est médiatisée par des plates-formes bénéficient, par rapport aux salariés, de droits appauvris sur de multiples aspects : protection sociale, conditions de travail, risques financiers, etc. » PW Illustration/Ikon Images / Photononstop
Jugeant, que l’article 20 de la loi mobilités n’apaisera pas à défendre les laborieux des plates-formes, le juriste Jacques Barthélémy et l’économiste Gilbert Cette conseillent d’utiliser les éventualités des ordonnances travail pour ouvrir de vraies contestations sociales.

Le projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM), en débat à l’Assemblée nationale, incite dans son article 20 les plates-formes digitales à prévoir des chartes « précisant les contours de leur responsabilité sociale, de manière à offrir des droits sociaux additionnels aux travailleurs indépendants qui ont recours à leurs services ». L’intention de cet article est sérieuse, mais cette approche doit être un premier (petit) pas vers une mutation plus radical.

Les indépendants dont l’activité est médiatisée par des plates-formes profitent, par rapport aux travailleurs, de droits appauvris sur de multiples aspects : protection sociale (pas de protection chômage), conditions de travail (pas de durée du travail maximum), rétributions (pas de revenu minimum équivalent au salaire minimum), droits essentiels (pas de recours possible aux prud’hommes en cas de déconnexion), risques financiers (apport fréquent de leur outil de travail)…

Malgré cela, ils peuvent, dans véritables cas, éprouver des conditions de subordination fortes, semblables à celles de salariés. Par exemple, dans le domaine des VTC ou de la livraison, il est habituel que la plate-forme donne des ordres et directives et puisse sanctionner le travailleur, ces sanctions allant de bonus-malus jusqu’à une déconnexion transitoire ou définitive. Ces éléments de faits ont d’ailleurs été retenus par la Cour de cassation dans un arrêt de novembre 2018 cassant la décision de la cour d’appel de Paris d’avril 2017 qui avait écarté un livreur de Take Eat Easy sollicitant sa requalification en salarié. L’affaire sera donc rejugée au fond devant la cour d’appel de renvoi.

Une situation complexe

La situation contemporaine est complexe. Ne rien faire serait autorisé que des laborieux parfois fermement subordonnés soient pénalisés par rapport aux salariés par des droits appauvris. On ne peut se contenter d’une telle injustice, qui abandonnerait d’ailleurs le juge décidé de requalifications en cas de subordinations trop prononcées. Avec le risque que des plates-formes ne soient dissuadées par ce risque juridique de prolonger leur activité – Take Eat Easy a d’ailleurs ainsi mis la clé sous la porte.

L’accroissement et l’emploi en seraient punis. D’autres plates-formes attendent que les progrès de la technologie les remettent du recours aux travailleurs : comment comprendre différemment qu’une entreprise comme Uber éprouve une bonne valorisation boursière (plus de 65 milliards de dollars) alors qu’elle accumule des pertes année après année ? Le véhicule autonome lui admettra, dans quelques années, de bénéficier de positions hégémoniques acquises dans de nombreuses villes sans être montrée au risque de requalification.

Aspen, groupe pharmaceutique, s’installe en France

Ligne de production dans l’usine Aspen de Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Maritime).
Ligne de production dans l’usine Aspen de Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Maritime). Aspen

L’entreprise a recouvré un site de GSK et y ajoute son revenu de produits injectables après un placement de 70 millions d’euros.

Une grande pelouse reçoit le visiteur. « Ici, était installé le plus ancien atelier de l’usine. On l’a supprimé après avoir abandonné la ligne de production de seringues dans un bâtiment tout neuf. On va y créer des zones de repos à destination des salariés et de leur bien-être. Nous voulons également installer une ruche », précise Vincent Philibert, le directeur des ressources humaines et de la communication de l’usine pharmaceutique d’Aspen à Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Maritime), un bourg au nord-ouest de Rouen. De quoi représenter la vie un peu plus douce aux quelque 750 personnes qui y travaillent.

Pas question pour autant de s’arrêter pour cette société pharmaceutique sud-africaine qui accomplit quelque 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 10 000 personnes partout dans le monde. « Depuis cinq ans, et le rachat du site à GlaxoSmithKline (GSK), il s’est passé plus de choses que lors des dix années précédentes cumulées. C’est frénétique ! », Déclare Jean-Charles Rousset, le DG français de l’usine.

Aspen ne lamente pas d’avoir choisi la France. Le sud-africain a investi pas moins de 70 millions d’euros dans le développement d’une récente ligne de remplissage de seringues préremplies de Fraxiparine, d’Arixtra et de Mono-Embolex, des anticoagulants utilisés pour combattre contre les faits thromboemboliques. Le site s’est pourvu d’un laboratoire d’évaluation sur les procédés, la caractérisation des produits. Plusieurs personnes y organisent l’industrialisation de nouveaux principes actifs.

165 millions de doses

Actuellement, l’usine manufacture quelque 165 millions de doses, et en exporte 92 % dans plus d’une centaine de pays. Et demain, la production devrait encore amplement progresser, autour d’un demi-milliard de produits injectables. L’unique usine française d’Aspen – l’un des trois sites de production européens de ce groupe créé en 1997 pour réaliser en Afrique du Sud des médicaments antirétroviraux contre le sida – est en pleine augmentation.

Plus de 90 millions d’euros de nouveaux investissements ont été réalisé depuis 2018

Plus de 90 millions d’euros de nouveaux investissements ont été réalisé depuis 2018 avec l’objectif d’embaucher près d’une centaine de personnes. « Dans un bassin industriel un peu chahuté, on trouve pas mal de candidats, notamment pour la maintenance de lignes de production », déclare M. Philibert.

Des nouvelles voies pour intégrer dans les grandes écoles

Le gouvernement débute une action qui doit exprimer des passages pour améliorer la « diversité sociale » dans les établissements les plus prestigieux, aujourd’hui tous soumis à un concours.

Après les annonces d’Emmanuel Macron sur la suppression de l’ENA et l’ouverture de la haute fonction publique, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, détaille au Monde le chantier ouvert pour améliorer la diversité sociale dans les grandes écoles, présenté mardi 4 juin devant la Conférence des grandes écoles.

Vous lancez une mission sur la diversité sociale dans les grandes écoles. En quoi consiste-t-elle ?

Dans la continuité des éclaircis du président de la République et du grand débat national, il est temps d’avoir, dans nos grandes écoles, une représentation plus ressemblante de notre société, dans son inégalité géographique et sociale. L’enseignement supérieur compte 38 % de boursiers, mais ils sont seulement 19 % à l’Ecole normale supérieure (Paris) et 11 % à Polytechnique, qui n’assemblait que 2 % d’enfants d’ouvriers et d’agents dans sa dernière promotion.

J’envoie actuellement une lettre de mission aux directeurs de l’Ecole polytechnique, des Ecoles normales supérieures (Paris, Saclay, Lyon) mais aussi  de l’Essec, de HEC, et de l’ESCP Europe, qui sont partants pour s’engager sur le sujet. J’attends leurs premières propositions à la mi-juillet. Notre ambition est forte, cela ne pourra être seulement cosmétique. Nous fixerons un calendrier et des objectifs chiffrés.

L’avocat et technocrate Frédéric Thiriez, ancien président de la Ligue de football professionnel, a été désigné par Emmanuel Macron pour œuvrer sur la cession de l’ENA et l’ouverture de la haute fonction publique. Cela ne fait-il pas doublon ?

Le point commun entre ces deux missions, c’est l’objectif de diversité sociale et particulièrement de la haute fonction publique, dont certaines grandes écoles, comme Polytechnique, sont le vivier. Mais l’ENA est dans le périmètre du ministère de la fonction publique. Nous nous occupons là de l’ensemble des grandes écoles, y compris les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce les plus prestigieuses.

Trois formes devront être étudiées : la différenciation des voies d’accès, l’objet des formations et la vie étudiante, ainsi que l’égal accès aux activités et aux emplois à la sortie. S’il faut en passer par la voie législative, on le fera.

Vous apercevez la création de voies alternatives au concours, sur le modèle des « conventions éducation prioritaire » de Sciences Po pour les lycéens de quartiers désavantagés. Etes-vous prête à refaire le débat sur la discrimination certaine, au pays du concours et du mérite républicain ?

Le plan d’économie et la diminution de personnel de Radio France

La Maison de la radio, siège de Radio France, à Paris le 1er juin.
La Maison de la radio, siège de Radio France, à Paris le 1er juin. FRANCOIS GUILLOT / AFP

Diminution de la participation de l’Etat, augmentation des charges et développement du digital : la présidente Sibyle Veil doit trouver 60 millions d’euros d’économies d’ici 2022.

La tension est grimpée d’un cran lundi 3 juin à Radio France. La directrice du groupe de radio publique, Sibyle Veil, a présenté au conseil d’administration et aux organisations syndicales son plan « Radio France 2022 ». Si la actualisation des métiers vers le digital, la création de podcasts ou d’une offre jeune ont été abordées, c’est surtout le plan d’économies présenté par la présidente qui est au cœur des inquiétudes.

Actuellement, pas question d’annuler des antennes. Par contre, Radio France, qui a un budget de 650 millions d’euros, devra trouver 60 millions d’euros en trois ans. En effet, l’Etat envisage d’amputer ses ressources de 20 millions d’euros. En outre, le groupe qui chapeaute France Inter, Franceinfo ou France Culture, devra soutenir 20 millions d’euros d’augmentation mécanique des charges, et dégager 20 millions additionnels pour se développer dans le numérique. Des sommes qu’il faudra compenser.

Premier budget à subir de la réforme, la masse salariale, qui pèse 61 % des dépenses, et qu’il va falloir diminuer de 25 millions d’euros, soit 6 % du total. « Je suis assez en colère dans la mesure où ces efforts demandés viennent après d’autres coups de rabots déjà réalisés, s’insurge Jean-Paul Quennesson, délégué SUD de Radio France. 25 millions, c’est tout simplement irréaliste. Nous voulons une expertise. »

A peine le chiffre a-t-il été invoqué que la perspective d’un plan de départ, qui n’a pas encore été clairement évoqué, est déjà dans les esprits. Sur Twitter, le syndicat national des journalistes (SNJ) a compté que 25 millions représentaient 285 postes, alors que le groupe emploie 4 600 personnes. Pour le moment, la présidente n’a témoigné aucune réduction d’effectifs. Dans un premier temps, c’est l’organisation qui doit être revue, en l’occurrence le temps de travail, avec en perspective une révision du nombre de jours de congés, afin de faire descendre le nombre de contrats courts.

Faire évoluer les compétences en interne

Contradictoirement à France Télévisions, qui a renouvelé une partie des équipes en faisant entrer de nouveaux talents, Sibyle Veil préfère faire transformer les compétences en interne. L’accent va donc être mis sur les formations, qui vont tripler en trois ans.

En plus des économies salariales, Radio France désire faire entrer 20 millions d’euros supplémentaires dans ses caisses, dont 8 millions grâce à la publicité et 6 millions issus du mécénat. Le groupe veut également mettre à la disposition de tiers son savoir-faire et ses infrastructures de production. « Cette activité de studio va se faire au détriment de la création maison. C’est un piège extraordinaire », se révolte Jean-Paul Quennesson, aussi corniste au sein de l’orchestre national de France, une formation de Radio France.

En interne, on comprend mal pourquoi le gouvernement désire encore voir la radio économiser alors que les audiences sont admissibles – France Inter a même dépassé RTL au premier trimestre – et que, grâce aux efforts déjà engagés, Radio France devrait être à l’équilibre cette année. En prévoyant, Sibyle Veil veut aller vite, et envisage un accord de méthode, qui doit particulièrement fixer un calendrier clair, pour le mois de juin, et une contestation sur le chantier social entre septembre et décembre. Les employés lui en donneront-ils les moyens ? En 2015, une grève de vingt-huit jours – la plus longue de l’histoire de la radio – avait freiné les ardeurs de son prédécesseur Mathieu Gallet.

L’Hexagone résiste mieux que ses voisins européens

Emmanuel Macron lors de « Choose Grand Est », sommet national sur l’attractivité, à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), le 5 novembre 2018.
Emmanuel Macron lors de « Choose Grand Est », sommet national sur l’attractivité, à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), le 5 novembre 2018. LUDOVIC MARIN / AFP

Suivant le cabinet EY, la France a captivé, l’année dernière, 1 027 projets d’investissements directs étrangers et fait ainsi mieux que l’Allemagne. Du jamais-vu depuis 2009.

L’ « effet Macron » perdure encore un peu auprès des investisseurs internationaux. Après son élection à la présidence de la République, en 2017, les projets d’investissements directs étrangers avaient brusquement forcé. L’année suivante, la dynamique est restée toujours positive, mais à un rythme plus lent, selon le baromètre annuel du cabinet EY, publié mardi 4 juin. Au niveau européen, au contraire, EY note un recul historique de 4 % des investissements étrangers dans l’ensemble des 48 pays pris en compte dans l’étude.

En 2018, la France a charmé 1 027 projets d’investissements internationaux créateurs d’emplois. C’est huit de plus qu’en 2017. Surtout, la France fait bien mieux que ses grands voisins, en plein diminution. Le Royaume-Uni, qui reste le premier de ce rangement européen avec 1 054 projets, a connu une diminution de 13 % du nombre de ceux-ci par rapport à 2017. Quant à l’Allemagne, elle laisse sa deuxième place à l’organisation à la France, une première depuis 2009. Elle n’a marqué, l’an dernier, que 973 projets d’investissements, contre 1 124 en 2017. EY n’en définit pas le montant moyen.

Une parenthèse euphorique

Pour Marc Lhermitte, associé d’EY et l’un des associés du baromètre annuel, une chose est sûre : « La France résiste aux chocs ! » Qu’ils soient externes ou internes, le pays présente vivre une parenthèse euphorique. Ni le Brexit, ni le retard mondial, ni la réforme fiscale américaine, ni les guerres commerciales menées par Donald Trump contre la Chine ou l’Union européenne, ni enfin les « gilets jaunes » n’ont, pour l’instant, rejeté les investisseurs internationaux.

Cela corrobore l’étude du cabinet A. T. Kearney, annoncé mi-mai, qui a installé pour la première fois la France dans le top 5 des pays les plus attractifs pour les investisseurs internationaux. Selon ce classification, « la confiance des investisseurs est en augmentation constante depuis l’entrée en fonction d’Emmanuel Macron. »

General Electric est dans l’obligation de « revoir sa copie »

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lors d’une réunion avec des représentants du personnel de General Electric à Belfort, le 3 juin.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lors d’une réunion avec des représentants du personnel de General Electric à Belfort, le 3 juin. PATRICK HERTZOG / AFP
Le ministre de l’économie Bruno le Maire s’est allé lundi à Belfort sur le site de GE. Le groupe américain a déclaré la semaine dernière vouloir retirer 1 000 postes en France.

« Le plan social doit être amélioré. » Le ministre de l’économie s’est allé à Belfort lundi 3 juin pour rappeler l’avenir industriel du site de General Electric, concerné par un vaste plan social annoncé la semaine dernière par le groupe américain. Il y a rencontré des représentants de salariés ainsi que des élus locaux.

« Pour chaque euro d’argent privé qui sera mis dans l’activité aéronautique, je suis prêt à mettre un euro d’argent public pour ouvrir de vraies perspectives de transformation industrielle sur les activités qui paraissent porteuses, a annoncé le ministre peu après son arrivée. J’ai eu l’occasion de dire au président de GE, [Henry Lawrence] “Larry” Culp, que son plan social doit être amélioré (…). Il est important que General Electric revoie sa copie. »

Il avait plus tôt été reçu dans la ville sous les huées et les sifflets de plusieurs de personnes, dont certains « gilets jaunes », qui s’étaient d’abord assemblées pour une assemblée générale convoquée par les syndicats du site. « Pour défendre les salariés, pour défendre les retraités, pour défendre les “gilets jaunes”, on est là, même si Macron ne le veut pas », ont accordé les manifestants, au nombre de 700 à 900 selon la police.

« Le gouvernement est le seul à pouvoir nous aider »

Mardi 28 mai, GE – qui emploie quelque 4 300 salariés à Belfort, dont 1 900 dans son entité gaz – avait avisé sa volonté de supprimer plus de 1 000 postes en France. Ce plan social concernerait 792 postes dans l’entité qui produit des turbines à gaz et 252 dans d’autres entités consacrées aux « fonctions support ».

« Aujourd’hui, nous sommes là pour une chose : stopper ce plan massif de délocalisations hors de Belfort », avait lancé auparavant, à la tribune de l’AG des syndicats, Philippe Petitcolin (CFE-CGC). « C’est ce que nous allons demander au gouvernement, le gouvernement qui se dit vigilant, le gouvernement qui ne connaît pas le dossier, qui ne connaît pas le marché », avait-il ajouté.

« Aujourd’hui, le gouvernement est le seul à pouvoir nous aider, le seul à pouvoir négocier avec les patrons de General Electric », avait déclaré le syndicaliste, pour qui « supprimer 800 emplois, c’est supprimer le business gaz » de GE.

la création d’un nouvel équilibre social, économique et démocratique 

« L’entreprise a été un élément-clé de la réalisation des utopies, par l’exploration, par l’innovation et par la réalisation de ce qui nous semblait impossible. » (Familistère Godin, à Guise, dans l’Aisne.)
« L’entreprise a été un élément-clé de la réalisation des utopies, par l’exploration, par l’innovation et par la réalisation de ce qui nous semblait impossible. » (Familistère Godin, à Guise, dans l’Aisne.) Gérard Labriet / Photononstop

Les entreprises et leurs responsables ont dorénavant l’obligation de s’emparer de la dimension politique de leur fonction dans la société, déclare Xavier Alberti, directeur d’une société d’hôtellerie.

Bien que nos modèles politiques et sociaux, acquis de l’après-guerre, n’ont pratiquement pas évolué depuis plus de cinquante ans, il y a un acteur de notre société qui, sur la même période, a dominé des crises primordiales, a connu des révolutions, a accepté les contraintes qu’on lui imposait, un acteur qui continue inlassablement de réfléchir, de proposer, d’expérimenter et qui pourrait constituer une clé politique dans la constitution du nouveau modèle de société qu’il nous faut inventer. Cet acteur, c’est l’entreprise.

Nous l’avons peut-être négligé, mais le rôle de l’entreprise a d’ores et déjà été majeur dans l’arrivée de nos sociétés contemporaines, démocratiques et pacifiées par le passage de l’économie du butin à celle du commerce libre et réglementé. L’entreprise a même été un élément-clé de la création des utopies, par l’exploration, par l’innovation et par la création de ce qui nous semblait impossible.

Mais voilà, l’économie moderne, et surtout sa financiarisation, ont reconstitué les conditions d’un marché prédateur, où il semble bien que la surexploitation des forces productrices, qu’elles soient humaines ou naturelles, aient produit un mécanisme autodestructeur. Pourtant, il y a derrière cette réalité une autre économie et une autre conception de l’entreprise qui travaillent, au contraire, à l’émergence d’un nouvel équilibre économique, social, et démocratique.

L’armée de l’ombre des patrons familiaux

En effet, derrière les portraits intrus des très grandes entreprises qui ont embrassé une vision exclusivement financière de leur progression, derrière l’image souvent sensationnelle de leurs patrons à jets, qui retiennent à grands coups de rendements boursiers, derrière les mastodontes internationaux, les fonds de pension géants et les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) magiciens de l’amélioration fiscale, se cache l’armée de l’ombre des entrepreneurs, des patrons familiaux de petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ont compris que quelque chose avait changé au cœur même du fonctionnement de leur entreprise.

Tous savent que nous sommes au terme de cette évolution où le but unique de l’entreprise était de tendre vers son plus haut niveau de rentabilité. Le changement est d’ores et déjà attirée, et le développement de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises en est une première manifestation, qui en appelle une plus globale : la responsabilité politique.

Prix alimentaires en augmentation, rétribution des engraisseurs en baisse

Jambon, viande bovine, produits laitiers, fruits et légumes, l’augmentation tarifaire a affecté tout cet assemblage en 2018. Selon le rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des conséquences alimentaires, relevé au Parlement lundi 3 juin, les tarifs des produits alimentaires ont progressé de plus de 2 % dans les rayons des magasins. Soit une nouvelle hausse, plus prononcée qu’en 2017. Qui a profité de cette valorisation ? La question est au cœur de l’exercice accompli pour la huitième fois par cet observatoire.

Comme l’accentue son président, Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine, dans son avant-propos, ce rapport a pour la différence d’être publié juste après la mise en musique de la loi Egalim. Un texte législatif qui fait suite aux débats des Etats généraux de l’alimentation dont l’un des objectifs était de installer fin à la guerre des prix sans merci entre les enseignes de grande attribution, destructrice de valeur pour tous et source de prix non profitables pour les agriculteurs. Mais M. Chalmin définit qu’il est trop tôt pour « évaluer concrètement l’impact de la nouvelle loi sur les “négos” 2019 ».

L’Observatoire enregistre que, en 2018, les prix payés aux agriculteurs ont augmenté de 2,2 %, après une augmentation de 3 % en 2017. Une amélioration qui concerne d’abord les fruits (+ 12,3 %), les légumes (+ 8,2 %), le blé tendre (+ 11,9 %) et très peu le lait (+ 1 %). A l’inverse, le porc est en grande baisse. Une évolution, a priori, positive pour les productions agricoles. Sauf que, sur cette période, les coûts de production ont parfois augmenté plus vite. D’où une rétribution des agriculteurs souvent en repli sur l’année écoulée, surtout pour les éleveurs.

Un an de décalage

C’est le fait des éleveurs laitiers, dont la rétribution pour 1 000 litres passe de 116 euros à 109 euros, des éleveurs bovins, dont la rétribution est estimée entre 0,7 et 1,3 smic. Même ordre de grandeur pour les éleveurs ovins. La situation est plus favorable dans les exploitations céréalières, où la marge nette est redevenue positive en 2018, en comptant une rémunération de 1,1 smic, après une année 2016 déficitaire et un retour à l’équilibre en 2017.

Comme chaque année, l’observatoire, au-delà des grandes données de cadrage, passe à la moulinette la distribution de la marge brute sur quelques produits alimentaires-clés. Pour le jambon, dont le prix renvoyé par le client est passé de 11,55 à 11,82 le kilo, l’éleveur a vu sa marge fondre de 34 % à 26 %. Au profit de l’abattage-découpe (de 9,7 % à 13 %), de l’industrie charcutière (de 17,5 % à 19,3 %) et de la grande distribution (de 38,7 % à 41,3 %). Dans le cas du yaourt nature, la grande distribution conforte aussi d’un iota sa marge brute (de 30,2 % à 31,4 %), face à l’industriel (de 56,2 % à 55,7 %) et à l’éleveur (de 13,6 % à 13 %). Le consommateur a, pour sa part, vu le prix passer de 1,65 euro à 1,73 euro le kilo. L’évolution est quasi similaire pour la cuisse de poulet, dont la marge brute se distribue à 43,9 % pour la répartition, à 25,2 % pour l’industriel et à 30,9 % pour l’éleveur.

Il est vrai que les rayons charcuterie et volaille sont les plus fructueuses de la grande distribution. Signe de la pénurie de l’exercice de cet Observatoire qui travaille main dans la main avec l’institut public FranceAgriMer, les marges nettes des grandes enseignes sont livrées avec un an d’espacement. Il en ressort que la marge nette de la distribution sur les rayons alimentaires frais a baissé en 2017, passant de 1,7 % à 1,2 % avant impôt. La marge brute étant aussi en repli, passant de 29,7 % à 29,4 %. Sur le podium, la charcuterie, avec une marge brute de 33,3 %, après vient des fruits et légumes (30,1 %) et de la volaille (28,7 %). M. Chalmin déclare un autre écueil : « un des objectifs évoqués en 2018 n’a pu être réalisé entièrement : il s’agit du travail sur les comptes de l’industrie laitière » et ajoute de ne pouvoir que « regretter les difficultés pour progresser en termes de transparence sur ce secteur ».