La MAIF veut être le premier grand groupe à modifier de statut depuis l’adoption de la loi Pacte

« La nouvelle société à mission vise donc à développer la « singularité » de la MAIF, pour faire « rempart à la concurrence » mais aussi pour convaincre du bien-fondé de la responsabilité politique de l’entreprise »
« La nouvelle société à mission vise donc à développer la « singularité » de la MAIF, pour faire « rempart à la concurrence » mais aussi pour convaincre du bien-fondé de la responsabilité politique de l’entreprise » Nathan Alliard / Photononstop

Le concessionnaire mutualiste a exposé, samedi 1er juin, lors de son assemblée générale annuelle, sa volonté de devenir « société à mission », en rempart contre les GAFA.

Pot de terre contre pot de fer ? La MAIF mise sur le gain général pour faire bouclier aux GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon). Retirant les ordres du rapport de Nicole Notat et de Jean-Dominique Senard « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », remis au gouvernement en mars 2018, la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), annoncé le 23 mai au Journal officiel, a créé la « société à mission », qui admet d’inscrire dans les statuts de l’entreprise des missions d’intérêt général (social et environnemental).

La MAIF a résolu, dès cette année, d’opter le statut de société à mission, qui concernera l’ensemble du groupe en 2020. Elle en a exposé le projet à ses sociétaires lors de son assemblée générale du 1er juin à Nantes, avec son nouveau logo ainsi que sa nouvelle « raison d’être ».

Pour s’emporter du titre de « société à mission », la loi Pacte exige en effet des entreprises de préciser leur « raison d’être ». C’est l’occasion pour toute entreprise de systématiser son identité en une formule qui tient du credo ou du slogan, pour cadrer à la fois la stratégie de long terme et les missions du quotidien. « En un an, la “raison d’être” est devenue le truc à la mode, mentionne Bertrand Valiorgue, cofondateur de la chaire altergouvernance de l’université Clermont-Auvergne. C’est en 2020, après l’étape d’expérimentation de 2019, qu’on verra quelles entreprises l’auront réellement inscrite dans leurs statuts. »

La « raison d’être » de la MAIF s’énonce en ces termes : « Convaincus que seule une attention sincère soutenue à l’autre et au monde admet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au cœur de chacun de nos promesses et de chacune de nos actions. C’est notre raison d’être. » Le directeur général, Pascal Demurger, à la tête du groupe depuis dix ans, développe plus parfaitement pourquoi et comment il veut faire de l’« intérêt général » un atout compétitif face aux géants de la rupture numérique.

Se démarquer de la concurrence

« La rupture digitale n’a pas encore eu lieu dans le secteur de l’assurance. Mais elle est devant nous. L’arrivée d’un Amazon, d’un Alibaba ou d’un Google comme assureur de plein exercice est très probable. Par leur capacité inégalée de collecte et de traitement de données de santé et de mode de vie, ils ont une puissance commerciale gigantesque et une puissance financière qui leur permet de faire du dumping tarifaire suffisamment longtemps pour s’imposer, et rapidement, explique-t-il. La MAIF, malgré ses 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, n’est que le cinquième assureur français », déclare-t-il, pour amasser la place du groupe dans la rivalité mondiale.

Problèmes des laborieux « ubérisés » en débat à l’Assemblée

Lors du débat du projet de loi mobilités, les députés vont approcher la question de l’encadrement des travailleurs des plates-formes digitales.

Initiés, depuis lundi 3 juin, dans l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), les parlementaires sont sur le point d’avancer un des points les plus sensibles du texte : les règles adéquates aux travailleurs des plates-formes numériques. Cette nouvelle catégorie d’actifs est au cœur des débats car elle questionne les fondements de notre modèle social, adossé – en très grande partie – au salariat.

Il y a plus d’un an, le gouvernement, avec l’aide de sa majorité parlementaire, avait intié la réflexion sur le sujet en ayant deux inquiétudes en tête : renforcer la protection des personnes exerçant une telle activité et sécuriser juridiquement les entreprises qui font appel à cette « main-d’œuvre 2.0 ». Des résultats parviennent d’être trouvés mais une partie des députés macronistes, à l’aile gauche du groupe La République en marche (LRM) à l’Assemblée, aimerait aller plus loin.

Développement scruté avec inquiétude

Le débat qui va s’ouvrir en séance au Palais-Bourbon porte sur une frange d’actifs établis dans une sorte de zone grise, du point de vue du droit. Qu’ils soient chauffeurs ou livreurs à vélo, beaucoup d’entre eux soignent du régime du microentrepreneur, pour lequel il existe une « présomption de non-salariat » : ils sont donc, de prime abord, digérés à des indépendants et non éligibles à la couverture sociale offerte à un salarié lambda. De son côté, la plate-forme, qui appointe « son » travailleur en contrepartie du service fourni à un client, est assujettie à des prélèvements moins lourds qu’une société dont le personnel est salarié.

Figuré par le succès d’Uber – à tel point que l’on parle aussitôt de « travailleurs ubérisés » –, le développement de cet écosystème est scruté avec inquiétude. Les syndicats y voient le début de la décomposition du salariat et des garanties qui y sont associées (Sécurité sociale, assurance-chômage…). Et une partie du patronat peste aussi, pour d’autres motifs : en l’occurrence, la concurrence, jugée déloyale, que ces plates-formes formeraient au préjudice des acteurs de la « vieille économie ».

Dans certains cas, des litigieux ont éclaté, à l’initiative d’ubérisés qui ont demandé à la justice de requalifier en contrat de travail leur relation avec les plates-formes. Quelques-uns ont réussi gain de cause, grâce à deux décisions récentes, de la Cour de cassation et de la cour d’appel de Paris. Du coup, les grandes enseignes – telles qu’Uber, Deliveroo, etc. – cueillent que leur modèle économique soit jeté à terre par la jurisprudence.

La CGT se prenne de l’initiative de groupe pour combattre contre les ségrégations envers les femmes

La Caisse d’épargne Ile-de-France est la première entreprise ciblée par cette action en matière d’égalité entre homme et femme.

Après la dénonciation, l’action. Mardi 4 juin, un huissier a placé au siège de la Caisse d’épargne Ile-de-France (CEIDF) une mise en demeure de la Confédération générale du travail (CGT) commandant à la direction de cesser la ségrégation des salaires envers les femmes de cette entreprise de 4 570 travailleurs, dont 2 700 femmes.

C’est la première fois qu’est initiée dans le secteur privé une action de groupe de ce type en France. Pour la CGT, se forgeant sur les données du bilan social 2018, l’écart de rétribution entre les deux sexes est, en moyenne, de 18 % dans cette société. Cela représente « 700 euros de différence par mois en moyenne », estime le syndicat. Celui-ci souligne aussi que les hommes captent 56 % des promotions avec changement de catégorie professionnelle, alors qu’ils ne représentent que 38 % des effectifs.

Ces discriminations sont dénoncées depuis plusieurs années, précise la Confédération générale du travail, qui souligne aussi qu’il n’y a qu’une femme parmi les détenteurs des 10 plus hautes rémunérations. Pourtant, l’index d’égalité des rétributions mis en place par la loi de novembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir, dont la création est très critiquée par la CGT, est de 94 sur 100 pour la CEIDF.

Initiation des négociations

Si le mécanisme d’action de groupe, inspiré des class actions américaines, existe depuis 2014 en France en matière d’achèvement, il ne s’est ouvert à d’autres domaines, dont les discriminations au travail, qu’avec la loi « justice du XXIe siècle » du 18 novembre 2016, conduite par la ministre de la justice de l’époque, Christiane Taubira. « Je me réjouis que cette loi soit enfin actionnée », réagit Mme Taubira, qui précise qu’elle avait dû « batailler trois ans » pour la faire passer, les employeurs, surtout, étant vent debout.

« L’avantage de l’action de groupe, c’est qu’il s’agit d’une démarche collective, portée par un syndicat »

C’est Catherine Vinet-Larie, choisie prud’homale CGT et retraitée de la CEIDF, qui a offert cette démarche à la section CGT de cette banque. « Les salariées discriminées ne vont pas aux prud’hommes, déclare Bernard Dantec, délégué syndical central CGT à la CEIDF. A 60 %, c’est par résignation, et pour les autres, c’est par peur des représailles. L’avantage de l’action de groupe, c’est qu’il s’agit d’une démarche collective, portée par un syndicat », ou par une association dans certaines situations, même s’il faut que des travailleurs se promettent dans le groupe. Pour le moment, elles sont huit pionnières à la CEIDF dans cette action.

Problème d’Ascoval persiste malgré les promesses de Macron

Les anciens syndicalistes Edouard Martin et Joël Decaillon révoque, la manque de stratégie industrielle durable pour le site d’Ascoval, et demandent à Bruno Le Maire d’instaurer une vraie concertation.

« Emmanuel Macron a fait la promesse en juin 2015 de sauver l’aciérie toute neuve de Saint-Saulve (Nord) cédée par Vallourec à Ascométal et rebaptisée Ascoval » (Emmanuel Macron, le 29 juin 2015, à l’époque ministre de l’économie, à Saint-Saulve).
« Emmanuel Macron a fait la promesse en juin 2015 de sauver l’aciérie toute neuve de Saint-Saulve (Nord) cédée par Vallourec à Ascométal et rebaptisée Ascoval » (Emmanuel Macron, le 29 juin 2015, à l’époque ministre de l’économie, à Saint-Saulve). FRANCOIS LO PRESTI / AFP

 Ascoval et ses 270 poste d’emploi directs est en passe de devenir le « sparadrap » du président de la République, comme Gandrange avait été celui de Sarkozy et Florange celui de Hollande. Rappelons-nous de Nicolas Sarkozy, casque sur la tête, qui avait promis aux travailleurs de Gandrange que, « lui président », l’aciérie ne clôturerait pas : l’usine a fermé fin 2008. Puis cela a été au tour de François Hollande de faire la promesse du sauvetage de Florange et qui a laissé fermer les hauts-fourneaux de manière « temporaire » en refusant leur nationalisation… temporaire.

 Macron a fait la promesse en juin 2015 de sauver l’aciérie de Saint-Saulve (Nord) cédée par Vallourec à Ascométal et renommé Ascoval. Ascométal en faillite, pour cause de fonds d’investissement impécunieux en novembre 2017, sera reprise par le groupe sidérurgique suisse Schmolz & Bickenbach specialiste dans les aciers spéciaux début 2018… mais sans Ascoval ! Décidément les relations des présidents de la République avec la sidérurgie sont une suite de rendez-vous manqués qui ont déçu et meurtri les populations sur place. Jalonnées de ruines, elles illustrent les problèmes industrielles et humaines vécues par les travailleurs et les régions industrielles depuis plus de dix ans.

Une « politique de Gribouille »

Mais, les années se suivent et les épisodes de la série sont tout le temps plus mauvais. A l’automne 2018, le fonds d’investissement franco-belge Altifort est choisi par le tribunal de Strasbourg pour sauver l’usine et ses emplois. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire y croit. Mais, ce petit groupe, vorace en achats d’entreprises en difficultés, est complètement novice en sidérurgie.

Or la sidérurgie nécessite d’avoir les reins financiers solides : après le refus des banques, exit Altifort et son « projet industriel », au demeurant baroque. Arrive ensuite British Steel, détenue depuis 2016 par le fonds d’investissement Greybull, lequel emprunte pour payer chaque opération et met en ruine les entreprises qu’il contrôle dès que l’activité décline (la chaîne de magasins Comet, la compagnie d’aviation Monarch, et maintenant British Steel).

Cette fois, avec British Steel, les salariés d’Ascoval avaient un spécialiste de l’acier, mais ils n’ont pas eu d’argent : une baisse des prix de vente conjuguée à une augmentation du prix des matières premières (effet Brexit et crise des barrages au Brésil) a fait que British Steel a cédé après avoir vendu tout ce qu’elle pouvait, y compris les quotas de CO2 fournis gratuitement. Au point qu’une fois l’échéance venue, British Steel a obtenu du gouvernement britannique 80 millions de livres sterling pour les payer trois fois plus chers !

Comment faire face à la perte de capacités des salariés

Le nouveau rendez-vous management s’est déroulé le 28 mai sur la santé au travail. Les prochaines rencontres porteront sur les contrats courts.

« la plupart des salariés en perte de capacité ne veulent pas en informer l’entreprise par peur du stigmate. Ils développent un ensemble de stratégies pour pallier l’involution de leurs capacités » affirme Anne-Maire Waser
« la plupart des salariés en perte de capacité ne veulent pas en informer l’entreprise par peur du stigmate. Ils développent un ensemble de stratégies pour pallier l’involution de leurs capacités » affirme Anne-Maire Waser Rainer Berg/Westend61 / Photononstop

Les Rencontres RH, nouveau rendez-vous mensuel sur l’actualité du management, se sont déroulés le mardi 28 mai à la Maison de l’Amérique latine, à Paris, sur la santé au travail. Stress, vieillissement, maladies chroniques: comment s’occuper de la santé au travail et faire face à la perte de capacités des salariés ?

Avant, la maladie n’a pas sa place au travail. La responsabilité de l’entreprise consistait à faire la sortie du salarié de l’entreprise vers un arrêt de travail, un congé maladie, un mode de prise en charge à l’écart – le placard – de l’organisation. « La question est préoccupante avec l’allongement de la vie au travail et la reconnaissance des maladies chroniques, car l’inactivité aggrave les problèmes de santé, déclare la sociologue Anne-Marie Waser, coauteure de Que font les 10 millions de malades ? Vivre et travailler avec une maladie chronique (Erès, 2016). L’activité est nécessaire pour mettre la maladie à distance et pour maintenir le lien social. On ne dit jamais assez que l’homme est un animal social. »

Nombreux DRH de secteurs aussi différents que la chimie,le tourisme,ou la bancassurance réunis pour en débattre, ont mis au jour des approches pour concilier santé et productivité. La remontée d’informations et l’autonomie des manageurs sont apparues comme les deux éléments-clés pour être efficaces.

Plus de burn-out que d’accidents

Le burn-out en offre une bonne illustration. « Lorsque à partir de 2015 on a commencé à recenser les accidents psychiques, on s’est d’abord heurté à la difficulté de définir le burn-out, puis on s’est aperçu qu’on avait plus de burn-out que d’accidents physiques. En entreprise, ce qu’on ne compte pas ne compte pas », déclare Jean-Christophe Sciberras, DRH du groupe Solvay.

La question de la signification du burn-out se pose d’abord pour évacuer « la suspicion qui pèse sur le salarié malade d’être “un tire-au-flanc” », note Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP. Puis « pour expliquer aux entreprises, aux manageurs et aux salariés ce qu’est cette maladie. Et c’est au médecin de le faire », ajoute Hervé Wattecamps, DHR du groupe ADP (ex-Aéroports de Paris). La décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, le 25 mai, a inscrit le burn-out dans la classification internationale des maladies est « intéressante, en ce sens qu’elle nous donne un cadre », mentionne M. Sciberras. Le lien avec le management est établi.

« Savoir apercevoir le moment idéal pour faire valoir ses arguments dans une contestation est une qualité majeure »

« Au tennis, comme dans de très nombreux sports, la question du timing est cruciale. »
« Au tennis, comme dans de très nombreux sports, la question du timing est cruciale. » Serge Kozak/Flirt / Photononstop

Le timing est un outil de pouvoir. Certains responsables en usent et en entortillent parfois.

Au tennis, comme dans de très nombreux sports, la question du timing est décisive. Les champions que l’on peut contempler sur les terrains de Roland-Garros jusqu’au 9 juin ont assimilé cette notion depuis bien longtemps. L’instant où ils doivent faire la balle pour arriver l’effet désiré est rarement précise. Le coup doit partir ni trop tôt ni trop tard. Juste à temps.

Il en est de même dans le monde du travail et des affaires. Et pas uniquement dans l’industrie, où le « juste à temps » rythme la production pour apaiser les stocks. Savoir trouver l’instant optimal pour faire valoir ses références dans une négociation est une qualité majeure dans n’importe quel secteur d’activité. Qu’il s’agisse de mener à bien un accord stratégique, de réussir l’aval de son supérieur pour un projet qui vous tient à cœur ou au contraire celui d’un assistant pour mener une tâche raffinée et chronophage.

Daniel Pink, examiné comme un auteur des plus influents aux Etats-Unis, est un spécialiste de « la science du parfait timing » (Le Bon Moment. La science du parfait timing, Flammarion, 320 p., 20,90 euros). Si les ouvrages pour savoir comment faire – pour transmettre, développer ses réseaux – abondent, très peu s’ensorcellent au choix du meilleur moment pour agir. Daniel Pink a donc dénudé plusieurs centaines de travaux scientifiques en sociologie, chronobiologie, entre autres, pour réaffirmer ce que certains ont certainement plus ou moins déjà ressenti. A savoir que les performances d’un individu varient au cours d’une journée. Optimale en fin de matinée, la vigilance décroît en début d’après-midi, pour repartir à l’augmentation ensuite. Certes, les uns diront qu’ils sont « plutôt du soir », d’autres « plutôt du matin ».

Un mécanisme de pouvoir

Mais, d’une façon générale, mieux vaut avoir assimilé sa zone de confort pour commercer un important contrat. Les dirigeants internationaux, qui s’aperçoivent parfois infliger des réunions décisives alors qu’ils sont en plein distance horaire, connaissent depuis longtemps l’importance de cette arme. Son usage interne à l’entreprise n’est pas insignifiant non plus.

Le timing est un outil de pouvoir. Certains responsable en usent et en abusent parfois. D’aucuns formulent leurs souhaits, voire leurs exigences, longtemps à l’avance, pour pointer leur territoire. Il faut alors savoir les prendre de vitesse, prévoir leurs désirs et organiser la riposte.

« Les réformes de la retraite et du chômage déchaînent des conséquences vicieux »

La plus grande fabrique de Nutella du monde est bloquée

A Villers-Ecalles, village normand proche de Rouen (Seine-Maritime), l’usine Ferrero, premier site mondial de fabrication de Nutella, est bloquée depuis le mardi 28 mai.
A Villers-Ecalles, village normand proche de Rouen (Seine-Maritime), l’usine Ferrero, premier site mondial de fabrication de Nutella, est bloquée depuis le mardi 28 mai. 

Des banderoles « Ferrero = radin », des palettes, des toiles de tente, un barbecue et même une table de ping-pong. A Villers-Ecalles, village près de Rouen (Seine-Maritime), l’usine Ferrero, premier site mondial de fabrication de Nutella, est bloquée, depuis le mardi 28 mai, par des travailleurs grévistes prétendant des hausses de salaires. Aucun camion n’entre ni ne sort de l’usine depuis sept jours.

« On ne lâche rien. C’est la direction qui va lâcher », tonne au micro, ce mardi midi, Fabien Lacabanne, envoyé syndical central Force ouvrière (FO) du site. Selon lui, plus d’un tiers du personnel est en grève. « Cent cinquante salariés sur les quatre cents qu’emploie l’usine, essentiellement des ouvriers, employés et agents de maîtrise, ont cessé le travail », comptabilise-t-il.

De source syndicale, la carence de matières premières a imposé le groupe familial italien à diminuer de façon draconienne la production. « La fabrication de Kinder Bueno est arrêtée, assure le syndicaliste, et une seule des quatre lignes de production apprêtées au Nutella tourne encore à 20 % de sa capacité. »

« La seule méthode pour se faire entendre »

« Toucher au porte-monnaie est la seule méthode pour se faire entendre », évaluent en chœur les salariés qui tiennent jour et nuit le piquet de grève. Dans le cadre de l’action des négociations annuelles obligatoires, ils sollicitent une hausse des salaires de « 3,5 % », une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat de « 900 euros », ainsi que la modernisation de leur outil de production, jugé « obsolète ».

« Après avoir évoqué 0,4 % d’augmentation, la direction parle de 1,8 %, à peine le niveau de l’inflation. Ce n’est pas suffisant, surtout pour une entreprise qui réalise plus de 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France », déclare le syndicaliste Fabien Lacabanne, qui peste encore « contre le refus de la direction d’accorder la prime dite Macron à la fin de l’année dernière ».

Assise sous une tente, Véronique, « vingt-six ans de boîte et 1 400 euros mensuels », retrace « des conditions de travail difficiles à cause des vieilles machines qui s’arrêtent tout le temps ». A ses côtés, Sandra, 30 ans, déclare « avoir du mal à joindre les deux bouts avec 1 300 euros et trois enfants à charge ». Jérôme, pour sa part, rit jaune face « aux miettes auxquelles on a droit alors que le groupe vient de bâtir un nouvel entrepôt pour 38 millions d’euros ». Au-delà, tous formulent « un ras-le-bol général » et une certaine amertume en comparant leurs conditions de travail à celles des « salariés du siège social, juste à côté de Rouen, qui sont bien mieux lotis ».

« Pénalités d’astreinte »

Après six jours de polémiques infructueuses, Ferrero a élevé le ton par le biais d’une action en justice. « La direction de l’usine a été contrainte de notifier aux grévistes bloquant illégalement l’accès au site la mise en place, sur décision de justice, de pénalités d’astreinte tant que l’accès à l’usine restera bloqué. Ces pénalités sont entrées en vigueur ce matin [lundi] à 6 heures après notification aux grévistes qui n’ont néanmoins toujours pas libéré l’accès à l’usine », nous répond-elle par courriel.

Dans un autre courriel, il est écrit que le montant de l’astreinte est de « 1 000 euros par heure et par personne bloquant » l’accès au site. « C’est vraiment dégueulasse, lâche Daniel, un ouvrier. Une telle somme, ça impressionne, principalement des gens pas très riches. Certains ont peur. Une fille a même fait un malaise. » Après consultation de l’avocat de FO au plan national, le délégué syndical Fabien Lacabanne déclare que cette « ordonnance est contestable ». Et de poursuivre : « On ne peut être jugés sans avoir été convoqués et entendus par le tribunal de grande instance de Rouen. »

La direction de l’entreprise présente « regretter vivement cette situation et réaffirme rester ouverte au dialogue, dans le respect des valeurs du groupe Ferrero et dès lors que le libre accès au site sera rétabli ». Elle assure, par ailleurs, qu’il n’existe « pas de risque de problème d’approvisionnement et pas de risque de pénurie ».

L’usine de Villers-Ecalles produit six cent mille pots de Nutella par jour, soit un quart de la production mondiale de la célèbre et discutée pâte à tartiner. La barre chocolatée Kinder Bueno y est aussi fabriquée.

 

« Ils font tout pour nous dégouter et pour qu’on abandonne »

Manifestation des cheminots, le 4 juin, à Paris.
Manifestation des cheminots, le 4 juin, à Paris. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
« Un an après, on mesure le bilan. Partout, on supprime des postes. Des cheminots se suicident parce qu’ils n’ont pas de perspective d’avenir. Il est temps de relever la tête ! », déclare un délégué syndical sur la scène établie au début du cortège.

Des milliers de cheminots ont manifesté, mardi 4 juin, à Paris, contre la réforme ferroviaire et la dégradation du climat social dans l’entreprise. « Stop à la casse de la SNCF », « La SNCF n’est pas à vendre », annonçaient les banderoles dans la foule, hérissée de centaines de drapeaux syndicaux.

Cette expression nationale, organisée à l’appel des quatre syndicats représentatifs de la SNCF (CGT-Cheminots, UNSA-Ferroviaire, SUD-Rail et CFDT-Cheminots), est la première depuis le décret du « nouveau pacte ferroviaire », fin juin 2018. La loi planifie l’entrée à la concurrence du transport national ferroviaire de voyageurs et instaure l’arrêt des recrutes au statut de cheminot à partir du 1er janvier 2020, date à laquelle la SNCF sera réformée en plusieurs sociétés anonymes.

A la station de Lille-Flandres, « onze personnes sont actuellement en arrêt maladie, dont six en accident de travail, sur vingt-cinq salariés »

La vision effraye les manifestants, qui redoutent que leurs conditions de travail, déjà « à flux tendu », empirent davantage. La situation est essentiellement difficile aux guichets, constamment supprimés au profit de bornes automatiques. Les files d’attente s’allongent et le mécontentement des clients s’accroît.

A la gare de Lille-Flandres, « onze personnes sont actuellement en arrêt maladie, dont six en accident de travail, sur vingt-cinq salariés », continue Sandrine, 39 ans, devenue assistante responsable à la boutique SNCF de Lille-Europe après la cession de son poste dans une autre gare, en décembre 2018. L’an passé, face à l’affluence et au sentiment de ne pas être écoutée par ses supérieurs, elle a « pété un câble », mentionne-t-elle : « Je suis sortie et j’ai donné un coup de poing dans un poteau. C’était ça ou mon chef. »

« Je ne dors plus la nuit »

« Il n’y a pas un jour où on ne se fait pas engueuler, déclare sa collègue Sylvie. Les clients, qui attendent jusqu’à une heure et demie pour acheter un simple billet, nous disent qu’on est des “bons à rien”, qu’on est “dans une planque”, ou nous lancent “vivement la concurrence !” C’est pas possible de travailler comme ça. On a demandé du personnel en plus mais la direction nous dit qu’elle n’a pas les moyens. Elle répète qu’il faut qu’on soit meilleur et moins cher que la concurrence, qu’ils n’y peuvent rien, que c’est comme ça. »

Epuisée par la pression croissante, la trentenaire, en poste à la SNCF depuis 2005, est en arrêt de travail depuis une semaine et sous traitement anxiolytique. « Je ne dors plus, la nuit, j’ai des angoisses, confie-t-elle. Rien que l’idée de retourner au guichet me donne la boule au ventre. » Elle a averti ses chefs : « S’ils me proposent une bonne enveloppe, je pars. De toute façon, ils font tout pour nous dégoûter et pour qu’on s’en aille. »

« Même les médecins de la SNCF nous demandent de déposer des droits d’alerte

Le malaise est si difficile, selon les envoyés syndicaux, que « même les médecins de la SNCF nous sollicitent de déposer des droits d’alerte pour signaler un danger grave et imminent, affirme David Lasnier, secrétaire général CGT des cheminots de Vierzon (Cher). Les gens sont en pleurs, il y a un surplus de travail et une souffrance sociale ».Par exemple, à la faveur du Fret, « une vingtaine de droits d’alerte ont été déposés depuis janvier sur toute la France, contre environ trois par an habituellement », déclare-t-il.

Philippe Renaud, 52 ans, dont trente passés à la SNCF, fait le parallèle avec le film de Ken Loach, The Navigators, sur la dénationalisation du chemin de fer britannique : « C’est exactement ce qu’on vit : un service public livré en pâture au plus offrant, de la sous-traitance de sous-traitance, où tout est payé pour gagner un peu de fric. » Froissé, il regrette « la disparition de l’humain du service public » et redoute que, après la réforme, « les vieux soient mis au placard ou poussés vers la sortie ».

« Ils sont en train de faire un plan social gigantesque », se fâche son collègue Arnaud Jamis. Lui-même verra son poste effacé en 2020 avec la fermeture du guichet de la gare de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). « Actuellement, on est quatre pour faire le boulot de dix. Ça ne désemplit pas. Mais l’année prochaine je ne sais pas où je serai, ni ce que je ferai », déclare-t-il, désemparé.

« Restructuration permanente »

L’anxiété jointe à l’avenir de la SNCF pèse sur le moral des cheminots. Sandrine, contrôleuse TGV de 47 ans et travailleuse depuis vingt-huit ans dans l’entreprise, voit à contrecœur de se reconvertir. « J’adore mon travail, mais je veux me former, si jamais on me demande de partir à 50 ans… Je n’ai que le bac, donc je n’ai pas le choix. » Elle a déjà prévenu sa fille de 7 ans au cas où elle serait bientôt destituée : « Je lui ai dit : “Tout ce que tu as aujourd’hui, tu ne l’auras peut-être pas demain.” Je ne sais pas si c’est le mieux, mais je préfère la préparer. »

Amplement font part de leur trouble devant la « restructuration permanente ». « Des collègues en ont vécu trois, parfois plus. La digitalisation fait qu’il y a plein de nouveaux métiers, sur lesquels on doit basculer. Ça génère de la souffrance », déplore Anthony, travailleur depuis 1990 et employé au Fret.

« On a l’impression de vivre la même chose qu’à France Télécom »

A ses côtés, Denis, ancien contrôleur de 57 ans, s’agace : « La SNCF vise la rentabilité, mais où est le service public ? Et avec la réforme ce sera encore pire ! Comment ça va se passer quand une entreprise privée va reprendre tout ça ? Quel statut sera proposé aux cheminots ? Que deviendront ceux qui ont une maison, une famille, et qui seront poussés à la mobilité ? On a l’impression de vivre la même chose qu’à France Télécom [dont le plan de restructuration est soupçonné d’être à l’origine de suicides]. La direction passe en force au nom de l’ouverture à la concurrence. »

Rien qu’en mai, « trois cheminots se sont suicidés en France, ajoute-t-il, mais la SNCF ne les reconnaît évidemment pas comme tels ». Suivant SUD-Rail, beaucoup de suicides ont eu lieu depuis le début de l’année, en lien avec le rééchelonnement. De leur côté, les ressources humaines de la SNCF se bornent à indiquer que huit suicides depuis 2013 ont été classés par la Commission spéciale des accidents du travail et des maladies professionnelles (CSAT) comme liés au travail, avec un dominant de deux par an et aucun en 2018.

« Le modèle de formation des chercheurs d’emploi touche ses bornes  »

« On pourrait donner aux conseillers la possibilité de proposer des parcours modulaires adaptés aux besoins de chacun pour devenir de véritables architectes de la formation des demandeurs d’emploi » (Photo : Agence Pôle emploi, à Paris).
« On pourrait donner aux conseillers la possibilité de proposer des parcours modulaires adaptés aux besoins de chacun pour devenir de véritables architectes de la formation des demandeurs d’emploi » (Photo : Agence Pôle emploi, à Paris). Philippe Lissac/Godong / Photononstop
Alors que le gouvernement veut changer l’assurance-chômage, Natanael Wright, conduisant d’un organisme de formation, révoque la raideur du cadre offert aux chômeurs pour procurer ou renforcer leurs capacités.

Au cours des vingt prochaines années, plus de la moitié de fonctions actuelles vont expirer sous l’effet de la quatrième transformation industrielle. Et pour cause, celle-ci porte en germe un changement des compétences qu’il convient de conduire grâce à un effort de formation sans précédent.

Le plan d’investissement dans les compétences (PIC) déclenché par Emmanuel Macron contribue à cette ambition. Il attache aussi une importance toute remarquable aux personnes perdues de l’emploi qui restent les plus vulnérables face à l’évolution du marché de travail et l’émergence de nouveaux métiers. A cet égard, le chantier de la formation est sans aucun doute l’un des principaux défis qui est devant nous, tout essentiellement pour ceux qui en ont le plus besoin : les demandeurs d’emploi.

Or le chantier est infini. En effet, près de six Français sur dix considèrent être mal instruits au sujet de la formation professionnelle et des éventualités qui s’offrent à eux, si l’on en croit une étude Elabe [pour l’Institut Montaigne et L’Express] accomplie en janvier 2018 (« Les Français et la formation professionnelle », 17 janvier 2018, voir lien PDF). Un manque d’information dont pâtissent au premier chef les solliciteurs d’emploi qui voient leur accès au marché du travail entravé.

Aucun critère d’efficacité

Surtout, le modèle de formation des solliciteurs d’emploi semble avoir abouti ses marques. Basées sur un rythme de vingt à trente heures par semaine, les formations présentées par Pôle emploi ne concordent à aucun critère de productivité. Un tel rythme peut se confirmer contre-productif et conduit bien souvent au désengagement et à un gaspillage des fonds publics. Par ailleurs, les formations à temps plein sont ipso facto escarpés à d’autres publics que des chômeurs en dépit du fait que la mixité des groupes a annoncé ses vertus pour protéger un retour à l’emploi.

Il est temps de faire plus de confiance aux acteurs de terrain, au premier grade desquels les conseillers Pôle emploi qui éprouvent mieux que quiconque les désirs de l’individu

Il apparaît donc urgent d’éveiller une amélioration de paradigme s’agissant de la formation des solliciteurs d’emploi. Après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux sur l’assurance-chômage, l’occasion est toute pénétrée pour le gouvernement. En effet, d’ici à l’été, il lui appartient de prendre la problématique de la formation des chômeurs à bras-le-corps, et d’impulser les évolutions fondamentales pour protéger leur montée en compétences.