Archive dans décembre 2024

« Les opposants à la directive CSRD oublient que les entreprises européennes ont beaucoup à perdre à ne pas anticiper les effets du changement climatique »

Plusieurs membres des patronats européens tirent à boulets rouges sur la directive CSRD, relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, en anglais), comme s’il fallait rendre responsable des déboires de l’économie européenne cette directive à peine entrée en vigueur.

Est-ce pour faire oublier les vrais responsables de la sinistrose : l’instabilité politique, les prix de l’énergie, l’atonie du marché commun, le décrochage numérique européen, la faiblesse de l’investissement, l’absence de politique industrielle coordonnée… ?

Cette réglementation paneuropéenne, qui doit s’appliquer à près de 50 000 entreprises, d’ici à 2027, est accusée de multiplier les contraintes administratives, de pénaliser les petites ou moyennes entreprises (PME) et de nuire à leur compétitivité. On oublie bien entendu sa finalité ambitieuse, en se cachant derrière le faux nez de l’horreur du reporting : préparer une économie durable et compétitive.

La directive intègre le principe de proportionnalité

En France, Michel Barnier avait lui-même évoqué en octobre la possibilité d’un moratoire. Feignait-il d’ignorer que changer une directive européenne est un exercice à contretemps ? Cela prend de deux à trois ans de consultations et de négociations, sans garantie d’un résultat adapté aux besoins actuels. Pendant ce temps, les entreprises resteraient dans l’incertitude, un handicap bien plus grave qu’un cadre clair. Faut-il rappeler que le calendrier de la CSRD est progressif et réaliste ?

Les grandes entreprises sont déjà soumises à la NFRD − la Non Financial Reporting Directive est entrée en vigueur en 2018 sur la publication d’informations non financières − environnemental, social et de gouvernance, ESG. Elles publieront leurs premiers rapports CSRD en 2025, les autres grandes structures suivront en 2026, et les PME cotées en 2027 avec des exigences simplifiées jusqu’en 2028. L’Europe laisse à chacun le temps de s’adapter. Les critiques soulignent encore que la CSRD imposerait des charges disproportionnées, notamment aux PME.

Pourtant, la directive intègre le principe de proportionnalité. Ceux qui ont réellement fait l’effort de lire les recommandations de l’Efrag [Groupe consultatif européen sur l’information financière], l’organisme chargé de détailler les modalités de l’application de la directive, savent à quel point ces règles sont souples ; les entreprises déterminent elles-mêmes la « matérialité » des sujets ESG à reporter, c’est-à-dire leur pertinence pour leur activité.

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L’emploi, trait d’union entre l’industrie et la transition écologique

Comment combiner réindustrialisation et transition écologique ? Construire l’écologie, un collectif de chercheurs, d’ingénieurs et d’intellectuels français spécialistes des enjeux environnementaux, s’attaque à cette question difficile. Dans un document que Le Monde a pu consulter, ce groupe de réflexion présente, jeudi 5 décembre, les résultats de travaux menés entre des industriels, des responsables syndicaux, des agents publics et des experts, sur les conditions de la réussite de la transformation écologique de l’économie. Avec une grille de lecture : la question de l’emploi, jugée centrale. « La société entre dans le dur de la transition écologique, avec ses conséquences de plus en plus concrètes au quotidien. Celle-ci ne sera réalisée que si elle est acceptée socialement, et donc si elle génère des emplois », explique Léa Falco, cofondatrice de Construire l’écologie.

Le collectif a pris pour objet d’étude trois filières industrielles de la transition − les batteries électriques, les pompes à chaleur et l’éolien en mer. Essentiels à la décarbonation de l’économie, ces secteurs connaissent des difficultés en France et en Europe : faillite du pionnier suédois des batteries Northvolt, plan social sur le site nantais de production des pompes à chaleur du groupe Saunier Duval, fermeture en France d’usines d’éoliennes en mer de l’américain General Electric… Les mauvaises nouvelles s’accumulent. « Il existe pourtant dans ces trois secteurs des alliances objectives entre les industriels, les élus locaux et les syndicats pour les développer et créer de nombreux emplois », estime Mme Falco.

Mais à condition que les pouvoirs publics définissent des objectifs clairs de production, avec un soutien financier maintenu sur la durée. Or, « la transition est encore à la recherche de son modèle réglementaire, technologique et économique », écrit le collectif, qui regrette que « l’instabilité réglementaire des dernières années, encore aggravée par les économies budgétaires actuelles », freine la confiance des investisseurs et des industriels.

« Trop dans l’incitatif, pas assez dans le passage à l’acte »

La planification dessinée par l’exécutif depuis 2022 ne remplit pas encore suffisamment son rôle, selon ces chercheurs, qui considèrent que « les pouvoirs publics continuent à être trop dans l’incitatif et pas suffisamment dans le passage à l’acte ». L’enjeu social est pourtant crucial : « En l’absence de modèle clair, toute tentative de réglementation des émissions de gaz à effet de serre est susceptible soit de soulever la colère sociale, comme lors du mouvement des “gilets jaunes”, soit de provoquer des sacrifices économiques et du chômage, soit de laisser se répandre l’idée que la transition ne pourra pas avoir lieu. »

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Elena Mascova et Arnaud Mias, sociologues : « Dans l’entreprise, les intérimaires n’ont pas leur mot à dire sur leur travail »

Coauteurs de l’ouvrage collectif La Condition intérimaire (aux éditions La Dispute), les sociologues Elena Mascova, du cabinet IRTEM, et Arnaud Mias, de l’université Paris Dauphine-PSL, développent dans une interview au Monde ce que recouvre l’expérience totale de l’intérim : la rudesse des conditions de travail et l’exclusion du collectif de travail, notamment.

Vous vous intéressez dans votre ouvrage aux conditions de travail des intérimaires plus qu’aux enjeux d’emploi auxquels ils sont confrontés. Pourquoi avoir privilégié cette approche ?

Arnaud Mias. Les premiers travaux sur l’intérim, menés voici plus de vingt ans, ont eu tendance à mettre en lumière l’hétérogénéité des expériences de l’intérim : certains travailleurs ne font que quelques heures, d’autres sont à temps plein, d’autres encore s’en saisissent comme une voie d’entrée dans le monde du travail… En insistant sur cette diversité des parcours, on prend le risque de minimiser la question des conditions d’exercice. Nous avons donc souhaité nous pencher prioritairement, non sur le rapport à l’emploi, mais sur les conditions de travail, en identifiant des traits communs aux parcours intérimaires. C’est d’ailleurs pour cela que l’usage du singulier a été retenu pour le titre de l’ouvrage, La Condition intérimaire – en écho au travail de Simone Weil (1909-1943) et à son ouvrage La Condition ouvrière.

Cette « condition intérimaire » apparaît d’abord comme l’expérience d’une « fragilité », qui peut toucher les travailleurs sur le plan tant physique que psychique…

Arnaud Mias. Nous avons souhaité rendre compte de l’expérience de l’intérim dans sa globalité. On parle souvent, à juste titre, d’une fréquence des accidents du travail alarmante chez les intérimaires. Mais, au-delà, il nous a semblé important d’interroger l’expérience totale de l’intérim, en évoquant les relations de travail, y compris le mépris qui peut parfois être ressenti, le manque de reconnaissance, l’impossibilité de se voir reconnaître une qualification…

Elena Mascova. Au cours des entretiens que nous avons menés, les intérimaires ont aussi insisté sur le fait que leur statut leur impose de toujours faire leurs preuves. La question du surinvestissement qui leur est demandé et de ses conséquences se pose donc également. Dans les collectifs de travail, la répartition de la pénibilité est d’ailleurs un enjeu de rapports sociaux très important.

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Le CCF prévoit de supprimer plus de 1 400 emplois

En reprenant officiellement le 1er janvier 2024 la filiale française du groupe HSBC, qui avait déboursé 1,6 milliard d’euros pour se désengager de France, My Money Group (MMG), contrôlée par le fonds d’investissement américain Cerberus, s’était engagé à ne supprimer aucun emploi pendant un an dans la banque, renommée CCF, une marque disparue en 2000. Mais dès le début du mois d’octobre, la direction avait laissé entendre devant les représentants du personnel que l’heure de la réorganisation était arrivée.

Mercredi 4 décembre, le directeur général de MMG, Niccolo Ubertalli, a exposé aux représentants du personnel puis à l’ensemble des salariés un projet de « transformation profonde » qui prévoit de ramener les effectifs du groupe (le réseau CCF, les activités de financements spécialisés et les fonctions support) de 3 912 à 2 484 personnes, soit 1 428 personnes ou 36 % des effectifs. Le nombre d’agences CCF sera ramené de 235 à 151.

La direction entend privilégier les départs volontaires, mais n’exclut pas des départs contraints à l’issue du processus de discussions, qui s’étalera sur plusieurs mois.

Haut de la fourchette

« On s’attendait à une réorganisation importante, ça n’est donc pas une surprise, même si, en proportion des effectifs, on bat sans doute un record par rapport aux plans annoncés récemment dans d’autres entreprises », dit Philippe Usciati, représentant CFDT, qui s’attend à ce que les départs à venir s’échelonnent entre le troisième trimestre 2025 et la fin 2026.

Seule maigre consolation à ses yeux dans les annonces du jour : les 151 agences appelées à perdurer correspondent au haut de la fourchette évoquée initialement par la direction, qui allait de 120 à 150. « Par contre, au niveau des postes, ils sont dans la version haute, déplore-t-il. On savait que le plan tournerait a minima autour de 1 000 ou un peu plus, mais on est bien au-delà. »

La direction ne chiffre pas à ce stade le coût des réductions d’effectifs mais précise que, quel qu’il soit, la réorganisation s’accompagnera de 100 millions d’euros d’investissements dans la technologie, la formation et la mise en place d’un nouveau mode de rémunération, notamment pour les commerciaux.

La liste des agences appelées à fermer n’est pas encore dressée, mais elle le sera selon trois critères principaux, le maillage territorial, la rentabilité et le potentiel de développement commercial. Avec déjà des conséquences prévisibles : à elles seules, Paris et les autres grandes villes françaises devraient représenter 60 % de l’effort, certaines agences étant éloignées de quelques centaines de mètres seulement les unes des autres.

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Dans les crèches du Puy-en-Velay, la bataille pour réduire les décibels

Dans la crèche Rêves et ritournelles à Polignac (Haute-Loire), un sonomètre en forme de feu tricolore a été installé pour prévenir les agents et les enfants lorsque le volume sonore devient trop élevé.

La matinée touche à sa fin dans la salle de vie de la crèche Rêves et ritournelles, à Polignac (Haute-Loire). Dans un recoin de la pièce, une auxiliaire de puériculture lit une histoire aux petits. Les grands, eux, profitent des derniers instants de jeu avant le déjeuner. Lila, 2 ans et demi, s’amuse, elle aussi, mais décide brusquement d’arrêter ses activités. « Chuuuut ! », souffle-t-elle, en pointant du doigt un feu tricolore dont la lumière rouge, assortie d’un smiley triste, vient de s’allumer.

Elle connaît sa signification : le volume sonore a dépassé les 80 décibels. Lila rappelle donc à l’ordre les fautifs, deux adultes pris dans une discussion sonore. La scène n’a pas échappé à la directrice de l’établissement, Paula Couriol, qui se réjouit : « C’est précisément ce que l’on souhaite : que chacun, professionnel comme enfant, joue un rôle actif pour limiter les décibels. »

L’installation d’un sonomètre en forme de feu tricolore fait partie d’une multitude d’initiatives prises au sein de la crèche pour limiter le bruit. Une politique impulsée depuis deux ans par la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay dans les onze établissements qu’elle a en gestion directe et qui doit permettre de réduire les risques auxquels peuvent être exposés enfants comme agents.

Lire aussi l’enquête (2023) : Article réservé à nos abonnés Comment l’exposition au bruit affecte notre santé

La nocivité du bruit dans les espaces professionnels est identifiée depuis plusieurs décennies – il a été reconnu comme cause de maladies professionnelles en 1963. De nombreux secteurs d’activité sont particulièrement exposés, en particulier dans l’industrie et le BTP. Les salariés travaillant en open space sont également concernés. Au total, 62 % des actifs se déclarent gênés par le bruit ou les nuisances sonores sur leur lieu de travail, selon une enquête IFOP réalisée en septembre 2024 pour l’Association nationale de l’audition.

Une problématique qui touche également le secteur de la petite enfance. « Le bruit est le premier facteur de risque santé au travail pour ses personnels », indique Justine Monnereau, chargée de mission au Centre d’information sur le bruit (CIDB). Les cris ou les pleurs des enfants, les jeux bruyants, les voix des adultes qui s’élèvent pour se faire entendre… Autant de facteurs qui contribuent à dépasser fréquemment « les 90, voire les 100 décibels », note Mme Couriol.

Des impacts « extra-auditifs »

Même si cette exposition est, dans une crèche, essentiellement discontinue, par pics, « elle peut avoir des effets délétères, confirme Isabelle Delabre, formatrice prévention des risques professionnels au service petite enfance de la communauté d’agglomération. Un niveau sonore trop élevé peut briser plusieurs de nos 15 000 cellules ciliées, essentielles pour notre audition. Des cellules qui n’ont pas la capacité de repousser ». Le bruit a également des impacts « extra-auditifs », comme le note Mme Monnereau : « Il peut être un facteur de stress, de risques psychosociaux, voire de dépression. »

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Les visages de ceux qui subissent les plans sociaux : « Les gens comme nous comptent pour rien »

Deux mille trois cent quatre-vingt-neuf postes supprimés chez Auchan, 1 250 chez Michelin, 868 chez Valeo, 135 chez Arcelor… Depuis plusieurs semaines, les plans sociaux se multiplient en raison de la conjoncture médiocre et de la crise industrielle majeure que traverse l’Europe – avec en première ligne le secteur automobile, en pleine mutation vers l’électrique, dont le modèle économique est profondément ébranlé par la concurrence chinoise. Mais ces annonces ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Car, au-delà des grands groupes, les licenciements augmentent à bas bruit dans les petites et moyennes entreprises sur tout le territoire : le nombre de procédures collectives est au plus haut depuis quinze ans (65 000 attendues fin 2024) et celui des faillites a bondi de 20 % en un an (52 214) depuis janvier. Parmi ces dernières, aucun secteur n’est épargné : entreprises de la construction, du commerce, du secteur de l’hébergement et de la restauration…

Plus de 160 000 emplois sont aujourd’hui menacés, estime le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. En incluant les emplois directs, indirects et induits, ce chiffre pourrait dépasser les 200 000, selon les calculs de la CGT. Soit autant d’hommes, de femmes, de familles qui doivent encaisser le choc de l’annonce, confrontés à la question vertigineuse de l’après. Et avant cela, à celle, pressante, des factures à acquitter et du frigo à remplir. « J’ai failli péter les plombs en apprenant la nouvelle » ; « j’ai l’impression qu’on m’arrache une partie de moi-même », racontent ces salariés sur le carreau. Certains confient aussi éprouver de la colère, « et même de la haine », contre leur ex-employeur. Leurs témoignages racontent mieux que les chiffres la crise économique dans laquelle s’enfonce la France.

Morgane Royer, à l’atelier Z chez Michelin, à Cholet (Maine-et-Loire), le 23 novembre 2024.

« Ce qui me fait peur, c’est l’après, le silence »

Morgane Royer, 31 ans, travaille à l’atelier Z chez Michelin, à Cholet (Maine-et-Loire). Le géant français du pneu a annoncé, le 5 novembre, la fermeture, au plus tard début 2026, de ses sites de Cholet (955 salariés) et de Vannes dans le Morbihan (299 salariés).

« On nous appelle “les mineurs” », s’amuse Morgane Royer en sortant son téléphone portable de sa poche. Apprêtée pour le rendez-vous, elle montre une photo d’elle tout sourire, mais le visage recouvert de noir de carbone, un ingrédient essentiel pour l’élaboration de la gomme des pneumatiques. Les particules fines s’infiltrent partout, tatouant la peau de ceux qui le manipulent. Et les voies respiratoires ne sont pas épargnées. L’atelier Z, où elle travaille, c’est la zone la plus sale de l’usine, un milieu d’hommes où elle a débarqué à tout juste 20 ans « avec les cheveux jusqu’aux fesses et du vernis sur les ongles ».

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Le télétravail, reflet de la stratification de nos fractures géographiques et sociales

Le télétravail est devenu un fait de société. Les résistances fondées sur le besoin supposé de travailler toujours dans les mêmes espaces pour assurer la cohésion des équipes se sont affaiblies, tandis que les excès prônant, à l’opposé, l’éradication de tous les lieux de travail communs ont été oubliés. Une norme semble s’imposer autour de deux jours par semaine ouverts au télétravail. La coordination nécessaire a la vertu d’obliger à améliorer l’efficacité des activités réalisées en commun.

Devenu le symbole par excellence d’une transformation de notre rapport au travail, le télétravail ne concerne pourtant que 25 % de la population active. Inégalement réparti selon les métiers et les fonctions, il traduit aussi la fracture sociale dont le géographe Christophe Guilluy s’est fait le théoricien (Fractures françaises, 2010 ; No Society, 2018).

En observant les stratifications géographiques de la population, M. Guilluy distingue une large zone périphérique composée des villes petites et moyennes et des zones rurales ; 60 % des Français y travaillent essentiellement dans un tissu d’administrations locales, de PME et de petites ETI.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le télétravail limite-t-il la créativité collective ?

En regard, se dessine une France des métropoles (Paris et les capitales régionales), qui concentre les sièges sociaux des grandes entreprises internationalisées et les administrations centrales. Elle est constituée d’une part d’une élite d’acteurs économiques, politiques et culturels impliqués dans la mondialisation des échanges et de la culture. Elle est dans les quartiers gentrifiés des centres-villes ou dans les banlieues aisées, protégée par des coûts immobiliers élevés.

Un gain nouveau de qualité de vie

Cette France des métropoles comprend aussi les catégories sociales défavorisées habitant les banlieues pauvres et qui forment le bataillon des emplois peu qualifiés assurant la logistique de la vie métropolitaine (restauration, entretien, transports, sécurité, etc.). Entre les zones périphérique et métropolitaine, les classes moyennes en déclin travaillent dans les métropoles, mais habitent de plus en plus loin d’elles pour conserver leur pouvoir d’achat en bénéficiant d’un coût immobilier abordable, quitte à accepter de longs trajets quotidiens.

Le télétravail est exclu quand la production nécessite la présence physique du travailleur (personnel d’entretien, de santé, de nettoyage, etc.). Il est donc largement inenvisageable pour 75 % de la population active qui vit essentiellement dans les zones périphériques et les banlieues. En revanche, il est commode pour les élites urbaines dont le travail créatif individualisé est fortement valorisé, ainsi qu’aux cadres et employés dont une partie de l’activité consiste à traiter de l’information.

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« C’est un métier ! » : les spécialistes du BIM n’ont pas encore envahi le monde de la construction

« A la base, je voulais être architecte, mais le métier n’a pas répondu à mes attentes, ce n’était pas aussi artistique que je le pensais. Je me suis tourné vers le numérique, car ça m’attirait », confie Ruben Johan. Cet étudiant en mastère management de projets de construction au Centre des études supérieures industrielles (CESI), apprenti dans un bureau d’études, est devenu en septembre champion du monde de « construction digitale », lors de l’olympiade des métiers WorldSkills.

Durant trois jours et demi, il a modélisé seul un projet de construction sur un logiciel. Son métier a un nom : BIM manageur. « Le BIM manageur donne vie au projet, il modélise en 3D, et est en contact avec tous les corps de métiers du début à la fin », explique-t-il. Le BIM, ou building information modeling (« modélisation des informations de construction »), désigne un processus de conception et de construction d’un bâtiment fondé sur l’utilisation d’une maquette numérique.

Dans un logiciel, le projet immobilier est rendu accessible à tous ses acteurs, de la maîtrise d’ouvrage aux différents corps de métiers, qui peuvent y trouver et y ajouter toutes les informations techniques. La numérisation des projets est censée améliorer la coordination entre acteurs, diminuer les coûts et faire gagner en précision sur les chantiers.

Incontournable sur les grands chantiers

Dix ans plus tard, il est difficile d’affirmer que le numérique a révolutionné le monde du bâtiment. Le BIM n’a pas été rendu obligatoire, même s’il est devenu incontournable sur les grands chantiers (Grand Paris, Jeux olympiques) et chez les bailleurs sociaux. Fin novembre, France Travail ne proposait que 361 offres d’emploi liées au mot-clé « BIM ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le boom du BIM chamboule le secteur de la construction

Selon un sondage de la Fédération française du bâtiment (FFB) mené en avril auprès de 201 décideurs du secteur, 26 % utilisent ou prévoient d’utiliser le BIM. « Le terme a un peu mauvaise presse, car on met tout et n’importe quoi dedans, estime Jonathan Pires, ingénieur BIM et transition numérique à la FFB. Lors du boom de 2014, on en parlait comme de la solution miracle. Ça n’a pas pris autant que ce qu’on pensait à ce moment-là. »

Sur les 24 000 ingénieurs que comptait le BTP en 2021, selon l’observatoire des métiers du secteur, impossible de déterminer quelle part est spécialisée dans le BIM. Chez les architectes, « 50 % des 64 000 personnes qui travaillent en agence sont capables de prendre part à un processus BIM », estime Olivier Celnik, architecte et directeur du mastère BIM de l’Ecole des Ponts et ESTP. Il ajoute néanmoins que « certains maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre régressent, et se rendent compte que ce n’est pas adapté à tous les cas de figure ».

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