Face au constat de décrochage de la recherche française, le biologiste Jean-Marc Egly propose dans une tribune au « Monde » une série de réformes, notamment du statut de l’université et des chercheurs.
Vingt-quatre heures après sa prise de fonctions, le nouveau ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, a engagé, mardi 24 mai, un cycle de rencontres bilatérales avec les partenaires sociaux. Premier invité : Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT a été reçu durant une heure avec la numéro deux de sa confédération, Marylise Léon, et deux secrétaires nationaux – Yvan Ricordeau et Frédéric Sève. Le fait que ces séries d’échanges commencent par la centrale cédétiste n’est sans doute pas anodin : Emmanuel Macron et le gouvernement d’Elisabeth Borne veulent essayer de détendre les relations avec le syndicat numéro un, résolument opposé – comme tous les autres – à la réforme des retraites.
Sur le report à 65 ans de l’âge d’ouverture des droits à une pension, « on a redit qu’on ne souhaitait pas du tout traiter le sujet (…) durant l’été », a déclaré M. Berger à l’issue de son tête-à-tête avec M. Dussopt. « Je crois que ce n’est pas d’actualité pour nous, il faut être sérieux », a-t-il ajouté. Un vœu qui sera peut-être exaucé car la première « préoccupation du ministre, c’est la question du pouvoir d’achat », selon le leader de la CFDT. M. Berger souhaite qu’« une conférence » soit « très très vite » organisée sur cette thématique, « avant la présentation de la loi » qui contiendra différentes mesures pour soutenir le niveau de vie des ménages, le but étant que « chacun puisse faire valoir ses propositions ».
Premier contact positif
Le responsable cédétiste a qualifié de « bonne nouvelle » la confirmation, mardi matin par M. Dussopt, de la revalorisation des pensions durant l’été. Il a par ailleurs réaffirmé sa demande d’une hausse des minima sociaux. Il a également indiqué que la discussion avec le ministre avait permis d’aborder les ordonnances de septembre 2017 relatives à la réécriture du Code du travail. Des textes que la CFDT critique car ils ont appauvri, selon elle, le dialogue social, en particulier dans les entreprises.
« Il faut revoir [ces ordonnances], a martelé M. Berger. LA CFDT ne parle pas de leur abrogation, mais de donner plus de moyens aux représentants du personnel, plus de moyens pour traiter les questions de sécurité et de santé au travail, plus de place pour les suppléants [dans les instances]. »
Le syndicaliste a jugé le premier contact positif. « C’est un bon signe que le ministre du travail veuille rencontrer les organisations syndicales et les organisations patronales assez vite après son arrivée [rue de Grenelle] », a résumé M. Berger. Celui-ci y a vu « une volonté de travailler avec une méthode qui soit celle de la concertation et du dialogue ». Mercredi, M. Dussopt doit rencontrer le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.
Le chiffre stupéfie. Chanel a dévoilé, mardi 24 mai, avoir atteint 15,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2021, soit 14,5 milliards d’euros. La maison de luxe a profité d’une envolée de 49,6 % de ses ventes pour effacer l’annus horribilis de 2020 au cours de laquelle son activité avait dévissé de 18 %, pour s’établir à 8,3 milliards d’euros. Le groupe détenu par les frères Alain et Gérard Wertheimer a surpassé de 27 % l’activité de l’exercice 2019, pré-pandémie. Grâce, notamment, à de très fortes hausses de prix, sa rentabilité excède de 170 % celle de 2020, à 5,46 milliards de dollars de résultat opérationnel. Son résultat net franchit la barre des 4 milliards de dollars, en hausse de 68 % sur le dernier exercice par rapport à 2019.
« Malgré le contexte difficile de 2021, nos résultats ont mis en évidence une forte demande de notre clientèle »,fait valoir Philippe Blondiaux, directeur financier de Chanel, par communiqué. En 2021, la maison fondée par Gabrielle Chanel avait, il est vrai, continué à investir pour soutenir la notoriété de la marque : l’enveloppe consacrée à sa promotion a alors atteint 1,8 milliard de dollars, soit 32 % de plus qu’en 2020.
Qu’en sera-t-il en 2022 ? Le directeur financier du groupe promet que l’année sera « une nouvelle année d’investissements importants ». Ils excéderont un milliard de dollars.Et plus de 3 500 personnes seront embauchées chez Chanel cette année. A Paris, la marque vient de rouvrir sa boutique de joaillerie de la place Vendôme, après un an de travaux. Et les défilés des collections dessinées par Virginie Viard bénéficient à nouveau d’une théâtralisation hors normes. Après Dubaï, les mannequins de la griffe se sont envolées pour Monaco, le 5 mai, pour présenter les 67 silhouettes de la collection croisière.
Portes closes
Toutefois, plusieurs marchés peuvent inquiéter la maison de luxe qui emploie 28 500 employés et exploite 523 boutiques dans le monde. La marque a coupé les ponts avec la Russie. Tout comme ses concurrents. Depuis le 4 mars, les magasins russes de Chanel sont portes closes. En Chine, la marque ne peut pas non plus exploiter l’ensemble de son réseau commercial compte tenu du confinement imposé par l’administration chinoise pour lutter contre la propagation du coronavirus. La marque précise au Monde que 35 de ses boutiques de parfums et de produits de beauté Chanel sont actuellement fermées. Tout comme cinq de ses seize magasins de mode et de joaillerie. En avril, la marque y a essuyé un recul d’activité « à deux chiffres ».
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La compagnie aérienne irlandaise Ryanair vient de subir un nouveau revers dans la bataille judiciaire qui l’oppose depuis une décennie à des organismes sociaux et à des syndicats français. La cour d’appel de Paris a confirmé la culpabilité du transporteur à bas coûts dans une affaire de travail dissimulé. Le délibéré avait été rendu le 13 mai, mais les protagonistes n’ont reçu une copie de l’arrêt qu’une semaine après. Les motivations de la décision sont sévères, les magistrats estimant que la société s’est « soustraite volontairement à la législation sociale » tricolore par le biais d’une « fraude » caractérisée.
La procédure à l’encontre de Ryanair a vu le jour à la fin de 2009, à la suite d’un signalement de l’Office central de lutte contre le travail illégal et de plaintes émanant de plusieurs organisations de salariés et de la Caisse de retraite du personnel navigant (CRPN). Les faits concernent la base de la compagnie à l’aéroport de Marseille-Marignane, qu’elle avait ouverte sans s’immatriculer au registre du commerce ni déclarer les quelque 130 alariés à l’Urssaf – ceux-ci relevant de la Sécurité sociale irlandaise. La direction s’était également abstenue de créer des instances de représentation de ses collaborateurs (comité d’entreprise, délégués du personnel, etc.).
Autant de pratiques que Ryanair a justifiées en arguant que ses équipes établies à Marignane exerçaient leur activité dans des avions enregistrés en Irlande et en faisant valoir que son siège social se trouvait dans ce même pays : dès lors, les salariés concernés pouvaient, d’après elle, se voir appliquer le droit irlandais.
A l’issue de l’enquête, la société a été renvoyée devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence et condamnée, en octobre 2013, à quelque 8,67 millions d’euros de dommages-intérêts. Un peu plus de 80 % de ce montant a été attribué à l’Urssaf et à la CRPN, afin de compenser le préjudice lié au fait que le transporteur avait payé ses cotisations non pas en France, mais en Irlande, où le niveau de prélèvements est moins élevé. Pour les magistrats, Ryanair « a organisé un véritable dumping social » et « créé une situation de concurrence déloyale vis-à-vis des autres compagnies aériennes respectant la législation nationale ».
En appel, la peine a été confirmée. Mais la Cour de cassation a partiellement invalidé, en 2018, la sanction infligée à Ryanair et a demandé que l’affaire soit rejugée en tenant compte de décisions rendues quelques mois auparavant par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). C’est ainsi que le dossier a atterri devant la cour d’appel de Paris.
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Nouveau revers pour les Américaines. Sans comparaison bien sûr avec la potentielle remise en question du droit à l’avortement dans la moitié du pays, mais tout de même. Dans le monde – certes privilégié – des cheffes d’entreprise, c’est un pas en arrière. Le 13 mai, une juge de Los Angeles a remis en question la loi qui avait placé la Californie à l’avant-garde pour l’accès des femmes aux instances dirigeantes des grandes entreprises, du moins parmi les Etats américains – la France, entre autres pays européens, a mis en place depuis plus de dix ans une législation qui impose une « représentation équilibrée des femmes et des hommes » au sein des conseils d’administration et de surveillance.
Le texte californien, adopté en 2018, imposait aux entreprises cotées et domiciliées dans l’Etat d’inclure au moins une femme avant fin 2019 dans leur conseil d’administration, deux femmes avant fin janvier 2022, trois femmes quand le conseil compte plus de six membres. La loi prévoyait des amendes de 100 000 à 300 000 dollars pour les contrevenants.
L’association conservatrice Judicial Watch a attaqué le texte devant le tribunal, estimant que l’imposition d’un quota contrevenait à l’article de la Constitution qui garantit une égale protection pour tous. Maureen Duffy-Lewis, juge de la cour supérieure du comté de Los Angeles, lui a donné raison. « Le but de la loi n’est pas de remédier à une discrimination, mais de trouver un équilibre sur la base du genre », a-t-elle critiqué. Une loi similaire, mais relative à la présence de minorités raciales ou sexuelles dans les conseils d’administration, avait été invalidée début avril par un autre juge de Los Angeles, pour la même raison. A l’opposé, les partisans de ces mesures réfutent le terme de « quotas ». Pour eux, il suffit aux entreprises d’augmenter la taille des conseils de gouvernance.
L’exemple français
En fait, la loi était quasiment condamnée d’avance. En la promulguant, le gouverneur Jerry Brown avait lui-même mis en doute sa constitutionnalité, tout en insistant sur la nécessité de faire avancer la cause des femmes – c’était l’époque #metoo. Ses services avaient aussi noté qu’il leur serait probablement impossible de faire payer les amendes. De fait, ils n’en ont imposé aucune.
A quoi bon adopter des lois qui n’ont aucune chance d’être mises en œuvre ? Il semble que cela soit devenu une spécialité californienne. En 2019, les élus avaient décidé d’en remontrer à Trump en imposant aux candidats à la Maison Blanche de publier leur déclaration d’impôts. La mesure avait été aussitôt invalidée, à l’unanimité de la Cour suprême de l’Etat. En 2021, ils ont interdit la vente d’armes semi-automatiques aux jeunes de moins de 21 ans : l’initiative a été annulée le 11 mai par une cour d’appel fédérale. Le même traitement est à attendre pour le projet permettant aux citoyens de poursuivre les fabricants d’armes, modelé sur la loi anti-avortement du Texas, qui autorise n’importe qui à porter plainte contre ceux qui « facilitent » les avortements.
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Les employés d’une équipe de l’éditeur américain de jeux vidéo Activision Blizzard, qui distribue les titres-phares Call of Duty et World of Warcraft, ont voté en majorité en faveur de la création d’un syndicat, une première au sein de l’entreprise. Sur 28 électeurs autorisés à voter, 19 se sont prononcés pour et 3 contre, a détaillé l’US National Labor Relation Board, l’agence chargée de l’organisation du scrutin, à la suite d’un décompte des votes par correspondance, lundi 23 mai.
Cette petite équipe spécialisée dans l’assurance qualité chez Raven Software, une filiale d’Activision, sera représentée par le syndicat des Travailleurs des communications d’Amérique (Communications Workers of America). Quelques employés ont commencé à se mobiliser à la fin de 2021, engageant une grève de cinq semaines après le licenciement de douze salariés.
Il s’agissait alors du troisième arrêt de travail décidé par les employés depuis l’apparition, en juillet 2021, d’une série d’accusations de discrimination et de harcèlement à l’encontre de la direction, rappelle le syndicat dans un communiqué. Les employés se sont officiellement regroupés en début d’année sous le nom de l’Alliance des travailleurs des jeux vidéo (Game Workers Alliance-CWA).
Un vote reconnu mais nuancé par Activision
« Notre plus grand espoir est que notre syndicat serve d’inspiration au mouvement croissant de travailleurs qui s’organisent dans les studios de jeu vidéo pour créer de meilleurs jeux et construire des lieux de travail qui reflètent nos valeurs et nous donnent plus de poids », a réagi l’organisation après sa victoire.
Dans le secteur des jeux vidéo, CWA a aussi aidé à la création de syndicats dans les studios Vodeo Games et Paizo. Activision, en passe d’être rachetée par Microsoft, a reconnu le résultat du vote, selon l’Agence France-Presse. Toutefois, ajoute l’entreprise, « nous pensons qu’une décision importante, qui affecte l’ensemble des 350 salariés du studio Raven Software, ne devrait pas être prise par 19 employés de Raven ».
Un message vocal vient d’arriver sur le téléphone d’Ilasio Renzoni. « C’est un client tchétchène, de Grozny, il n’arrive pas à effectuer un virement bancaire », raconte cet entrepreneur de Porto Sant’Elpidio. Comme tant d’autres dans cette petite ville posée au bord de l’Adriatique dans la région des Marches, berceau historique de la chaussure italienne, M. Renzoni possède une entreprise de confection de bottines et escarpins haut de gamme. Mais depuis l’entrée en vigueur des sanctions visant la Russie, son quotidien s’est passablement compliqué, car la région dépend notoirement du marché de l’Est. En 2021, l’Italie a vendu 4 millions de paires de chaussures en Russie et en Ukraine, pour un chiffre d’affaires de 385 millions d’euros. Les Marches fournissent à elles seules un tiers de cette production.
« Le Covid-19 nous avait contraints à nous adapter en développant les ventes en ligne, mais, avec cette guerre, on se retrouve avec la marchandise sur les bras, dans l’impossibilité de l’expédier », se désole Ilasio Renzoni. D’ordinaire vide en ce début du mois de mai, son hangar est désormais encombré de cartons empilés, où l’on peut lire des adresses en Russie et en Ukraine : « La collection automne-hiver de cette année. » Des bottes ou bottines en cuir, pour la plupart, fourrées pour les rudes hivers russes. Ses clients habituels achètent entre 5 000 et 10 000 euros de paires de chaussures. Les six entreprises qui travaillent pour la marque Ilasio Renzoni, toutes situées dans la zone industrielle de Porto Sant’Elpidio, sont actuellement à l’arrêt.
Le destin des Marches, héritière d’une longue tradition où les artisans locaux fournissaient en pantoufles de cuir les Etats pontificaux ou le royaume de Naples, est intrinsèquement lié à la chaussure d’excellence. Diego Della Valle, emblématique patron de Tod’s, le groupe de mode italien, y est né. Le savoir-faire des manufactures de chaussures haut de gamme y est reconnu dans le monde entier. La force de la région est la présence de toute la filière : de la formation au design, en passant par la teinture des cuirs ou la production des semelles et des talons. « Si vous me dessinez une nouvelle chaussure, elle est prête en deux jours », résume fièrement un entrepreneur de la région.
« Dommages économiques »
Fin avril, le salon de la chaussure de luxe s’est tenu à Moscou. Trente et une entreprises des Marches étaient présentes, sur une délégation italienne de quarante-huit exposants. La chambre de commerce régionale a payé les stands. Pour nombre d’entrepreneurs locaux, il était impensable de ne pas faire le voyage, dussent-ils passer par la Serbie ou la Turquie.
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Ce n’est qu’une petite négociation tarifaire, qui ne concerne que 80 000 salariés de la sidérurgie. Pas de quoi introduire des changements macroéconomiques d’ampleur. Pourtant, le signal est sans équivoque : le syndicat IG Metall demande pour les employés une augmentation de salaire de… 8,2 %. Sachant que l’inflation, outre-Rhin, a atteint, en avril, 7,4 %. IG Metall joue gros : un succès du syndicat aurait un effet psychologique majeur pour tous les salariés allemands.
Suivant un rituel bien établi, les négociations ont commencé fin avril par des discussions exploratoires, pendant lesquelles toute grève est en principe exclue. Si aucun accord n’est trouvé entre le patronat et le syndicat IG Metall d’ici au 1er juin, une phase plus musclée commencera, durant laquelle des arrêts de travail pourront être décidés. Très perturbants dans un secteur où les installations doivent fonctionner vingt-quatre heures survingt-quatre, à l’heure où l’industrie peine déjà à honorer ses commandes.
Ce scénario est une répétition générale de ce qui attend l’économie allemande à l’automne. C’est là que se tiendront de grandes négociations des branches-clés de l’industrie allemande, très organisées. D’abord dans l’électronique et la métallurgie, où IG Metall négociera les rémunérations de 3,9 millions de salariés. Puis dans la chimie (500 000 salariés) et certains services publics. Les syndicats n’ont, pour l’instant, pas formulé de revendication chiffrée pour ces négociations, mais tout porte à croire qu’ils devraient également réclamer une augmentation substantielle. Or, au même moment, la grande promesse du Parti social-démocrate, la hausse du salaire minimum à 12 euros de l’heure, va entrer en vigueur, améliorant d’un seul coup le sort de millions de travailleurs à bas revenu en Allemagne.
« Le danger d’une spirale prix-salaires est réel »
Les syndicats sont en position de force : malgré la croissance en berne liée aux difficultés d’approvisionnements, le chômage est revenu à son niveau d’avant-crise. Et surtout, beaucoup d’entreprises ont du mal à recruter du personnel, qualifié ou non. Certaines ont d’ailleurs déjà relevé leurs tarifs. Dans les magasins discount Lidl et Aldi, par exemple, le salaire le plus faible sera porté à 14 euros de l’heure, à partir du mois de juin, contre environ 12 euros jusqu’ici. Et ce, malgré les plans accordés par le gouvernement pour alléger la pression inflationniste sur les ménages.
Si personne, en Allemagne, ne conteste la légitimité des revalorisations, beaucoup d’économistes et de responsables politiques redoutent que ces hausses simultanées ne déclenchent une inflation incontrôlable. « Le danger d’une spirale prix-salaires est réel », a averti le ministre des finances allemand, Christian Lindner, très inquiet, début mai. « Le risque existe que les attentes accrues des entreprises et des syndicats en matière d’inflation soient prises en compte dans les négociations salariales, et que l’inflation actuellement élevée s’enracine à moyen terme. »
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Alexandra Roulet est parmi les trois économistes, hors le lauréat, qui ont été retenus par le jury associant les représentants du Cercle des économistes et du Monde, pour leurs travaux relevant de l’économie appliquée et permettant de promouvoir le débat public.
Spécialiste du marché du travail, vous avez mené des recherches sur l’origine des écarts salariaux entre les femmes et les hommes. En quoi vos travaux sont-ils novateurs ?
Au début des années 1990, en revenu annuel, les femmes gagnaient 40 % de moins que les hommes. Aujourd’hui, on est plutôt à 20 %. Et, en tenant compte des différences de temps de travail, en salaire horaire, l’écart est passé de 25 % à environ 15 %. Les inégalités salariales femmes-hommes se réduisent, ce qui est une bonne chose. Mais il reste un écart résiduel, dont j’ai cherché à comprendre les causes, en changeant d’angle.
Avec deux coauteurs, Thomas Le Barbanchon et Roland Rathelot, nous avons considéré qu’un emploi, ce n’est pas seulement un salaire. La rémunération n’est pas le seul critère pour choisir un emploi. Et il s’avère que les femmes accordent plus d’importance que les hommes aux aspects non salariaux. Par exemple, elles sont davantage réticentes à avoir de longs temps de trajets. Quand elles cherchent un emploi, le temps de transport qu’elles déclarent être prêtes à accepter est inférieur à celui des hommes. Et quand on regarde les emplois acceptés, leur temps de trajet est effectivement inférieur à celui des hommes. La contrepartie, c’est parfois un salaire moindre.
Toutes choses égales par ailleurs, cette différence de valorisation du temps de trajet expliquerait 10 % à 15 % de l’écart salarial résiduel entre les femmes et les hommes. Nos recherches ne permettent pas de dire si ces choix sont libres ou subis en fonction des normes sociales, des contraintes familiales, etc., mais ce n’est pas le résultat du comportement des employeurs.
Par ailleurs, il y a un autre aspect des inégalités sur lesquelles j’ai travaillé avec Marco Palladino et Mark Stabile, c’est le type d’entreprise où les hommes et les femmes travaillent. A mêmes compétences, mêmes métiers et à secteur donné, les femmes sont sous-représentées dans les entreprises qui paient très bien. Le phénomène s’accentue entre les âges de 30 et 40 ans, probablement en lien avec les contraintes familiales. Il est notable que les progrès en matière de réduction des inégalités n’ont pas touché cette dimension. Mon hypothèse est, à nouveau, que les femmes valorisent davantage que les hommes les aspects non salariaux dans leurs choix d’entreprise : flexibilité des horaires, culture et taille de l’entreprise, etc.
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Clément Malgouyres est parmi les trois économistes, hors le lauréat Eric Monnet, qui ont été retenus par le jury associant les représentants du Cercle des économistes et du Monde, pour leurs travaux relevant de l’économie appliquée et permettant de promouvoir le débat public.
Comment vous est venu le goût pour l’économie ?
D’abord parce qu’elle était très présente dans mon enfance, avec mes parents agriculteurs dans l’Aveyron. Ils avaient un pied dans une version assez pure de l’économie de marché avec les foires agricoles et un autre dans les politiques publiques, notamment du fait de la politique agricole commune.
Durant mes études, j’ai été séduit par l’idée de pouvoir examiner empiriquement les grands phénomènes dont on parlait en cours d’économie mais sans trop les confronter aux données. C’est comme cela que je me suis intéressé aux effets de la mondialisation sur le marché du travail des pays avancés, en examinant empiriquement les conséquences sur les bassins d’emploi français de l’irruption de la Chine dans le commerce mondial entre 1995 et 2007.
Et qu’avez-vous trouvé ?
L’effet global sur l’emploi est modéré, mais il est très concentré sur certains secteurs, comme les fabricants de jouets ou d’électroménager, et par conséquent sur certaines zones géographiques. Au niveau local, les effets se diffusent au-delà du secteur manufacturier : la destruction locale de dix emplois dans le secteur manufacturier aboutit à la disparition de six emplois environ dans le secteur des services.
Enfin, on constate que, en dépit de ces difficultés, la mobilité reste faible. Les chocs économiques font peu bouger les gens. De ce fait, le taux d’emploi chute fortement dans ces régions. Ce constat de marchés qui réagissent très localement, en fonction de leur spécialisation, avec des travailleurs peu mobiles, est utile pour penser aux conséquences d’autres chocs à venir, comme la taxe carbone, ou des chocs technologiques.
Quels types de chocs technologiques avez-vous étudiés ?
Je me suis penché sur l’effet de la connexion haut débit sur la performance des entreprises. Nous avons constaté qu’en France les entreprises qui s’équipent en Internet à haut débit deviennent beaucoup plus actives que les autres en matière d’échanges. Elles importent beaucoup plus de produits, provenant d’un ensemble de pays plus diversifié. Les importations augmentent même plus rapidement que le reste des consommations intermédiaires. Le progrès technologique accélère la croissance des flux commerciaux. Cela montre que les nouvelles technologies et la mondialisation se sont renforcées mutuellement.
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