Une présence de la Cour des comptes dans le débat sur l’assurance-chômage
Dans leur recherche, les magistrats de la rue Cambon se sont attardés sur deux points importants du régime d’indemnisation des chômeurs. Primo : le système dit de « l’activité réduite », qui admet à une personne d’être inscrite à Pôle emploi, tout en ayant un poste, et de entasser (sous certaines conditions) un salaire avec une allocation. L’autre dispositif passé au crible par la Cour s’appelle les « droits rechargeables » : il donne la possibilité, à un solliciteur d’emploi, de reconstituer son capital de droits à indemnisation, chaque fois qu’il retravaille. Le but de ces deux règles, comme le rappelle le référé, est de « sécuriser les parcours » de personnes en situation précaire et de faire en sorte que celles-ci aient continuellement intérêt « à reprendre un emploi ».
Des conséquences perverses
Exclusivement, déplore la Cour, de telles dispositions créent parfois des effets pervers. Exemple : le salarié, qui occupe plusieurs emplois simultanément et qui en perd au moins un, peut distinguer la totalité de l’allocation « correspondant à l’emploi perdu » avec la rémunération issue des activités qu’il a conservées. Ce cas de figure est susceptible « de donner lieu à des abus », notamment parce que le montant de l’indemnisation reste ferme même si les revenus tirés des activités exercées progressent de leur côté.
Pour autant, tonalité la haute juridiction, les chômeurs ont une « connaissance limitée » de tous ces mécanismes et ceux qui en tirent partie, par le biais « de stratégies d’optimisation », constituent « une minorité ».
Autre critique de la Cour des comptes : les méthodes de rémunération sont « complexes » et « trop favorables » aux individus signataires d’un contrat de moins d’un mois. Elles proposent la faculté d’entasser un salaire et une prestation de l’assurance-chômage « sans limite de durée » – ce qui tend, du même coup, à enfermer la personne dans la précarité. En outre, l’allocation est basée sur un paramètre – le salaire journalier de référence – qui peut s’avérer plus avantageux pour ceux travaillant de façon fragmentée par rapport à d’autres, employés d’une manière continue.
Pour autant, nuance la haute juridiction, les chômeurs ont une « connaissance limitée » de tous ces mécanismes et ceux qui en attirent partie, par le biais « de stratégies d’optimisation », constituent « une minorité ». Reste que le régime donne à des principes touffus, encore plus difficiles à décoder depuis l’introduction, en 2014, des droits rechargeables. Ils sont source d’« inefficience » et d’« incapacité pour les allocataires ». Dès lors, ils appellent d’« harmoniser » la réglementation adéquate aux chômeurs en activité réduite, ce qui est de nature à remettre en cause le niveau de la prestation octroyée à des salariés mal payés (les assistantes maternelles, en particulier).
Les magistrats de la rue Cambon adressent par ailleurs des remontrances à Pôle emploi, qui propose un accompagnement « distant », voire « inexistant », pour les personnes en activité réduite. Son « offre de services (…) demeure inadaptée », regrette la Cour. De telles lacunes devront être corrigées, dans la convention que l’opérateur public est en train de commercer avec l’État et les partenaires sociaux.
Enfin, il y a une masse de données sur les « trajectoires professionnelles » des chômeurs : fichiers de Pôle emploi, proclamation antérieur à l’embauche, proclamation sociale nominative… Mais toutes ces indications ne sont pas assez unies et croisées, ce « qui limite la capacité d’évaluation ». Ils appellent de les échanger de façon « plus large et plus systématique », afin d’étudier les transformations du marché du travail et l’impact des « politiques d’indemnisation ».
Autant de recommandations qui tombent à point dénommé pour l’exécutif : elles vont dans le sens des transmutations qu’il entend dicter à l’assurance-chômage, après l’échec des négociations entre le patronat et les syndicats, sur ce dossier, en février. Une concertation a été engagée, il y a deux semaines, avec de multiples acteurs (parlementaires, associations, clubs d’entrepreneurs, partenaires sociaux…). Elle ouvrira sur des mesures qui nécessiteraient être publiées durant le printemps pour une mise en œuvre d’ici à l’été prochain.