Un QR code sur une pierre tombale pour se reconvertir
Vous le verrez sans doute si vous allez au cimetière du Père-Lachaise à Paris mardi 1er novembre : un QR code apposé sur la stèle La Mémoire nécropolitaine. Grâce à votre smartphone, il vous guidera vers le monde d’André Chabot, l’ethnographe des cimetières.
Pour Delphine Letort, ces QR codes sont devenus un fonds de commerce, sous forme de médaillons gravés au laser pour héberger la mémoire des défunts, les souvenirs de leurs proches : leur biographie numérique.
« J’ai toujours été attirée par les métiers du funéraire », confie-t-elle aujourd’hui. Elle s’est lancée dans l’entrepreneuriat à 48 ans, après avoir passé une vingtaine d’années en tant que salariée de la fonction publique territoriale. « C’était une hyperzone de confort dans une très bonne ambiance, un travail que j’aimais, à la direction administrative des pompiers. Mais je changeais de poste tous les quatre ans, car j’ai besoin d’apprendre tout le temps. J’ai demandé une formation dans la perspective d’une mobilité externe. »
Certifiée en « accompagnement de deuil »
Elle aura mis près de dix ans à mûrir son projet de reconversion professionnelle. Pendant longtemps, la seule chose dont elle a été sûre résidait dans le fait qu’elle n’était « pas à [sa] place dans un bureau ». C’est de passage à Rennes (Ille-et-Vilaine) qu’elle découvre la biographie numérique : « Ça m’a touché, car je fréquentais les cimetières avec la sensation que ce sont des lieux de vie. »
Après un énième changement de poste et la reprise d’études en psychologie, sa décision est prise. Une fois certifiée en « accompagnement de deuil », elle lance son business : l’autoentreprise Histoires de vie est née en 2020, en plein Covid. Elle lui vaudra le Prix Audace de l’Union des autoentrepreneurs et des travailleurs indépendants, qui salue les projets les plus prometteurs de plus d’un an d’existence.
Ce n’est pas l’activité la plus porteuse de l’autoentreprise. L’Urssaf enregistre les plus gros chiffres d’affaires plutôt dans le juridique, le BTP et l’immobilier, avec des moyennes de chiffre d’affaires annuel de 17 000 à 20 000 euros. Mais l’initiative de Delphine Letort, qui s’inscrit dans le commerce de détail spécialisé, a été remarquée pour son originalité.
Elle n’est pas la première à avoir investi ce segment du marché funéraire pour prolonger la vie après la mort, afin que les petits enfants connaissent mieux leurs ancêtres ou dans un intérêt plus historique pour les grands de ce monde.
Un quasi-effet de mode
Dans les années 2010, les QR codes ont commencé à fleurir sur les tombes : 50 euros l’adhésif à coller sur la stèle, 95 euros le médaillon en céramique, voire 270 euros le médaillon gravé sur métal inoxydable. Les ambassadeurs d’Internet s’étaient multipliés pour proposer aux familles en deuil d’installer dans le « cloud » les photos, vidéos, sons et autres formes d’hommage à leurs chers disparus, avec des mises à jour illimitées de la biographie.
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