Un projet de d’union entre Fiat Chrysler offert à Renault

Un projet de d’union entre Fiat Chrysler offert à Renault

Jean-Dominique Senard, président de Renault, à Yokohama, au Japon, en mars.
Jean-Dominique Senard, président de Renault, à Yokohama, au Japon, en mars. Kim Kyung Hoon / REUTERS

Des Maserati et des Clio, des Jeep et des Lada, de gros pick-up Ram et des Renault Espace… le fabricant italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA), qui recherchait incurablement un fiancé pour poursuivre son aventure industrielle, semble enfin avoir aperçu son partenaire idéal : le groupe Renault.

Après certains jours de pourparlers, FCA a envoyé, dans la nuit de dimanche 26 à lundi 27 mai, une lettre d’intention non contraignante à Renault, offrant une fusion à 50-50 des deux entreprises. Le but est de fonder le 3e groupe automobile mondial, avec 8,7 millions de voiture vendus annuellement et un chiffre d’affaires de 170 milliards d’euros, « doté d’un portefeuille de marques large et complémentaire offrant une couverture complète du marché, du luxe au grand public », déclare FCA dans un communiqué.

Cet arrangement pourrait même, dans le cadre de l’alliance cultivée par Renault avec Nissan et Mitsubishi, contribuer à former une entité à 15 millions de véhicules, soit, de très loin, le numéro un mondial de l’automobile, devant les groupes Volkswagen et Toyota, qui ont vendu, chacun, un peu plus de 10 millions de voitures en 2018. Les synergies attendues sont de 5 milliards d’euros pour les seuls Renault et FCA. Elles sauraient accéder 10 milliards dans le cadre de l’alliance.

Le conseil d’administration de Renault, invité lundi au matin, devait arrêter de considérer ou non la proposition de FCA. Le choix d’admettre la fusion sera pris lors d’un prochain conseil de Renault convoqué dans une dizaine de jours. En parallèle, FCA a annoncé Nissan (qui n’avait, jusqu’ici, pas été mis dans la confidence) de son intention. Un conseil de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, prévu mercredi 29 mai au Japon, sera l’occasion de tester la réaction des Japonais sur le sujet, même s’il n’est pas, pour le moment, inscrit à l’ordre du jour.

« Potentiel de constituer le premier constructeur mondial  »

Le projet envisage qu’une holding de tête sera créée aux Pays-Bas, détenue à 50 % par chacune des deux entreprises, les sièges des deux fondateurs restant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) et Turin, en Italie. L’exploitation boursière de FCA étant supérieure à celle de Renault, un dividende exceptionnel sera éprouvé aux actionnaires du groupe italo-américain afin de compenser le déséquilibre. Il sera évalué sur la base des valorisations moyennes des six derniers mois des deux sociétés : 15 milliards d’euros pour Renault et 17,5 milliards pour FCA.

Les actionnaires majoritaires de Renault-Fiat-Chrysler seront le groupe Exor (la holding de la famille Agnelli), qui est de 29 % actuellement  pour passer à 14,5 %, l’Etat français, qui ne disposera plus que 7,5 % du capital, contre 15 % actuellement (et perdrait, au passage, ses droits de vote double), et Nissan, qui passe aussi de 15 % à 7,5 %. Dans cette disposition, le président du conseil d’administration de la holding devrait être John Elkann, président d’Exor en tant qu’héritier de la famille Agnelli. Jean-Dominique Senard serait directeur général de la holding.

Cet arrangement pourrait même, dans le cadre de l’alliance accomplie par Renault avec Nissan et Mitsubishi, collaborer à aménager une entité à 15 millions de véhicules, soit, de très loin, le numéro un mondial de l’automobile

Le gouvernement français a été prévenu, vendredi 24 mai, que « des discussions se sont engagées entre les deux constructeurs depuis plusieurs semaines sur une possible association, déclare une source gouvernementale. Ces débats ont été menées par les entreprises sans que l’Etat n’y prenne part, afin de déterminer l’intérêt industriel d’un tel rapprochement ». Bercy « examinera cette proposition avec ouverture, pourchasse cette source, compte tenu de son intérêt industriel et du potentiel de constituer le premier constructeur mondial ».

Mais l’Etat ne validera pas d’accord sans quelques garanties. Il sera d’abord attentif sur les suites d’une fusion en termes d’emploi, de positionnement industrielle et sur ses intérêts patrimoniaux, donc sur le fait de rester un actionnaire en mesure de peser sur les conclusions stratégiques de l’entreprise. Ensuite, le gouvernement français, qui a tenu informés ses homologues japonais, souhaite que ce rapprochement se réalise dans le cadre de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, « dans le but d’en assurer la pérennité et de la renforcer », déclare-t-on du côté du ministère de l’économie.

« Il faut bien sûr voir dans quelles conditions cela va s’accomplir. Il faut qu’elles soient adéquates au développement économique et industriel de Renault et à ses salariés », a déclaré lundi Sibeth Ndiaye sur BFM-TV, la porte-parole du gouvernement. Elle a également estimé qu’un tel projet était susceptible de répondre aux enjeux de souveraineté économique européenne et française. « Des géants se sont construits en dehors de L’Europe, nous avons besoin de géants en Europe », a ajouté la porte-parole.

Nissan verra-t-il d’un bon œil cette décision ?

Car c’est bien là qu’habite le sujet délicat. Le fabriquant français est déjà marié à ses deux associés nippons. Renault détient 43 % de Nissan, lequel possède 15 % de Renault et 34 % de Mitsubishi. Mais cette union bat de l’aile. L’alliance est en crise depuis l’arrestation de Carlos Ghosn au Japon, le 19 novembre 2018, pour malversations financières. Après une phase de soulagement, qui a suivi la nomination de M. Senard en janvier, les relations se sont de nouveau rigides depuis que les Français ont proposé, à la fin d’avril, une fusion capitalistique avec Nissan, dont les Japonais, concentrés sur la rectification de leur groupe, ne veulent pas entendre parler.

Nissan verra-t-il d’un bon œil cette décision de son attisé partenaire ? D’un côté, cela peut adoucir les tensions en dévoyant Renault de son projet initial de resserrement des liens avec Nissan. « Les institutionnels japonais ont pris la nouvelle positivement », déclare un bon connaisseur du dossier. Mais les Japonais ont été complètement mis en dehors du projet FCA et sauraient voir dans ce cavalier seul une marque de défiance.

Malgré cela, tous les témoins semblent d’accord pour reconnaître que l’ensemble de l’industrie a besoin de joindre ses forces pour réaliser l’effort financier colossal rendu essentiel par les évolutions de l’automobile – on parle de 250 milliards d’euros les sept prochaines années. Du côté du gouvernement français, on souligne d’ailleurs sur le fait que, grâce à l’effet de taille du nouvel ensemble, les partenaires seraient « à même de réaliser les investissements étendus rendus nécessaires par le développement de la voiture électrique, des véhicules autonomes et ajustés et des nouveaux usages de l’automobile ».

 

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LJD

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