Un grave accident du travail par empoisonnement à la gare de Lyon, sur fond de conditions difficiles

Un grave accident du travail par empoisonnement à la gare de Lyon, sur fond de conditions difficiles

« Vers 19 heures, mon manageur arrive avec un gobelet. Je lui demande ce que c’est. Il me répète trois fois de le boire. Je finis par le faire, car je lui fais confiance. Cela m’a immédiatement brûlé tout le corps. » L’histoire fait froid dans le dos : dimanche 13 novembre 2022, alors qu’il travaillait comme chaque week-end dans le magasin Pierre Hermé de la gare de Lyon, Gabriel (le prénom a été modifié) se serait vu proposer un gobelet de l’enseigne Starbucks située à proximité, et gérée par la même entreprise, Select Service Partners (SSP).

Loin d’être un jus, le produit qu’il ingère se révélera être un détergent pour lave-vaisselle à base de soude caustique. Evacué par les pompiers, cet étudiant en bac pro plomberie passera finalement deux semaines dans un coma artificiel, subissant de nombreuses interventions chirurgicales qui lui laisseront des séquelles, notamment au niveau de l’œsophage.

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« Nous confirmons qu’un collaborateur SSP en gare de Lyon Paris a malheureusement été impliqué dans ce grave accident du travail qui a conduit à son hospitalisation. Nos pensées s’adressent à notre collègue dans ce moment difficile, réagit, auprès du Monde, la direction britannique de l’entreprise de restauration commerciale gérante de plusieurs commerces de la gare, dont le fameux restaurant Le Train Bleu. Immédiatement après l’accident, nous avons lancé une enquête en collaboration avec la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), afin de mieux comprendre les circonstances de l’accident. » SSP, qui compte 23 000 salariés dont 3 000 en France, n’a pas donné davantage de détails.

Que s’est-il passé précisément ? Dans le procès-verbal d’une réunion ordinaire de la CSSCT, tenue onze jours après les faits, alors que Gabriel était toujours dans le coma, le déroulé des événements est le suivant : « Le point de vente était en rupture sur un produit d’entretien, c’est pourquoi ils sont allés sur un autre point de vente pour récupérer du produit pour effectuer leur lavage. Ce produit a été transvasé dans un récipient type gobelet. Le gobelet a été ramené sur Pierre Hermé et a été posé à côté du lavabo, endroit où un collaborateur effectuait son nettoyage. Vu qu’il s’agissait d’un gobelet standard sans indication particulière, la victime, en voyant le gobelet, a pensé que c’était du jus de fruit et en a bu une gorgée. » Un récit qui diffère du témoignage de la victime.

Plusieurs consignes de santé-sécurité n’ont pas été respectées

Mis au courant de l’affaire, des représentants de la fédération SUD Hôtellerie-Restauration ont demandé qu’une enquête soit lancée. L’inspection du travail et la médecine du travail aussi sont intervenues, tandis que la famille de Gabriel a porté plainte. Par ailleurs, une « enquête de police est en cours pour déterminer si l’empoisonnement est volontaire ou pas de la part du manageur, selon quoi une procédure pénale aura lieu », indique Francine Biboum, avocate de la famille de Gabriel, qui devrait attaquer SSP pour démontrer une faute inexcusable de l’employeur.

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