Un ex-intérimaire fait condamner son entreprise pour discrimination raciale à l’embauche

Un ex-intérimaire fait condamner son entreprise pour discrimination raciale à l’embauche

Encore aujourd’hui, Youssef B. ne prononce jamais le mot « racisme » pour évoquer le bras de fer qui l’oppose à son ancien employeur. « Jamais je n’ai eu la moindre remarque déplacée de la part de mes collègues ni de mes supérieurs, qui se sont déclarés très satisfaits de mon travail », tient à nous souligner, par deux fois, cet ancien intérimaire de la société Stäubli sur le site de Faverges, en Haute-Savoie.

Pourtant, Youssef B. s’est bien vu écarté d’une possibilité d’embauche en CDI dans cette entreprise suisse de mécatronique en raison de son origine, a tranché la Cour de cassation dans son arrêt du 14 décembre 2022. Après trois années de missions enchaînées entre 2016 et 2019, cet intérimaire décide de postuler à un CDI au sein de l’entreprise.

Entretenant de bonnes relations avec ses collègues et son chef, le candidat se montre confiant sur ses chances d’intégrer la société. Sa candidature n’est pourtant pas retenue. « La direction de la société a souhaité privilégier des candidatures de salariés jeunes, qui n’ont pas encore eu l’opportunité d’accéder au monde du travail ».

« Je n’ai pas tout de suite pensé à une possible discrimination raciale »

Par ailleurs, l’entretien qui lui a été accordé s’est essentiellement orienté sur les lacunes de son parcours professionnel plus que sur ses réussites, fait savoir l’ex-intérimaire. « Je n’ai pas tout de suite pensé à une possible discrimination raciale. » C’est le syndicat CGT de l’entreprise et son avocate qui l’alertent sur ce sujet. « Il a fallu l’insistance des délégués du personnel de l’entreprise pour qu’à partir du début des années 2000, Stäubli Faverges commence à embaucher des Maghrébins », souligne Loïc Miault, secrétaire général du syndicat UGICT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT) de Stäubli.

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En connaissance de cause, Youssef B. va devant les prud’hommes pour demander la requalification de ses contrats de travail en CDI et l’obtient, mais le motif discriminatoire n’est pas retenu. La discrimination raciale au recrutement interne est reconnue, en revanche, par la cour d’appel de Chambéry, saisie par l’employeur en 2021, puis confirmée par la Cour de cassation. Contactée par Le Monde, l’entreprise n’a pas souhaité répondre.

« La difficulté, c’est d’objectiver la discrimination »

Accompagné par le syndicat UGICT-CGT Stäubli sur cette affaire, Youssef B. a employé une démarche originale basée sur les statistiques, dite la méthode Clerc. « La difficulté, c’est d’objectiver la discrimination, commente Loïc Miault. Obtenir le registre unique du personnel, c’est le nerf de la guerre. Mais les données communiquées par l’employeur sont souvent illisibles. »

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