Uber : les prud’hommes doivent rendre leur solution sur la nomination des chauffeurs comme employés
La conclusion, attendue lundi, pourrait avoir des suites financières néfastes pour la plate-forme si les recours se multipliaient.
Le conseil de prud’hommes de Paris rend, lundi 11 mars, sa décision sur la demande de réinsertion du contrat de neuf conducteurs de VTC demandant à être reconnus comme travailleurs d’Uber. Il s’agit de la première action communautaire contre Uber, grand groupe américain de services de véhicules de transport avec chauffeur (VTC), les antérieures conclusions ayant été rendues à titre individuel, suivant le secrétaire général du Syndicat des chauffeurs privés VTC (SCPVTC), Sayah Baaroun, à la source du recours.
La fin pourrait être « historique », dit-il, et surtout avoir des suites financières néfastes pour la plate-forme si les recours se propageaient. « Nous avons déjà déposé dix nouveaux dossiers au conseil de prud’hommes et dix autres sont en préparation », met en garde Sayah Baaroun.
Jusqu’à à présent, il était pénible pour ces chauffeurs d’être convenus comme salariés et de jouir des droits sociaux correspondants (congés payés ou indemnités journalières, par exemple). La plupart des tribunaux qui ont décidé sur le sujet ont apprécié que la liberté horaire dont ces prestataires ordonnaient fasse « obstacle à une reconnaissance d’un contrat de travail ».
Terminaison de la Cour de cassation
La Cour de cassation a exclusivement ouvert la porte à de nouvelles explications de la loi en novembre, avec un procès portant sur un livreur à vélo de la plate-forme Take Eat Easy, depuis liquidée.
« L’argument déterminant, qui était de dire : “Ils sont nécessairement indépendants puisqu’ils travaillent quand ils veulent, le temps qu’ils veulent et avec qui ils veulent”, (…) est balayé par la Cour de cassation », a expliqué l’avocate des chauffeurs, Me Sylvie Topaloff lors de l’audience du 18 décembre, devant le conseil de prud’hommes de Paris. « La Cour de cassation veut (…) dire : attention, ce n’est pas la volonté des parties ou la dénomination qu’ils donnent à leur convention qui fait le statut d’indépendant ou de salarié, c’est au juge d’apprécier si les éléments caractérisant la subordination sont réunis. »
L’instance avait estimé que l’application Take Eat Easy, qui était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel du travailleur et la mise en place de sanctions, témoignait d’un « pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution » et donc d’un « lien de subordination ».
« Travailleurs contraints »
Me Sylvie Topaloff avoue que la situation de travail des chauffeurs Uber n’est pas précisément la même, mais elle s’applique à prouver qu’un lien de subordination existe : tarif fixé, impossibilité de connaître la destination d’une course sans l’avoir accueillie, système de notation, etc. « En réalité, ce sont des travailleurs contraints. Une construction juridique habile fait que celui qui devrait être regardé comme leur employeur s’exempte de tous les avantages (sociaux) parvenus depuis plus d’un siècle par le système français », dit-elle.
Un procès rendu le 10 novembre par la cour d’appel de Paris va dans ce sens, évaluant qu’un « faisceau suffisant d’indices » prouve l’existence d’une relation de subordination entre un prestataire Uber et la plate-forme.
Pour l’avocat d’Uber, Me Cyril Gaillard, les « vrais donneurs d’ordre », ce sont « les clients ». « Uber ne joue qu’un rôle d’intermédiaire », a-t-il dit lors de la même assistance. Pour lui, la conclusion de la Cour de cassation « n’a rien changé », car cet arrêt porte sur une attention qui présente des différences « majeures » avec l’application Uber.