Trois générations de garagistes racontent un métier en mutation : « Les voitures vont évoluer, et je vois ça depuis soixante ans, donc je ne m’affole pas »

Trois générations de garagistes racontent un métier en mutation : « Les voitures vont évoluer, et je vois ça depuis soixante ans, donc je ne m’affole pas »

Depuis la « tour de contrôle » du garage Gaud Car System de Douvaine (Haute-Savoie), Christophe Gaud, lunettes calées sur le nez, s’active pour valider la pile des factures qui se sont accumulées ces derniers jours. La neige est tombée subitement deux jours plus tôt : les dépanneuses ont été appelées une quinzaine de fois en vingt-quatre heures pour remorquer des voitures accidentées. Ce 15 décembre 2022, la température a sérieusement baissé et un courant d’air frais se fait ressentir à l’intérieur du bâtiment.

Vue sur le garage Gaud. De gauche à droite : Paul, Jean-Yves, Edouard et Christophe Gaud. A Douvaine (Haute-Savoie), le 15 décembre 2022.

Vêtu d’une doudoune noire, Jean-Yves, le frère de Christophe, traverse le hall d’exposition d’un pas décidé en direction de l’atelier. Dans ce centre de réparation, où les blagues fusent et l’énergie déborde, trois générations cohabitent. Un bonnet noir vissé sur le crâne, Paul, le fils de Jean-Yves, s’apprête à lui faire un point sur un véhicule déposé la veille. Au passage, Edouard, le patriarche, l’intercepte pour lui parler de leur contrat de gaz renégocié le jour précédent. Fondateur de l’entreprise, il a été rejoint par ses deux fils au milieu des années 1980 et par l’un de ses petits-fils en 2019. Chacun à sa manière, ils racontent leur attachement à un métier qui a connu de sérieuses mutations depuis cinquante ans.

La prochaine : la fin annoncée en 2035 de la vente des véhicules à moteurs thermiques neufs dans l’Union européenne qui n’utiliseraient pas de carburants neutres en termes d’émissions de CO2. Personne, dans la famille Gaud, ne s’en inquiète. « On a toujours su s’adapter et rebondir, aime rappeler Edouard. Qu’elle soit hybride, électrique, une voiture, c’est toujours une voiture, il faudra toujours la réparer. Ça n’a pas changé et ça ne changera jamais. » Même si, concède-t-il, « le volume de réparation risque de changer, puisqu’il n’y a plus beaucoup de mécanique dans une voiture électrique ».

Un projet « un peu fou »

A 76 ans, Edouard est convaincu que d’autres solutions vont être développées, comme des moteurs thermiques fonctionnant à l’hydrogène, qui nécessiteront davantage l’intervention d’un garagiste que les modèles électriques. Convaincu, aussi, que les constructeurs trouveront des solutions pour faciliter le recours à ce gaz hautement inflammable et difficile à stocker. « Les voitures vont évoluer, et je vois ça depuis soixante ans, donc je ne m’affole pas. »

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Sa femme, Suzanne, ne s’est pas affolée non plus en 1971, lorsque, marié depuis peu, Edouard a eu le projet « un peu fou » d’acheter à crédit la grange d’un voisin à Douvaine pour la transformer en atelier de réparation. « J’ai commencé avec rien, je travaillais quinze heures par jour, mais c’était une aventure extraordinaire », se souvient le garagiste. Tous deux originaires de cette petite ville de 6 600 habitants, située à quelques kilomètres de la frontière suisse, ils développent ensemble cette entreprise, où s’entremêlent naturellement vie professionnelle et vie familiale.

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