Sophie Harnay et Antoine Rebérioux : « La gouvernance des entreprises reste un univers fortement genré, pour ne pas dire masculin »

Sophie Harnay et Antoine Rebérioux : « La gouvernance des entreprises reste un univers fortement genré, pour ne pas dire masculin »

Tribune. Le 27 janvier 2011, l’Assemblée nationale adoptait la loi n° 2011-103, dite Copé-Zimmermann. La France devenait ainsi le troisième pays, après la Norvège et l’Islande, à adopter un « quota de genre » au sein des conseils d’administration de ses sociétés privées : à compter de 2017, le genre le moins représenté devait constituer un minimum de 40 % des membres du conseil.

Il y avait urgence, tant le déséquilibre était criant : en 2010, les femmes représentaient moins de 10 % des membres des conseils… Si ce déséquilibre n’était pas spécifiquement français, les Etats-Unis ou les pays nordiques faisaient tout de même légèrement mieux. Qu’en est-il, dix ans plus tard ?

Nous aurions toutes les raisons de nous réjouir. La France est, avec une moyenne de plus de 40 % de femmes dans les conseils de ses sociétés cotées, le pays aujourd’hui le plus avancé en la matière parmi les grandes économies mondiales : en quelques années, le recours à la hard law, comme disent les Anglo-Saxons, a donc fait preuve de son efficacité.

Un instrument banalisé

De manière remarquable, ce volontarisme juridique ne s’est pas accompagné d’un affaiblissement de la capacité des conseils à orienter et à contrôler la stratégie des entreprises – contrairement à ce qu’annonçaient les Cassandre : les sociétés françaises sont parvenues à recruter des femmes disposant de compétences similaires aux hommes qu’elles remplaçaient.

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De ce point de vue, la comparaison avec la Grande-Bretagne, qui faisait le choix, en janvier 2011 également, de la soft law (approche non contraignante, demandant aux entreprises de respecter un seuil minimum d’administratrices, ou de s’en expliquer en cas de non-respect), est instructive. Aucune déformation de la structure des conseils n’est observable dans le cas français.

Les conseils ont, sur une décennie, suivi des trajectoires similaires dans les deux pays… à l’exception notable de la part de femmes, aujourd’hui de 10 à 15 points de pourcentage inférieure outre-Manche. Indéniablement, le choix français du quota contraignant, pourtant largement décrié par les tenants de la libre entreprise, s’est avéré judicieux. L’usage de cet instrument s’est d’ailleurs banalisé : la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et, depuis 2018, la Californie ont elles aussi adopté la voie législative pour promouvoir la diversité genrée au sein des conseils.

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Les inégalités de genre à la tête des entreprises sont-elles pour autant éradiquées ? La réponse est négative.

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LJD

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