Simon Cottin-Marx, sociologue, et Baptiste Mylondo, économiste : « Les projets autogestionnaires ne sont pas forcément voués à l’échec »

Simon Cottin-Marx, sociologue, et Baptiste Mylondo, économiste : « Les projets autogestionnaires ne sont pas forcément voués à l’échec »

Le sociologue Simon Cottin-Marx et l’économiste Baptiste Mylondo, auteurs de Travailler sans patron (Folio, 352 pages, 9,40 euros), appellent les salariés des entreprises autogérées à se saisir collectivement de la fonction employeur et à développer la polyvalence en interne.

Vous vous intéressez dans votre ouvrage aux entreprises en autogestion. Quel a été votre terrain d’étude ?

Simon Cottin-Marx : Nous nous sommes centrés sur le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui regroupe associations, coopératives, mutuelles ou fondations et leurs 2,4 millions de salariés. C’est principalement là que l’on trouve des structures qui, à différents niveaux, mettent en œuvre les idées autogestionnaires. Elles développent une organisation démocratique, où les richesses sont partagées équitablement et où le travail est mené en coopération, ce qui les distingue des entreprises privées capitalistiques ou de l’administration publique.

Baptiste Mylondo : Leurs membres souhaitent que les valeurs de l’ESS soient respectées. Ils font donc en sorte que les décisions soient prises par toutes les personnes concernées par les conséquences de ces mêmes décisions. Ils sont attachés aux principes de démocratie, d’équité, de gestion humaine des collectifs, et souhaitent en conséquence travailler sans patron.

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S. C.-M. : Il faut toutefois avoir à l’esprit que ce n’est pas parce qu’on est une coopérative ou une association que l’on va automatiquement mettre en œuvre ces idées. De nombreuses structures se sont éloignées de l’utopie autogestionnaire et des valeurs de l’ESS.

Vous distinguez aussi des organisations qui pratiquent une autogestion de type néolibéral, comme les entreprises libérées et qui constitueraient, à vos yeux, un leurre…

B. M. : La question de la propriété est au cœur de cette distinction. L’autogestion néolibérale consiste à travailler pour l’entreprise de quelqu’un d’autre et non dans un collectif dont les membres sont copropriétaires.

De même, la démocratie y est accordée par le patron et non « saisie », instaurée par les salariés. Lorsque les entreprises libérées mettent en place davantage d’autonomie ou de démocratie, l’objectif est généralement d’augmenter leur propre productivité et, in fine, d’accroître leurs profits.

Votre livre met en lumière toute la difficulté qu’il y a à maintenir une structure autogérée. Vous citez notamment le sociologue Albert Meister (1927-1982) qui, désabusé, évoque des « échecs répétés » et une tendance à la « dégénérescence » du processus démocratique au sein de ces organisations. Quelles sont les contraintes auxquelles ces structures doivent faire face ?

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