« Si rien n’était fait pour rendre l’analyse de données sur Internet plus accessible, le désenchantement du numérique pourrait se généraliser »

« Si rien n’était fait pour rendre l’analyse de données sur Internet plus accessible, le désenchantement du numérique pourrait se généraliser »

Tribune. Mesurer pour mieux manager : c’est le paradigme qui domine les sciences de gestion aujourd’hui. Depuis l’explosion d’Internet, l’espoir le plus partagé est que les informations accumulées grâce aux outils numériques aident les Etats, les entreprises, les organisations à être plus efficaces, à mieux se structurer, à moins gaspiller.

On en veut pour preuve le succès des géants de la technologie. Le triomphe d’Amazon fait figure d’exemple : si l’entreprise américaine domine son marché, c’est qu’elle collecterait plus de données que les autres. Elle connaîtrait mieux ses clients, leurs comportements, leurs préférences. Il lui serait donc facile de mieux leur parler, de leur proposer les produits les plus adéquats, de calibrer ses campagnes promotionnelles.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Cloud : nouvelle levée de fonds de 400 millions de dollars pour la licorne Dataiku

Pour répliquer le cas Amazon, les entreprises se sont mises en ordre de marche. Le but ? Devenir data-driven, c’est-à-dire prendre de meilleures décisions grâce à la donnée. Y arrivent-elles ? Rien n’est moins sûr : malgré des investissements faramineux dans l’analyse de données (274 milliards de dollars en 2020), seules 24 % des entreprises interrogées par la Harvard Business Review disent utiliser la data efficacement (« Embracing Data Analytics for More Strategic Value », 2021). Que s’est-il passé ?

Ne pas considérer les algorithmes comme des oracles

Loin des grands discours sur le pouvoir révolutionnaire de la data, les manageurs et chefs d’entreprise ont encore du mal à accéder aux données. Vous en avez peut-être déjà fait l’expérience. Vous devez vous plier à un processus plus ou moins long afin d’obtenir l’information dont vous avez besoin : chiffres de ventes, taux d’incidents sur une chaîne logistique ou impact carbone d’un produit. Quand vous les recevez, les données sont incompréhensibles : elles ne sont ni mises en forme ni expliquées. Tous ces obstacles sont autant de frictions qui vous dissuadent d’utiliser la donnée au quotidien.

Vous vous accommodez de cet état de fait en vous disant que la data sert d’abord aux experts. Seuls eux savent faire parler les chiffres et utiliser leurs algorithmes pour faire des études et des prédictions. Les autres n’ont pas besoin d’accès direct à la data. Mais on aurait tort de considérer les algorithmes comme des oracles. Les données ne servent vraiment que lorsqu’elles sont comprises par tous et qu’elles permettent à chacun de prendre des décisions plus éclairées.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « Entre économistes et historiens, un dialogue sur la construction des données »

C’est cela, la fameuse « culture de la donnée » que les départements des ressources humaines des grandes entreprises s’efforcent de construire. Mais comment y arriver sans accès simple à la donnée ? « Si les gens ne trouvent pas les mathématiques simples, c’est uniquement parce qu’ils ne réalisent pas à quel point la vie est compliquée. » John Von Neumann, considéré comme l’un des pères de l’informatique moderne, avait raison de penser qu’il faut des systèmes complexes pour comprendre un monde complexe.

Il vous reste 49.07% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.