Samuel Zarka, sociologue : « Le travail des techniciens du cinéma s’est intensifié avec l’arrivée des plateformes »

Samuel Zarka, sociologue : « Le travail des techniciens du cinéma s’est intensifié avec l’arrivée des plateformes »

Le sociologue Samuel Zarka, enseignant-chercheur à l’université Sorbonne-Paris Nord et auteur de l’ouvrage Ces invisibles qui font le cinéma (Presses universitaires de France, 336 pages, 23 euros), explique comment les techniciens doivent démontrer leur professionnalisme à chaque nouveau projet de tournage.

Vous avez consacré votre ouvrage aux techniciens qui travaillent sur les tournages cinématographiques. Qui sont-ils et pourquoi sont-ils, selon vous, invisibilisés ?

Pour réaliser un film, il est nécessaire de mobiliser une petite armée qui, outre son état-major, regroupera différentes équipes : le son, l’image, les « électros » (électriciens), les « machinos » (machinistes)… Un tournage est donc un lieu de travail qui nécessite une dynamique collective : il faut mobiliser entre 40 et 200 personnes pour fabriquer ce produit qu’est le film.

Mais si les membres de ce personnel technico-artistique ont leur nom au générique, ils sont globalement invisibilisés. Le Festival de Cannes en donne une illustration symbolique : lors de la montée des marches, l’équipe du film se résume au réalisateur et à ses comédiens principaux. Ils représentent la partie visible du projet, qui occulte le collectif de travail et sa contribution.

De même, l’objet lui-même, le film, capte également l’attention, au détriment, là aussi, des travailleurs. C’est un phénomène que l’on retrouve d’ailleurs dans plusieurs industries : certains produits (l’iPhone, par exemple) tendent à effacer l’existence de ceux qui ont contribué à sa fabrication.

Invisibilisés, ces techniciens sont également confrontés à une discontinuité de l’emploi, source d’incertitudes. Comment ce défi peut-il être relevé sur le long terme ?

Cette discontinuité des temps de travail existe de longue date : on l’observait déjà dans les années 1920. Elle a pu être contenue un temps, grâce à l’existence d’une carte d’identité professionnelle. Sa détention était nécessaire pour travailler dans le cinéma. Le nombre d’actifs était donc limité, afin que chacun puisse travailler régulièrement. Ce dispositif a été supprimé en 2009, face à la montée en puissance des productions audiovisuelles.

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LJD

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