Retraites : la discrétion du gouvernement sur les retombées économiques de la réforme
Le gouvernement joue-t-il au cachottier sur la réforme des retraites ? Son projet vise à rétablir l’équilibre financier des régimes de pension, pris dans leur globalité, mais il aura d’autres incidences, au-delà de ce périmètre, sur lesquelles le pouvoir en place ne s’épanche guère. Plusieurs experts le déplorent, y voyant un manque de transparence préjudiciable à la qualité du débat.
Au cœur de la controverse, il y a la mesure-phare qui repousse de 62 à 64 ans l’âge légal de départ tout en accélérant la mise en application de la « loi Touraine » de janvier 2014 sur l’allongement de la durée de cotisation pour avoir droit au taux plein. Ce double mécanisme va produire des « effets puissants », comme le souligne Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques. « Il joue comme un “choc d’offre de travail”, en maintenant sur le marché de l’emploi un nombre accru de personnes disponibles pour exercer une activité, développe-t-il. A terme, cela stimule la croissance et engendre, par conséquent, des recettes fiscales et des rentrées de cotisations supplémentaires. »
L’exécutif a, bien évidemment, connaissance de cette donnée-là. Elle figure d’ailleurs dans le « Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites », qui équivaut à une étude d’impact rendue publique le 23 janvier. Dans le seul champ du système de retraites, le projet devrait rapporter, en 2030, 17,7 milliards d’euros d’économies brutes – c’est-à-dire sans tenir compte des dépenses prévues par ailleurs (revalorisation des petites pensions, etc.). Si on élargit la focale à « l’ensemble des finances publiques », le « rendement » pourrait être « encore supérieur ». De combien ? La réponse est renvoyée dans une note de bas de page qui tient en trois lignes : selon un document de la direction du Trésor de janvier 2022, « la hausse de recettes hors retraites » serait égale à 0,6 point du produit intérieur brut (PIB) au bout de dix ans, dans l’hypothèse où l’âge légal de départ est accru de deux ans.
Deux méthodes distinctes
L’information est jugée un peu maigre par des spécialistes de la matière. « Il est surprenant de constater que, dans l’étude d’impact, il n’y a quasiment aucune indication sur les retombées macroéconomiques d’un recul de l’âge d’ouverture des droits, confie M. Bozio. Cette omission est regrettable. » Dans une tribune récemment publiée par Le Monde, Michaël Zemmour, maître de conférences à l’université Paris-I, se montre encore plus sévère : il trouve que le rapport publié le 23 janvier est « indigent » et « lapidaire », s’agissant de l’estimation des conséquences de la réforme.
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