Responsabilité sociale et environnementale : « Il est un peu facile de renvoyer dos à dos partisans et adversaires de l’ESG en égalisant leurs approches »

Responsabilité sociale et environnementale : « Il est un peu facile de renvoyer dos à dos partisans et adversaires de l’ESG en égalisant leurs approches »

La controverse actuelle autour de la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la stratégie des entreprises et les choix des investisseurs tourne souvent autour de la question de la nature de ces critères extra-financiers. Pour certains, ils sont intemporels, et militer pour ou contre aujourd’hui serait donc un faux débat, une « guéguerre bidon ». Mais pour d’autres, il est un peu facile de renvoyer dos à dos partisans et adversaires de l’ESG en égalisant leurs approches, en réalité radicalement différentes. Aussi, pour éviter que le « tout est égal » ne devienne un « tout m’est égal », il est nécessaire de faire quelques distinctions, quelques nuances.

Tout d’abord, on ne peut pas affirmer que la solvabilité des entreprises a de tout temps dépendu d’éléments extra-financiers. Même si certains, à l’instar d’Henry Ford, ont très tôt constaté que certains éléments importants, comme les employés et la réputation, n’apparaissaient pas dans les états financiers des entreprises, depuis 1949 et à la suite de Benjamin Graham, reconnu en son temps comme « l’investisseur le plus doué de la planète », tout le monde se concentre sur « les sociétés avec peu de dettes, une marge bénéficiaire supérieure à la moyenne et un cash-flow suffisant » (L’Investisseur intelligent, Benjamin Graham, Valor Editions, 2018). Les notes de crédit émises par Moody’s et Standard & Poor’s reposent en conséquence sur sept ratios financiers fondamentaux.

Si l’analyse extra-financière a pris de l’importance, c’est parce qu’à partir des années 1980 les valeurs boursières des sociétés du S&P 500 se sont fortement écartées de leurs valeurs comptables, les actifs corporels figurant au bilan des entreprises ne représentant aujourd’hui plus que 10 % de la valeur de ces dernières. Cela explique pourquoi, en 2004, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Kofi Annan, n’a pas eu beaucoup de mal à convaincre les PDG des plus grandes institutions financières d’intégrer les critères dits « ESG », donnant ainsi naissance au rapport « Who Cares Wins » et aux principes pour l’investissement responsable.

On notera également que les premières « politiques sectorielles » de BNPP, Société générale, Natixis et Crédit agricole, qui précisent les critères ESG des projets et opérations que ces banques souhaitent ou non accompagner, ont été publiées à partir de 2010, et leurs premières stratégies climat dans la foulée.

Devoir fiduciaire inviolé

La responsabilité fiduciaire, qui consiste pour un mandataire à agir au mieux des intérêts de ses mandants, n’a également pas toujours consisté à gérer l’argent d’autrui en cherchant à optimiser sa performance financière à court terme. Ce n’est qu’en 1974, quand le président Gerald Ford a promulgué l’Employee Retirement Income Security Act pour transformer les fonds de pension des entreprises en organismes financiers autonomes capables de diversifier leurs placements, que la recherche du profit financier à court terme est devenue une obligation légale.

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