Rémunérations : les actionnaires plus regardants face aux patrons trop gourmands

Rémunérations : les actionnaires plus regardants face aux patrons trop gourmands

Sonné, Didier Truchot, le président d’Ipsos, n’a pas caché son amertume, à l’issue de l’assemblée générale de son groupe, le 17 mai : 58 % de ses actionnaires se sont opposés à la rémunération prévue au titre de 2021 pour le fondateur du spécialiste des études de marché. Ce score en forme de gifle bloque le versement de tout variable en cash pour M. Truchot. « Je serai le seul chez Ipsos à ne pas toucher de bonus lié aux bonnes performances » de 2021, a-t-il lâché, dépité. Les investisseurs ont voulu le priver d’une prime de vrai-faux départ. Une indemnité de 1,1 million d’euros que le conseil d’administration lui avait attribuée pour avoir abandonné ses fonctions de directeur général en 2021.

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Ces primes exceptionnelles sont peu goûtées par les actionnaires, qui considèrent les dirigeants suffisamment bien rémunérés pour ne pas avoir à en rajouter. Antoine Frérot est prévenu. Les actionnaires de Veolia devront se prononcer le 15 juin sur le versement au PDG de trente mille actions gratuites (soit environ 780 000 euros au cours de mercredi 1er juin), censées récompenser « le succès lié à l’acquisition du groupe Suez ». Même si le conseil d’administration du géant de l’environnement ne manque pas de rappeler que M. Frérot n’a jamais bénéficié de prime exceptionnelle en treize ans de mandat, les agences de vote ISS et Proxinvest ont appelé à s’opposer à cette résolution.

Pour éviter le désaveu de ses actionnaires, Stéphane Richard, le président d’Orange, a renoncé in extremis récemment à une indemnité de départ de 500 000 euros, quelques jours avant une assemblée générale délicate. Grâce aux votes reçus en amont de cette grand-messe, le groupe de télécoms avait pu mesurer l’ampleur de la levée de boucliers suscitée par cette gratification. En catastrophe, l’entreprise a fait le tour des sociétés de gestion pour inverser la tendance. Ces efforts ont porté leurs fruits : la rémunération des dirigeants d’Orange pour 2022 a été approuvée à 50,55 %. Se voyant également mal embarqué, Publicis a décidé de « surseoir », trois semaines avant l’assemblée générale du 25 mai, à la mise en place d’un mécanisme de retraite supplémentaire au bénéfice d’Arthur Sadoun, le président du directoire.

Forte hausse des profits en 2021

Il faut dire que, après s’être quelque peu serré la ceinture en 2020, les dirigeants de grandes entreprises ont vu leurs rémunérations s’envoler en 2021, année marquée par une forte hausse des profits. Selon les calculs de la fintech consacrée aux sociétés cotées Scalens, la rémunération moyenne allouée aux patrons du CAC 40 a bondi à 8,7 millions d’euros, soit près du double des 4,5 millions de 2020. L’opinion publique s’en émeut ; les investisseurs sont plus partagés. Un fonds souverain du Moyen-Orient, un gérant américain ou une mutuelle de Niort n’auront pas la même sensibilité. « Du point de vue des apporteurs de capitaux, il n’existe pas de chiffre magique, de montant socialement acceptable pour le salaire du patron », souligne un expert en matière de gouvernance.

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