Réforme des retraites : « Tu casses ton dos, tes reins, tes bras, tout ! Mais ça n’est pas considéré comme un métier pénible ! »

Réforme des retraites : « Tu casses ton dos, tes reins, tes bras, tout ! Mais ça n’est pas considéré comme un métier pénible ! »

Yannick Sevenou (à droite), 52 ans, plombier canalisateur et délégué syndical CGT à Setha (Veolia), et Ali Chaligui (à gauche), 41 ans, qui travaille dans la gestion des déchets pour une filiale de Veolia, lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 19 janvier 2023.

Yannick Sevenou, 52 ans, glisse son doigt épais sur la cicatrice de 1 centimètre qu’il a au milieu de la paume. « Là, je me suis tranché avec une guillotine de 180 ! » Remonte ensuite au niveau du poignet : « Deux opérations du canal carpien côté droit. J’hésite à faire opérer la gauche. » Il attrape ensuite ses coudes. « Epicondylites, des deux côtés. » C’est un trouble musculo-squelettique lié à des lésions des tendons de l’avant-bras. « Parfois, ça devient rouge-violet, la douleur est terrible. »

Il y a aussi, dissimulée dans sa barbe de quelques jours, juste au-dessus de la lèvre, une cicatrice longue de six points de suture. « Il faisait − 8 °C, j’ai glissé : j’ai cassé le parpaing avec ma bouche, raconte-t-il. J’y ai laissé trois dents. » Il y a encore cette fois où il a chuté d’une échelle mal sécurisée – « J’ai eu le sacrum cassé en quatre endroits. » Cette double hernie discale qu’il espère faire reconnaître comme maladie professionnelle. Et ce suivi en pneumologie, depuis ces « deux cuillères à soupe » de sang crachées en sortant d’un décanteur.

Autant de stigmates de sa carrière de plombier canalisateur, aujourd’hui pour Setha (où il est aussi délégué CGT), une filiale de Veolia spécialisée dans le nettoyage des égouts, des réservoirs, des châteaux d’eau. Une mission de salubrité publique, en somme. Qui oblige à travailler dans des endroits exigus, nauséabonds, en hauteur ou sous-terre, par tout temps et toute température, à manipuler des outils ou des produits dangereux pour nettoyer les conduites, de l’acide, de la javel, à être au contact d’amiante, de poussières de silice ou de matières fécales.

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Pour autant, aucun de ces « risques professionnels » n’a été jugé assez élevé pour lui permettre d’acquérir des points au titre de la pénibilité sur son compte professionnel de prévention (C2P). A moins de pouvoir faire valoir une « incapacité permanente » de travailler d’au moins 10 % « grâce » à ses accidents du travail, ou la reconnaissance d’une maladie professionnelle, ces rudes conditions de travail ne lui permettront donc pas de partir à la retraite de manière anticipée.

Dix facteurs initiaux

Ce ne sera pas plus le cas avec la nouvelle réforme, qui ne prévoit pour lui aucun traitement de faveur : même les travailleurs à l’« incapacité » reconnue se verront prolongés de deux ans de plus – ils partiront à 62 ans plutôt qu’à 60 ans. « Quand on travaille dans les égouts, il n’y a aucune machine qui passe, on porte tout à l’épaule, on travaille à la masse. Parfois, il faut actionner le marteau-piqueur au-dessus de l’épaule pour atteindre des canalisations. Tu casses ton dos, tes reins, tes bras, tout ! Mais ça, ça n’est pas considéré comme un métier pénible ! », assène-t-il.

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LJD

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