Réforme de la formation des enseignants : « Un retour au passé »

Réforme de la formation des enseignants : « Un retour au passé »

Manifestation d’étudiants de l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Basse-Normandie contre la réforme de leur formation, le 15 décembre 2009 à Caen.

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Tribune. Parmi les réformes initiées par Jean-Michel Blanquer, celle de la formation des enseignants n’attire que peu l’intérêt des médias, accaparés par les conséquences de la pandémie. Devant entrer en vigueur à la rentrée 2021, il s’agit pourtant d’une réforme importante qui allonge d’un an la préparation aux concours, met en concurrence les nouveaux Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) avec les universités, et transforme radicalement les stages en formation. C’est en réalité une réforme qui solde définitivement l’héritage des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), créés il y a trente-deux ans. Pour tenter de comprendre le sens d’une telle réforme, il est donc nécessaire de prendre le recul de l’histoire.

Dès leur naissance, en 1991, les IUFM ont été sous le feu des critiques. Lionel Jospin, alors ministre de l’éducation nationale, avait l’ambition de transmettre à tous les futurs enseignants une culture professionnelle commune, adaptée aux exigences de la scolarisation de masse et centrée sur les dimensions à la fois pédagogique, sociale et culturelle du métier. Il a donc rompu avec tous les dispositifs antérieurs pour réunir à l’intérieur d’une seule institution les formations jusque-là totalement indépendantes les unes des autres : celle des instituteurs et des institutrices dans les écoles normales, celle des professeurs de lycées et collège à l’université, celle des professeurs des lycées professionnels dans leurs propres institutions.

Complexes IUFM

Le ministre et son équipe prenaient donc le risque de faire cohabiter des formateurs de statuts et de cultures radicalement différents qui n’avaient jusque-là jamais collaboré. Le résultat a été sans surprise : dès la première année, même les plus fervents partisans des IUFM ont critiqué une mise en œuvre brouillonne. Dans Les IUFM et la formation des enseignants aujourd’hui (A. Robert et H. Terral, PUF, 2000), Philippe Meirieu lui-même, pourtant figure emblématique des réformateurs pédagogiques, décrit les débuts des IUFM comme « une négociation sans fin livrant l’institution aux aléas des événements et des rapports de forces du moment ».

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Les IUFM ont donc toujours été des organisations complexes dans lesquelles les étudiants et les professeurs stagiaires ont parfois eu du mal à se repérer. Pourtant, en vingt ans d’existence, ils ont réussi à améliorer l’efficacité de la formation des enseignants : meilleurs taux de réussite aux concours d’enseignement, meilleure préparation à l’exercice du métier par une analyse collective des pratiques de classes, rédaction d’un mémoire qui permettait aux professeurs stagiaires de formaliser une question professionnelle en l’enrichissant des apports de la recherche en éducation. Mais la complexité de leur fonctionnement les avait rendus à la fois opaques aux non-initiés et facilement critiquables, notamment par tous ceux qui les accusaient d’avoir participé au déclin de l’école républicaine en introduisant du « pédagogisme » dans la formation des enseignants.

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