Référendum d’entreprise : les sirènes de la démocratie directe

Référendum d’entreprise : les sirènes de la démocratie directe

Carnet de bureau. « Bien souvent quand la démocratie représentative ne satisfait pas, la tentation est grande de se tourner vers la démocratie directe », explique le juriste Christophe Mariano, maître de conférences en droit privé à l’université Clermont-Auvergne. En entreprise comme en politique, la démocratie directe s’organise par référendum. Le dialogue social sort-il grandi de la place croissante donnée à ce mode de consultation dans les négociations ?

Mis en avant par la loi « travail » de 2016, il a été présenté comme un nouveau dispositif de négociations pour redonner la main aux salariés quelle que soit la représentation syndicale. Dès lors, un accord d’entreprise minoritaire pouvait obtenir sa validation de cette manière. Une seule question posée aux salariés peut alors sortir une négociation de l’impasse. A Orange Business Services, cette procédure a permis d’obtenir la mise en œuvre, en 2022, d’un accord d’intéressement auquel s’opposaient la majorité des organisations syndicales.

Mais la médaille a son revers : c’est ainsi qu’en 2017 les salariés de l’entreprise de santé Novo Nordisk avaient décidé au nom de la compétitivité d’imposer un temps de travail supplémentaire non rémunéré qui ne concernait en fait qu’un quart de l’effectif.

Des conséquences mal maîtrisées

C’est le premier risque pour les salariés : permettre à un syndicat minoritaire de faire valider un accord socialement moins-disant. D’autant plus que le référendum est assez simple à mettre en œuvre et offre l’avantage d’être accessible à tout type d’entreprise, des plus grandes aux plus petites. Le bilan annuel de la négociation collective publié par le ministère du travail en septembre 2022 indique d’ailleurs que la part d’accords validés par référendum dans les petites entreprises est en forte hausse depuis cinq ans, atteignant 83 % des textes « hors épargne salariale ».

Dans celles de moins de vingt salariés, 40 % du total des accords ont été ainsi approuvés. « C’est le plus souvent le temps de travail qui a été négocié, avec, à chaque fois, une tendance à la dégradation des conditions de travail des salariés », remarque M. Mariano.

Dans un second temps, les ordonnances Macron de 2017 ont donné la possibilité aux employeurs des grandes entreprises de prendre l’initiative et de l’organiser. Avec parfois aussi des conséquences mal maîtrisées : comme en 2018, lorsqu’un vote organisé pour prendre le pouls des collaborateurs sur l’accord salarial d’Air France a finalement abouti à la démission du PDG, Jean-Marc Janaillac. Il s’agit d’une autre de ses faiblesses. Le dispositif est binaire et polarise à l’extrême, à l’inverse du dialogue social représentatif dont le propre est de tenir compte de toutes les forces en présence dans l’entreprise.

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LJD

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