« Que sait-on du travail ? » : associer les salariés au management est profitable à l’entreprise

« Que sait-on du travail ? » : associer les salariés au management est profitable à l’entreprise

25 %. C’est la part d’intérimaires constatée dans les entreprises aéronautiques françaises de 100 à 500 salariés lors d’une étude comparative de Jérôme Gautié et Roland Ahlstrand sur la différence d’application du lean management en France et en Suède et ses conséquences sur la vie des salariés.  En Suède, dans des entreprises comparables, la part de personnel temporaire est négligeable note Jérôme Gautié. L’économiste du travail y voit l’« indice d’un investissement plus important dans le capital humain », confirmé par des politiques de formation en interne plus développées en Suède qu’en France.

Cette différence d’approche est déterminante pour que l’introduction du lean management dans une usine produise soit une amélioration de la qualité du travail et de la productivité, soit au contraire du stress et une perte de reconnaissance. C’est ce que développe Jérôme Gautié dans une analyse réalisée dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ?  » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Le lean management introduit en France il y a une trentaine d’années vise à produire au plus près des stocks en responsabilisant l’ensemble de la chaîne de production par l’autonomisation des opérateurs et en faisant remonter les informations de la base vers le haut quasiment en temps réel afin de réagir immédiatement au moindre défaut, incident ou variation de stock imprévue. Ce procédé venue du Japon permet de développer ce qu’on appelle « l’entreprise apprenante » : chaque salarié étant amené à monter en compétences et à transmettre ses pistes d’innovation.

Mais si cette approche a bien été réalisée en Suède, en France le lean a été passé à la moulinette du management vertical, dans « l’ombre du taylorisme », écrit Jérôme Gautié. Ce qui signifie que les salariés ont été peu consultés, la gestion par indicateurs a été renforcée, alourdissant la charge de travail et augmentant le stress. Et la réunion quotidienne, caractéristique du lean management pour avoir un échange qualitatif régulier, s’est réduite « à la vérification de listes d’indicateurs et à la transmission d’informations de la direction », écrit Jérôme Gautié. Le lean à la française, centralisé par une organisation hiérarchique, s’est ainsi traduit par une intensification du travail, source de nouvelles pénibilités.

Le propos de l’auteur n’est pas de jeter l’opprobre sur le management des entreprises françaises mais d’inciter à écouter les « manageurs éclairés » qui veulent réserver l’usage des nouveaux outils numériques au partage d’informations pour une meilleure coordination plutôt qu’au contrôle des opérateurs, et insistent sur « la nécessaire autonomie et participation des salariés pour développer leurs capacités d’initiative ». Autant de pistes à méditer en vue des négociations prochaines sur la qualité de vie au travail.

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LJD

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