Quand les violences conjugales franchissent le seuil de l’entreprise

Quand les violences conjugales franchissent le seuil de l’entreprise

« Vous pouvez mentir à votre maman au téléphone, vous ne pouvez pas mentir à votre collègue quand il voit le nombre de nuits blanches que vous passez ou le nombre de textos que vous recevez. » Longtemps, trop longtemps, le quotidien au travail de Sarah Barukh, autrice à la tête de l’ouvrage collectif 125 et des milliers (HarperCollins, 544 pages, 20 euros), a été régenté à distance par le harcèlement et les menaces commises à son encontre par son ex-compagnon.

Intervenue lors d’une conférence sur les violences conjugales au travail, organisée par le cabinet Technologia le 28 février, Sarah Barukh a raconté comment son agresseur l’obligeait à « quitter des réunions capitales pour répondre au téléphone », lui interdisait de porter certaines tenues, ou encore d’assister à des réunions avec des hommes. Face à son amie qu’elle voyait sombrer sans réagir, son ancienne collègue a témoigné son désarroi : « J’avais face à moi une force qui n’était pas rationnelle. »

Au-delà des bonnes intentions, comment les employeurs et les collègues peuvent-ils aider les victimes à s’extraire de cette mécanique de la violence ? « L’entreprise est bien souvent le seul endroit où la personne est physiquement loin de son conjoint », fait valoir Béatrice Lestic, secrétaire nationale à la CFDT en charge des questions d’égalité femmes-hommes.

Soucieux de se présenter l’entreprise comme un « refuge », les employeurs sont de plus en plus nombreux à afficher leur engagement contre les violences conjugales. A l’instar de L’Oréal, Korian, EDF ou encore BNP Paribas, une dizaine de grands groupes ont rejoint le réseau OneInThreeWomen, cofondé avec la Fondation Kering en 2018 afin de sensibiliser sur la question au sein des entreprises.

Un guide et des modules d’e-learning

Un engagement qui n’a pas manqué de susciter des réserves du côté des élus syndicaux et des responsables associatifs, estimant que les employeurs devaient d’abord balayer devant leur porte avant de se poser en chevaliers blancs. « Aux yeux de l’employeur, il est parfois plus facile de s’occuper de la violence faite aux femmes à l’extérieur de l’entreprise que de ce qui se passe au sein de son entreprise », souligne Béatrice Lestic.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés Violences conjugales : « Nous appelons tous les employeurs à intégrer cette question dans les enjeux de l’égalité professionnelle »

Partenaire d’ONU Femmes France depuis 2013, Carrefour Market a réalisé un guide contre les violences faites aux femmes pour sensibiliser ses collaborateurs. Comptant 83 % de femmes dans ses effectifs, Korian a mis en place des modules d’e-learning sur les violences de tout type, suivis par près de 1 400 collaborateurs. Surtout, « nous sommes une des rares entreprises à posséder un service d’assistance sociale », souligne la société. Sur 51 salariés suivis en 2022, 21 % des cas portaient sur l’accompagnement des violences intrafamiliales.

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