Quand le travail s’invite dans les manifestations : le trio impromptu grillades, livres et cocktails

Quand le travail s’invite dans les manifestations : le trio impromptu grillades, livres et cocktails

Chacun son chronomètre : pour les manifestants mobilisés contre la réforme des retraites, ce jeudi 23 mars, le coup d’envoi a été donné à 14 heures. Pour Fatiha, qui préfère ne pas communiquer son nom de famille, il démarre à 11 h 45. Le dos courbé entre plusieurs sacs remplis de viande, de légumes et de thermos, elle est en train de déployer deux brouillons de stands montés sur un chariot. Son frère, chauffeur de poids lourds, doit bientôt arriver pour l’aider. « Revenez un peu plus tard », dit-elle, encore incertaine de l’emplacement. L’intensité des fumées de grillades qui commencent à envelopper la place de la Bastille lui sert de minuteur.

Avec ses sandwichs à 5 euros, sauces incluses, et ses gâteaux coco maison à un euro, cette retraitée de 65 ans (900 euros de pension) était présente à d’autres mobilisations parisiennes pour gagner quelques centaines d’euros. Celle qui se déplace ponctuellement pour des concerts pressent déjà un débit plus modéré : « On est en fin de mois. Les gens ont moins d’argent. »

Autour d’elle, le rond-point s’anime : des barnums se déplient, des arrières de camionnette se retrouvent agrémentés d’une table, une crêperie sur roues suit un vélo « Monsieur Hot dog ». Un vendeur de sifflets couleurs flashy à 2 euros la pièce se fraie un chemin.

Des rares PV

Avec une tolérance officieuse de la préfecture, des particuliers se mêlent ainsi aux commerçants ambulants dotés d’une carte professionnelle et aux syndicalistes venus remplir les caisses de grève.

Coiffées d’un bonnet phrygien, « symbole de Paris et de la révolte », deux sœurs Souheyla et Scillia, souhaitant garder l’anonymat, glissent des morceaux de charbon dans le bac de leur grill. L’une est, à 36 ans, propriétaire d’une baraque à frites aux puces de Vanves (Hauts-de-Seine), et la seconde, 29 ans, est restauratrice dans le 18e arrondissement de Paris. Elles vendent pour la première fois une soixantaine de sandwichs avant de réfléchir à se glisser parmi les manifestants.

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Avec son food truck planté sur le trottoir du boulevard Beaumarchais, face à une foule de plus en plus compacte, Serge, qui préfère garder également son anonymat, mise quant à lui sur ses 70 kilos de frites maison. Accompagné de son fils et d’un employé, il restera jusqu’au passage de la voiture-balai. « Pour une journée de ce type, si les ventes sont bonnes, cela peut monter jusqu’à 1 500 euros », souffle le gérant. Autre avantage : à la différence d’autres lieux événements où il faut payer un droit de place ou verser un pourcentage de la recette, les PV se font plutôt rares.

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LJD

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