Prix du livre RH 2022 : une invitation à redéfinir le travail
« Un ouvrage qui force la pensée », « Qui va lire ce livre ? », « Dommage qu’il soit à charge pour les entreprises », « Une grande richesse théorique » : autant de réactions des responsables des ressources humaines exprimées à la lecture des quatre livres nommés pour l’édition 2022 du Prix du livre RH.
Créé en 2000 par la fédération Syntec Recrutement (aujourd’hui Syntec Conseil) en partenariat avec Le Monde et Sciences Po, ce prix récompense chaque année le meilleur ouvrage de management de l’année précédente. Le nom de la lauréate devait être annoncé mercredi 5 octobre lors de la cérémonie organisée à Paris, dans les locaux du Monde.
Les étudiants du master « organisations et management des ressources humaines » de Sciences Po ont pour programme de lire et de débattre d’un an de production éditoriale en ouvrages sur le travail. Plus précisément, une cinquantaine de livres publiés en 2021 et présélectionnés par Sciences Po, Le Monde et les éditeurs. Le choix des étudiants apporte un éclairage sur ce qui interpelle les futurs professionnels du management dans le monde de l’entreprise d’aujourd’hui.
Quant au choix du lauréat, il croise les préoccupations des futurs responsables des ressources humaines avec celles des DRH confrontés chaque jour aux réalités du terrain. Réorganisations incessantes, difficultés de recrutement, nouvelles aspirations des salariés, polyvalence des profils, hausse de l’inflation, productivité en baisse… Depuis plus de deux ans, les DRH font leurs gammes en management de l’incertitude. Mais quelle est désormais la place du travail dans la société ?
En 2020 les ouvrages du Prix du livre RH ont décrit les « nouveaux monstres » du monde du travail produits par l’avènement de l’intelligence artificielle et par la déshumanisation de l’emploi. En 2021, les essais sélectionnés ont analysé les remèdes contre les dégâts de la révolution technologique dans l’entreprise. Les livres nommés de 2022 poursuivent cette recherche de solution en questionnant très largement le concept de travail, notamment à partir de l’observation des conséquences du management sur la santé des salariés.
L’Association pour l’emploi des cadres, qui a interrogé les cadres du secteur privé en août, a révélé que plus d’un cadre sur deux (54 %) serait en situation d’épuisement professionnel. Les essais nommés 2022 analysent, bien au-delà du contexte Covid, les tendances de fond de l’évolution du travail dans la société.
La domination patronale se réinvente
Premier constat, le bonheur au travail est devenu une injonction, et c’est un risque nouveau pour les salariés. Les « savoir-faire ne seraient que secondaires face aux talents cachés » des collaborateurs, susceptibles d’être révélés par l’entreprise. Les responsables des ressources humaines favorisent alors le management des subjectivités, des émotions, des humeurs. Les Servitudes du bien-être au travail. Impacts sur la santé, écrit sous la direction de la sociologue Sophie Le Garrec (Erès, 296 pages, 25 euros), dénonce dans la prescription au bonheur le masque qui cache « un délitement des conditions de travail ».
Il vous reste 38.55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.