« Pourquoi les fusions d’entreprises échouent-elles si souvent ? »
Près de 70 % des fusions et des acquisitions d’entreprises n’atteignent pas les objectifs stratégiques attendus, d’après les études menées sur le sujet. Ce taux d’échec très élevé interpelle alors que les grands groupes multiplient les achats de sociétés pour accélérer leur capacité d’innovation et « verdir » leurs activités, et que trois quarts des PME et ETI envisagent à court terme de croître par acquisition d’autres entreprises.
Pourquoi ces opérations échouent-elles si souvent ? Les travaux que nous menons au sein du European M & A Institute nous incitent à questionner la manière habituelle dont les fusions-acquisitions sont pensées et mises en œuvre. En effet, ces deals sont préparés par un petit nombre de professionnels – dirigeants, consultants, banquiers et avocats d’affaires – qui travaillent souvent dans l’urgence et le secret, en se focalisant principalement sur les questions financières et stratégiques.
La plupart du temps, il y a très peu de liens entre ces équipes et celles qui sont chargées de la mise en œuvre des opérations, confrontées alors aux résistances des personnels devant souvent revoir leurs habitudes de travail pour que les synergies espérées deviennent effectives. Cette séparation entre les deux phases des fusions paraît couler de source. Mais d’autres méthodes seraient envisageables.
L’importance des remontées du terrain
Les pratiques scandinaves laissent penser notamment que les fusions et acquisitions pourraient très bien être préparées en mettant dans la boucle, dès le départ, d’autres acteurs. Dans ces pays du Nord, en effet, d’autres parties prenantes, et notamment les représentants syndicaux, interviennent dès la phase de préfusion, et leur connaissance précise du quotidien des salariés permet d’anticiper d’éventuelles difficultés.
Ils peuvent dire, par exemple, si suffisamment de salariés ont la possibilité de dégager du temps pour la réorganisation à venir, ou bien si des tensions préexistantes risquent de compliquer la donne. Ils peuvent également alerter sur des coûts cachés, des systèmes d’information difficiles à articuler, ou des divergences de culture d’entreprise.
Au-delà de ces remontées du terrain qui s’avèrent souvent précieuses pour les directions, la présence de représentants du personnel dans la phase de préfusion facilite aussi les connexions entre les équipes des deux entreprises préalablement indépendantes, ce qui limite ensuite les blocages (« Postacquisition Boundary Spanning : A Relational Perspective on Integration », Helene Loe Colman, Audrey Rouziès, Journal of Management no 45/5, 2019).
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