Pour le journaliste Olivier Dubois, otage au Mali, déjà vingt mois de captivité

Pour le journaliste Olivier Dubois, otage au Mali, déjà vingt mois de captivité

Devant le Panthéon, à Paris, sur lequel une image d’Olivier Dubois est projetée, Canèle Bernard, demi-sœur du journaliste, prend la parole lors d’une mobilisation organisée par Reporters sans frontières, le 7 mars 2022.

Jeudi 8 décembre est un anniversaire dont se passeraient volontiers les proches d’Olivier Dubois. Cela fait vingt mois que le journaliste est retenu par un groupe djihadiste après avoir été enlevé à Gao, dans le nord du Mali. Six cent neuf jours précisément que l’homme de 48 ans est devenu une monnaie d’échange malgré lui. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le 5 mai 2021, le Français, qui vit et travaille au Mali depuis 2015, se disait entre les mains du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), une alliance djihadiste au Sahel, liée à Al-Qaida. Il reste aujourd’hui le seul otage français recensé dans le monde, depuis la libération, en octobre 2020, de Sophie Pétronin, également enlevée au Mali.

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Travaillant à la pige – à l’article – pour le quotidien Libération et pour les hebdomadaires Le Point et Jeune Afrique, le journaliste indépendant est décrit par ses proches comme quelqu’un de solaire, curieux, aimant débattre et faire découvrir ce qui l’entoure. Son ami Marc de Boni, ancien grand reporter au Figaro, dresse le tableau d’une personne ayant compris très tôt que des événements déterminants se jouaient au Mali. « Il avait saisi que le pays allait devenir l’épicentre de phénomènes aux répercussions géopolitiques touchant aujourd’hui le monde entier », raconte-t-il, avant de louer la grande rigueur d’Olivier Dubois. Un professionnalisme qui n’a, malheureusement, pas empêché son enlèvement, le jeudi 8 avril 2021.

Depuis cette date, plusieurs actions ont été menées par ses proches et des soutiens à la liberté de la presse pour sensibiliser à la condition d’otage d’Olivier Dubois, notamment à travers plusieurs manifestations, des tribunes ou encore une pétition. Pour Nicolas Hénin, ancien journaliste ayant été otage en Syrie durant dix mois en 2013-2014, les différents comités de soutien permettent de maintenir une pression réaliste sur les responsables politiques français et maliens. « C’est aussi intéressant vis-à-vis des groupes terroristes, qui nous dépeignent en individualistes, de montrer qu’on se serre les coudes et qu’on n’abandonne pas », fait-il valoir. Reporters sans frontières (RSF) a, par exemple, fait projeter le portrait de M. Dubois sur le Panthéon, à Paris, des banderoles ont été accrochées au fronton de plusieurs mairies, et des bracelets de l’association SOS Otages ont été distribués. Mais cela ne suffit plus : l’opinion publique semble plus absente qu’auparavant.

« Liens avec les rédactions plus diffus »

« C’est une double peine au quotidien », dénonce sa demi-sœur Canèle Bernard. « Peine de subir son absence et qu’on ait du mal à faire parler de son calvaire », dit celle qui milite pour évoquer l’angoisse vécue par sa famille au président de la République, Emmanuel Macron. Cette moindre mobilisation médiatique s’explique aussi par son statut de journaliste pigiste de presse écrite, alors que ces derniers jouent, pourtant, un rôle essentiel dans l’information internationale. « Comme tout pigiste, les liens avec les rédactions sont plus diffus, analyse Elise Descamps, journaliste elle-même pigiste et membre du comité de soutien. Pourtant, ils prennent autant de risques, le tout avec en plus une précarité accrue au quotidien. »

Si, à l’époque des otages au Liban, entre 1985 et 1988, les photos des journalistes étaient diffusées tous les jours à la télévision, il n’en est rien avec Olivier Dubois. Libération a réalisé une trentaine d’articles depuis l’enlèvement, Le Point, trois dans l’hebdomadaire. Son directeur, Etienne Gernelle, préfère mettre en avant la vingtaine d’articles parus sur le site Web « pour ne jamais laisser l’oubli s’installer ».

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Aussi l’angoisse s’accentue-t-elle, alors qu’au fil des mois de détention les relations entre Paris et Bamako se sont considérablement dégradées depuis le coup d’Etat en mai 2021, juge Arnaud Froger, ex-responsable du bureau Afrique de RSF, soulignant que la France a décidé de suspendre son aide publique au développement en novembre. « C’est déjà des dossiers compliqués quand ils surviennent, mais, là, ces tensions délétères sont un supplément d’inquiétude non négligeable », note-t-il. Une tension exacerbée qui a aussi mené la junte malienne à suspendre la diffusion de Radio France internationale (RFI) et de la chaîne de télévision France 24, le 17 mars. Un coup dur supplémentaire pour les proches d’Olivier Dubois, car RFI diffusait régulièrement des messages personnels à l’intention de l’otage.

« Depuis que les forces “Barkhane” se sont retirées, il y a moins de relais et ça a forcément des conséquences sur la capacité de la France à intervenir », déplore encore M. Froger. Une vision qu’est loin de partager le ministère des affaires étrangères, qui dit continuer d’œuvrer pour libérer le Français. En matière d’enlèvement à caractère terroriste, « la discrétion est une condition essentielle », insistait encore le Quai d’Orsay au mois d’août. « C’est un moment d’autant plus compliqué qu’on est à l’approche d’un deuxième Noël sans Olivier pour sa famille, souffle Sonia Delesalle-Stolper, cheffe du service international de « Libé », avant de poursuivre : « C’est un père, un frère, un fils, un compagnon qui manque à ses proches, ce n’est pas une ombre ».

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En attendant, l’ancien journaliste d’Antenne 2, Philippe Rochot, otage au Liban pendant trois mois en 1986, fait confiance à Olivier Dubois pour s’appuyer sur ses qualités journalistiques afin de résister. « Il doit observer, interpréter, analyser chaque détail qui l’entoure, imagine-t-il, c’est souvent ça qui permet de tenir. »

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LJD

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