Plus d’autonomie et de liberté d’organisation du travail : les manageurs jouent l’individualisation contre l’individualisme

Plus d’autonomie et de liberté d’organisation du travail : les manageurs jouent l’individualisation contre l’individualisme

Le travail à la carte est-il d’actualité ? Les salariés pourront-ils à l’avenir choisir leur lieu de travail, leur organisation personnelle, voire leur statut d’emploi ? Les Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management créé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup, ont réuni mardi 8 février, à Paris et en distanciel, une dizaine de responsables des ressources humaines pour échanger sur la place de l’individu dans leurs entreprises.

L’aspiration des salariés à plus d’autonomie n’est pas nouvelle, mais elle va bien au-delà depuis la crise sanitaire qui, une fois encore, a servi d’accélérateur à une tendance de fond. Dans les entreprises, « durant la période de Covid, on a vu la montée de l’individualisme. Les DRH ont été confrontés à des prises de liberté de collaborateurs, qui ont déménagé sans le signaler par exemple. Pour 40 % de nos entreprises membres, les liens avec le collectif de travail se sont distendus. On a dû rappeler que l’individuel ne doit pas l’emporter sur le collectif », témoigne Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’Association nationale des DRH.

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Dans la petite entreprise de sécurité Panthera, « on s’est intéressé de plus en plus aux préoccupations de nos salariés. Ils n’hésitent plus à faire des demandes personnelles sur le logement ou le salaire. Ce sont autant de frustrations quand elles ne sont pas acceptées », déplore le DRH, Alexis Berthel. « Il y a lindividualisation souhaitable et celle qui l’est moins », résume Franck Bodikian, le DRH de ManpowerGroup France.

Individualisation croissante

Le renforcement de la place de l’individu dans son rapport au travail recouvre en fait deux notions, a introduit André-Yves Portnoff, spécialiste de la sociologie des organisations. « Il faut distinguer l’individualisme qui désigne le repli sur soi du salarié qui cherche à progresser pour lui-même, sans se soucier des autres, de l’individualisation, à savoir l’aspiration à plus de liberté pour construire sa vie selon ses propres valeurs et ses impulsions. C’est cette deuxième notion qui progresse. »

Les statistiques d’European Values Survey confirment que l’individualisation ne cesse de croître. Elle est ainsi passée de 27 % à 35 % entre 1999 et 2017, tandis que l’individualisme a reculé de 65 % à 54 % sur la même période dans les vingt-deux pays européens étudiés. « Beaucoup plus qu’il y a vingt ans, les salariés veulent réussir quelque chose, prendre des initiatives et aussi, évidemment, être bien rémunérés. Près du tiers des Français déclarent qu’un bon travail doit être utile pour la société, pas seulement pour l’entreprise », ajoute M. Portnoff. L’individualisation serait ainsi le vecteur de la recherche d’un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle, constatée par la majorité des DRH présents, et d’une quête de sens.

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