Patrick Artus : « L’élévation des compétences des salariés âgés est la grande absente de la réforme des retraites »
Le gouvernement français a défini les principes d’une réforme des retraites : passage à 64 ans de l’âge légal de la retraite ; passage accéléré à quarante-trois années de cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein ; prise en compte des carrières longues et de la pénibilité du travail.
Il ne sera pas question ici de débattre de la nécessité de cette réforme ni de son caractère plus ou moins juste, mais d’en souligner deux aspects : d’abord, son insuffisance, compte tenu du déficit du taux d’emploi des 60-64 ans et de l’absence de mesures de formation et de reconversion des salariés âgés ; ensuite, son incapacité à assurer l’équilibre financier du système de retraite du secteur privé au-delà de 2030.
On sait qu’un problème essentiel du marché du travail en France est le niveau trop bas du taux d’emploi (c’est-à-dire la proportion de la population de 15 à 64 ans qui est en emploi). Ce taux était en 2021 de 67,2 % contre 75,8 % en Allemagne, 74,7 % au Royaume-Uni et 75,4 % en Suède par exemple. Si la France avait le taux d’emploi de l’Allemagne, les recettes fiscales seraient d’environ 13 % plus élevées et, à dépenses publiques inchangées, le budget dégagerait un excédent de 1,5 point de produit intérieur brut (PIB), au lieu d’un déficit de 5 points !
Naïveté
L’insuffisance du taux d’emploi en France ne tient pas seulement au sous-emploi des seniors (plus de 60 ans) : il n’explique que 7 % de l’écart total de taux d’emploi entre l’Allemagne et la France ; 35 % de cet écart s’explique par l’écart entre les taux de chômage des jeunes (de 15 à 29 ans), et 25 % par l’écart entre les taux de chômage des adultes (de 30 à 59 ans).
Le gouvernement estime que la réforme des retraites telle qu’elle est calibrée augmentera de 6 points le taux d’emploi des personnes âgées de 60 à 64 ans. Cela correspond à une hausse du taux d’emploi global de 0,8 point seulement. La réforme proposée ne résout donc que très partiellement le problème de la faiblesse du taux d’emploi et donc de la productivité en France.
La variable qui explique le mieux les écarts de taux d’emploi entre les pays de l’OCDE n’est en effet pas l’âge légal de la retraite, mais le niveau des compétences de la population active, mesuré par l’enquête « Piaac » (Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes) de l’OCDE. On peut ainsi estimer que si la France avait le niveau des compétences de l’Allemagne tel qu’il est mesuré par cette enquête, le taux d’emploi global y serait plus élevé de 5,2 points, et le taux d’emploi des 60-64 ans de 9 points. Le défaut de compétences en France, y compris des salariés âgés, explique beaucoup mieux le déficit de taux d’emploi que l’âge légal de départ à la retraite.
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