L’acquisition des actions d’Air France-KLM

L’achat de 12,68 % du capital de la compagnie à travers un raid boursier sonne comme une proclamation de guerre.
Une annonce de guerre ! Par surprise, les néerlandais ont éclairci, mardi 26 février, la prise, pour 680 millions d’euros, de 12,68 % du capital d’Air France-KLM. Une première étape, selon Wopke Hoekstra, ministre des finances néerlandais. Le but des Pays-Bas est de soutenir leur collaboration à 14 % pour l’installer au niveau de celle de la France, premier actionnaire d’Air France-KLM avec 14,29 % du capital.
Du côté néerlandais, cette invasion boursière forme « une étape décisive pour la protection des intérêts néerlandais », a déclaré M. Hoekstra. « L’acquisition de cette participation nous assure un siège à table », a-t-il encore ajouté. Tenu à l’écart de ce coup de force capitalistique, avisé uniquement une heure avant l’annonce officielle, le gouvernement français a accusé le coup. Le ministre des finances, Bruno Le Maire, a remarqué cette montée au capital « qui s’est faite sans information du conseil d’administration ni du gouvernement français ». « Je réaffirme mon appui à la politique de l’entreprise et de son management. Il est indispensable d’honorer les principes de bonne gouvernance et qu’Air France-KLM soit administré dans l’esprit de son intérêt social sans interférence étatique nationale », a-t-il mentionné.
Pour d’Air France-KLM, on se repoussait à tout interprétation avant la tenue, mercredi, d’un conseil d’administration exceptionnel. Toutefois, la direction ne devrait pas rester sans réaction. Les administrateurs devaient considérer la légalité de l’opération capitalistique menée par la banque ABN Amro choisie par le gouvernement néerlandais.
L’attribution, au cœur de l’été 2018, de M. Smith a changé les relations entre Air France et sa filiale KLM
Ce blitzkrieg boursier marque la réparation des hostilités entre Ben Smith, directeur général d’Air France-KLM, et la direction de KLM, symbolisée par son directeur général, Pieter Elbers. Les tensions se sont dévoilées au grand jour quand le nouveau patron canadien du groupe a voulu assurer son pouvoir sur la direction de la filiale néerlandaise.
Un objectif éclairci par sa volonté de siéger au conseil de surveillance de KLM. Jamais, depuis 2003 et le rachat de KLM par Air France, les annonciateurs de M. Smith n’avaient pu ou voulu réussir d’y faire leur entrée. La direction de KLM, appuyée par des syndicats de la compagnie et les autorités néerlandaises, a tout tenté pour s’y objecter. Allant même jusqu’à susciter une pétition de soutien à Pieters Elbers, signée par près de 25 000 personnes ces derniers jours. En vain. Après s’être entretenu, le 15 février, à Amsterdam, avec les ministres des finances et des transports néerlandais, M. Smith avait, in fine, réussi leur feu vert pour intégrer le conseil de surveillance de KLM. En contrepartie, M. Elbers a sauvé sa tête, réussissant l’assurance de la régénération de son mandat qui arrive à échéance en avril.








Pour changer l’assurance-chômage, la puissance veut aller vite tout en ouvrant amplement le débat. C’est, en substance, ce qu’ont averti le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors d’une conférence de presse, mardi 26 février. Les mesures, dont la teneur certaine reste à définir, feront l’objet d’un décret susceptible d’être diffusé au Journal officiel durant la deuxième quinzaine d’avril. Elles devraient être mises en œuvre pendant l’été – le calendrier n’étant pas encore précisément arrêté.
Ces indications ont été attribuées six jours après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux pour préparer une nouvelle convention Unédic – le texte qui définit les règles appropriées au régime d’indemnisation des chômeurs. Le patronat et les syndicats n’ayant pas réussi à trouver un accord, le gouvernement est aujourd’hui amené à prendre le relais. Un dossier que M. Philippe et Mme Pénicaud inscrivent dans la suite d’autres réformes pour améliorer le fonctionnement du marché de l’emploi : les ordonnances de septembre 2017, qui ont réécrit le code du travail, et la loi « avenir professionnel » de septembre 2018, qui a chamboulé l’apprentissage et la formation continue tout en apportant de premiers changements à l’assurance-chômage (avec, entre autres, son accroissement aux indépendants et aux salariés démissionnaires qui ont un nouveau projet de carrière).
Dans sa démarche, l’exécutif reste fidèle aux orientations de la feuille de route que Matignon avait donnée en septembre 2018 aux organisations de salariés et d’employeurs pour cadrer leurs discussions. Ce document fixe plusieurs objectifs : lutter la précarité, répondre « aux besoins en compétences des entreprises » (certaines d’entre elles ayant de plus en plus de mal à recruter la main-d’œuvre qu’elles recherchent), diminuer la dette du régime – qui a atteint 35 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre 2018, etc.
Mardi, le gouvernement a pareillement confirmé quelques-unes des pistes qu’il entend explorer. Premier axe : juguler l’inflation des contrats courts – ceux « d’un mois et moins » ayant été multipliés par 2,5 entre 2000 et 2016. Les CDD d’une telle durée concernent, à 80 %, des salariés qui sont réemployés durablement par le même employeur – soit, au total 400 000 personnes. Pour stopper cette dérive, M. Philippe et Mme Pénicaud veulent « responsabiliser » les entreprises : après avoir obtenu une modération du code du travail, celles-ci doivent maintenant renvoyer l’ascenseur et accorder des « contreparties », dans l’esprit de l’exécutif.
Modalités de calcul
L’hypothèse du bonus-malus est nettement « sur la table », a montré le premier ministre mardi. Cet instrument constitue « une solution » et « personne ne nous [en] a proposé à ce stade [de] meilleur », a abouti M. Philippe. Inscrit dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron, ce dispositif majore les cotisations des sociétés où le personnel tourne fréquemment, et diminue celles des employeurs dont les effectifs sont stables. A ce stade, rien n’est concilié mais le président de la République a, plusieurs fois, exprimé son intention de concrétiser cet engagement, le ministère du travail ayant, pour sa part, indiqué que le dispositif était prêt.
La réforme pourrait aussi se traduire par une remise en cause du niveau maximal de l’allocation-chômage (un peu plus de 6 600 euros net par mois). Mardi, M. Philippe a affirmé qu’il fallait « revoir » ces règles d’indemnisation pour les « salaires élevés ». Un scénario de nature à punir les demandeurs d’emplois qui avaient une rétribution importante puisque l’allocation dépend des dernières fiches de paye : les cadres oseraient donc d’être touchés. Le pouvoir en place étudie cette option en invoquant le fait que le plafond d’indemnité en France est nettement plus haut que celui en vigueur chez nos voisins européens.
Finalement, les modalités de calcul et d’octroi de l’apport devraient être reconsidérées, car l’exécutif observe qu’elles n’incitent pas, dans certaines situations, à admettre un poste, dans la durée. Sont particulièrement dans le collimateur les règles acceptant d’entasser un salaire et une allocation. « Une personne qui travaille à mi-temps au smic perçoit un salaire de 740 euros par mois. Mais si elle alterne quinze jours de chômage et quinze jours de travail dans un mois, elle comprendra un revenu de 960 euros. Ce n’est pas normal », avait dénoncé Mme Pénicaud, dans un entretien au magazine Challenges, mi-janvier.
Dans les jours suivants, la ministre du travail souhaite apercevoir les leaders patronaux et syndicaux, remarquables à l’échelon interprofessionnel. Ultérieurement, et jusqu’à la fin mars, voire au-delà, plusieurs dizaines de réunions faudrait se tenir, rue de Grenelle, avec de nombreux acteurs : associations de chômeurs, mouvements d’employeurs avec une assistance moins importante que celle du Medef, aménagements de salariés non représentatives… Un exercice très exceptionnel puisque jusqu’à présent, seuls les associés sociaux ayant voix au chapitre au niveau national déposaient au point les conventions Unédic.