Air France : le syndicat des pilotes valide la politique de montée en gamme de la direction

Le SNPL a donné son aval à l’accord négocié avec les responsables de la compagnie, qui permet à ceux-ci de dérouler leur nouvelle stratégie, axée sur le « premium ».

Par Guy Dutheil Publié aujourd’hui à 11h16

Temps de Lecture 3 min.

Sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, au nord de Paris, en août 2018.
Sur le tarmac de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, au nord de Paris, en août 2018. JOEL SAGET / AFP

Sans surprise, le conseil du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), réuni mercredi 23 janvier, a donné son assentiment à l’accord négocié par le SNPL avec la direction d’Air France. Pour être approuvé, ledit accord devra être soumis, d’ici à la mi-février, au vote des adhérents. Ce scrutin ne devrait être qu’une formalité. Le rapprochement avec le SNPL illustre la lune de miel qui semble s’installer entre Benjamin Smith, le nouveau directeur général d’Air France-KLM, et les différentes catégories de personnels de la compagnie.

L’accord paraît équilibré, et ce pour les deux parties. Les navigants obtiennent l’augmentation qu’ils réclamaient depuis de longs mois. Ils revendiquaient une hausse de leur rémunération de 4,7 %. En définitive, ils devront se contenter, selon nos informations, de « 2 % à 3 % ». Cela s’ajoute aux 4 % – versés en deux fois –, déjà accordés par la direction à tous les personnels.

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En outre, Air France a aussi accepté de revaloriser les primes de vol de près de 20 euros. Une manière de rééquilibrer en partie les rémunérations des commandants de bord de moyen-courriers et ceux de long-courriers. Enfin, les pilotes ont approuvé une plus grande souplesse dans la gestion de leurs effectifs, notamment à l’occasion des départs en retraite. A partir de 60 ans, les navigants recevront une incitation financière pour étendre leur préavis de départ à douze mois au lieu de trois mois.

Après avoir apaisé le climat social et déminé le terrain sur le plan salarial, l’accord permet désormais à la direction de dérouler sa stratégie, axée sur le « premium ». En pratique, la compagnie va cibler principalement les passagers « à haute contribution », c’est-à-dire ceux qui achètent les places les plus chères en première classe, en classe affaires et en Premium Economy. Une démarche fondée sur le constat, comme le note Jean-Louis Barber, ancien président du SNPL, « qu’Air France est principalement une compagnie de grands comptes ». Cela signifie qu’elle est privilégiée par les entreprises hexagonales pour transporter leurs cadres dirigeants.

Rénovation des cabines

En vue d’accroître ses recettes, notamment auprès de cette clientèle de choix, Air France va rénover les cabines, en ajoutant des fauteuils dans les classes business et Premium Economy au détriment de la classe économie. Pour mettre en place cette stratégie, M. Smith a obtenu l’accord du SNPL afin d’en finir avec l’indicateur SKO (sièges au kilomètre offert) et lui préférer le certificat de navigabilité (CDN).

Le SKO permettait jusqu’à maintenant de comparer l’activité d’Air France avec celle de sa filiale KLM, en calculant le nombre de sièges et le nombre de kilomètres parcourus par les avions de chacune des deux compagnies. Le CDN fixe le nombre maximal de sièges autorisés dans un avion. Avec la mise en œuvre de ce nouvel indice, c’est la rentabilité des avions d’Air France et de KLM qui sera désormais mesurée.

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Selon l’accord, l’offre de fauteuils Premium d’Air France sera augmentée d’un peu moins de 10 % au cours des années à venir. Cette stratégie accentuera la différence de positionnement des deux compagnies. Aujourd’hui, KLM, qui opère uniquement des avions avec des cabines biclasse, business et économie, offre environ 25 % de sièges en plus qu’Air France, avec des cabines allant jusqu’à quatre classes : première, business, Premium Economy et économie.

Toutefois, les avions d’Air France rapportent plus, car leur recette par siège est supérieure. Pour accepter d’en finir avec l’indicateur SKO, les pilotes d’Air France ont obtenu une garantie de croissance de la flotte axée sur celle du produit intérieur brut français. A chaque fois qu’il dépassera 1 %, la flotte sera augmentée d’un avion.

Dans ce ciel sans nuages, des incertitudes demeurent. M. Smith n’a pas encore fait savoir où il allait trouver les centaines de millions d’euros nécessaires au financement des augmentations de salaires et à la montée en gamme. De plus, cette course aux passagers premium pourrait être contrariée en cas de nouvelle crise économique.

Guy Dutheil

En Allemagne, entre les salariés d’IG Metall et les sociaux-démocrates du SPD, un « muraille du CO2 »

Bernd Osterloh, président du conseil des salariés de Volkswagen, en novembre 2017, à Wolfsburg (Basse-Saxe).
Bernd Osterloh, président du conseil des salariés de Volkswagen, en novembre 2017, à Wolfsburg (Basse-Saxe). Bloomberg / Bloomberg via Getty Images

Anxieux pour leurs emplois depuis le « dieselgate », les cols bleus du syndicat IG Metall se détournent du grand « parti populaire » de gauche et se laissent tentés par l’extrême droite de l’AfD.

Une autre fois, la dernière fournée de sondages d’opinion n’a pas été favorable au Parti social-démocrate allemand (SPD). Selon une enquête de l’institut INSA, diffusée lundi 21 janvier, le grand « parti populaire » de gauche de jadis ne rassemble plus que 13,5 % des intentions de vote. Aux élections de l’automne 2017, où il avait enregistré le pire score de son histoire, il était encore à 20,5 %. Aujourd’hui, le SPD est relégué au troisième rang, derrière l’Union chrétienne (CDU/CSU), à 31 %. Largement dépassé par les écologistes (à 19,5 %), il est au coude-à-coude avec le parti d’extrême droite AfD, qui pointe à 13 %.

Avec l’arrivée d’une année électorale importante – outre les européennes, trois scrutins régionaux doivent avoir lieu en Allemagne en 2019 –, ces résultats sont très inquiétants pour le Parti social-démocrate. La formation a certes régulièrement vu reculer ses scores depuis dix ans, mais le net décrochage récent s’explique par un élément en particulier : le fossé grandissant entre deux franges de son électorat sur la question de l’environnement. Entre les ouvriers de l’industrie et les diplômés de l’enseignement supérieur, qui forment traditionnellement les deux piliers du SPD, se dresse désormais un « mur du CO2 », qui s’illustre sur les questions énergétiques (charbon), ainsi que dans l’automobile, l’industrie la plus exportatrice du pays, mais aussi la plus organisée.

Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur le discours de l’un des personnages les plus influents de la société civile allemande : Bernd Osterloh, le président du Betriebsrat (conseil des salariés) de Volkswagen (VW). Il est la voix des quelque 290 000 salariés du groupe en Allemagne, un personnage central du syndicat de l’industrie IG Metall, traditionnellement proche du SPD. Depuis quelques semaines, M. Osterloh multiplie les attaques contre le parti, dont il est membre, qu’il accuse de ne pas assez défendre les intérêts des ouvriers et les emplois dans l’automobile, menacés par un passage forcé et trop rapide à l’électrique, estime-t-il.

« Un nouveau défi énorme »

« Les responsables politiques nous ont placés, peu avant les fêtes de fin d’année, devant un nouveau défi, qui est énorme : la réduction de 37,5 % de la limite des émissions de CO2 à partir de 2030. Je me demande si les décideurs, à Bruxelles et à Berlin, ont bien conscience de ce qu’ils font aux salariés de l’industrie automobile », a-t-il déclaré, dans une lettre envoyée au personnel avant les congés de fin 2018, dont Le Monde a obtenu une copie. Il redoute la disparition de milliers d’emplois. « Je pense que les salariés de l’industrie automobile sauront discerner, lors des élections à venir, quel parti démocrate représente au mieux leurs intérêts. Lequel oublie la durabilité sociale de milliers d’emplois, tout en se faisant célébrer dans les quartiers chics des grandes villes en imposant des limites d’émissions trop sévères », a-t-il annoncé, dans une référence à peine voilée au SPD.

Guy Ryder, dirigeant de l’OIT : « Le monde du travail est cause d’inégalités »

L’Organisation internationale du travail a exposé, mardi, un rapport sur le futur du travail. Son directeur général dresse les visions d’avenir de l’organisation.

Le secrétaire général de l’OIT, Guy Ryder (à droite), et le président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, lors du lancement du rapport « Travailler pour bâtir un monde meilleur », mardi 22 janvier, à Genève.
Le secrétaire général de l’OIT, Guy Ryder (à droite), et le président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, lors du lancement du rapport « Travailler pour bâtir un monde meilleur », mardi 22 janvier, à Genève. Photo : R. Bx.

L’Organisation internationale du travail (OIT), qui rassemble les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs de 187 Etats, fête son centenaire en 2019. Son secrétaire général (depuis 2012), Guy Ryder, ex-secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) puis de la Confédération syndicale internationale (CSI), explique au Monde quel rôle peut jouer cette organisation des Nations unies, à l’occasion de la parution, mardi 22 janvier, d’un rapport sur le futur du travail, « Travailler pour bâtir un avenir meilleur ».

Alors que l’OIT s’apprête à fêter ses cent ans, le constat que vous tirez est difficile, avec l’accroissement des inégalités dans le monde.

En effet, nous traversons une période d’inégalités croissantes. Ce n’est pas seulement un fait, c’est un problème. Aujourd’hui cette analyse est amplement partagée, comme l’indique l’agenda 2030 d’objectifs de développement durable (ODD) retenu par les Nations unies. Jusqu’à peu, il était difficile d’établir un consensus sur cette réalité. Le monde du travail n’en est pas la victime, il est lui-même facteur d’inégalités, avec les salaires, les rémunérations des dirigeants, etc.

De fait, le futur du travail se retrouve au centre du débat. Les questions de justice sociale sont prioritaires. Cette carence de justice fait réagir les gens partout dans le monde. On le voit en France avec les « gilets jaunes ». Il faut répondre sur ce point et ainsi protéger la stabilité des sociétés. Ce constat était vrai il y a cent ans déjà.

Cela signifie-t-il que l’OIT n’a pas été efficace, n’a pas su répondre aux défis du siècle dernier ?

Est-ce à dire que rien n’a été fait ? Non ! Le monde du travail n’est pas comparable aujourd’hui à ce qu’il était au début du XXe siècle. Les conditions de travail se sont beaucoup progressées, si l’on considère par exemple le travail des enfants. Mais les défis demeurent en partie les mêmes. Il reste beaucoup à faire.

Nous n’avons jamais vécu une période de transformation de nos sociétés comme celle que nous connaissons actuellement, qui affecte autant les relations du travail. L’impact est ressenti par tout le monde, mais pas toujours compris par les personnes qui sont touchées. Comme elles ne maîtrisent pas ces changements, cela crée de l’inquiétude, puis de la frustration et de la colère.

Les nouvelles technologies arrivent en force, des entreprises géantes sont créées dans l’économie numérique. On assiste à une atomisation de l’emploi, un développement de l’informel. Tous ces bouleversements sont pénibles à appréhender.

Assurance-chômage : « Parcours de retard » entre patronat et syndicats

La huitième séance de discussions, mardi, a de nouveau achoppé sur la question de la régulation des contrats courts. Les négociations sont prolongées jusqu’au 20 février.

La logique voudrait que leur discussion cesse, au vu du gouffre qui les sépare. Mardi 22 janvier, à l’occasion d’une huitième séance de débats sur l’assurance-chômage, les partenaires sociaux ont, pour la énième fois, démontré l’ampleur de leurs divergences à propos d’un sujet-clé : la résorption de la précarité dans le monde du travail.

Comme prévu, les mouvements d’employeurs ont refoulé une proposition des organisations de salariés, visant à instaurer un bonus-malus afin de contenir la prolifération des contrats courts. Cette fin de non-recevoir n’a pas, pour autant, provoqué de conflit. Les acteurs veulent prolonger leurs échanges, même s’ils tournent à la « course de lenteur », selon la formule de Denis Gravouil (CGT). Deux réunions supplémentaires auront lieu, les 14 et 20 février.

La délégation patronale a procédé avec méthode, mardi. D’abord, tailler en pièces tout système de bonus-malus qui augmenterait les cotisations des entreprises dont la main-d’œuvre tourne fréquemment. Une « mauvaise idée », d’après Hubert Mongon (Medef), car elle « risquerait de freiner l’activité », de fragiliser plus encore les sociétés déjà « en difficulté » et de peser « sur les gains de productivité ». « Présentation à charge d’une piste qu’ils n’ont jamais voulu ouvrir », a objecté Marylise Léon (CFDT). Les parties en présence ont cependant disserté durant plus d’une heure sur la problématique pour aboutir à la conclusion, prévisible, qu’aucun terrain d’entente ne pourrait être trouvé.

Intérêt poli

Puis est venu le temps des « proposions alternatives », portées par le patronat pour favoriser « l’accès durable à l’emploi » et « sécuriser le parcours » des personnes. Une douzaine de résultats ont été déclinées, dont plusieurs s’inspirent de conventions de branches récemment signées : favoriser le recrutement en « contrat long » des salariés ayant enchaîné des contrats courts, améliorer la régulation des CCD d’usage (un statut particulièrement flexible), promouvoir les groupements d’employeurs – un dispositif où la main-d’œuvre partage son temps de travail entre plusieurs sociétés, etc.

Certains avis ont suscité un intérêt poli, du côté de la CFDT et de la CFE-CGC. Par exemple, celle accordant la priorité à l’embauche des individus effectuant des CDD à répétition. D’autres, au contraire, ont été vues par toutes les centrales comme des « lignes rouges » à ne pas passer : ainsi en va-t-il du recours facilité aux heures complémentaires pour les personnes à temps partiel. Mais, au total, la copie patronale a été jugée insuffisante : « Il n’y a aucun effort de fait par les entreprises, a lâché Michel Beaugas (FO). Ça ne sécurise que les [employeurs]. »

Dès lors, à quoi bon poursuivre la négociation ? Elle « n’a pas [débuté], on ne va pas la quitter », a expliqué M. Gravouil. « Les vraies [discussions] commenceront le 31 janvier », a renchéri Jean-François Foucard (CFE-CGC). Ce jour-là, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) doivent découvrir un projet d’accord, avec – entre autres – des mesures sur les paramètres d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Elles s’annoncent rudes, aux yeux des syndicats, car le patronat entend respecter la « trajectoire financière » fixée par le gouvernement : permettre à l’assurance-chômage d’économiser 3 à 3,9 milliards d’euros en trois ans. Les représentants des organisations de salariés veulent donc continuer à croiser le fer pour, annoncent-ils, s’opposer à un texte synonyme de réduction des droits pour les chômeurs.

Position gênante

Dans cette condition, la probabilité de parvenir à un compromis apparaît très faible, de prime abord. « On va droit dans le mur », pronostique M. Gravouil. Mais une autre issue est possible : celle d’un « accord » a minima, paraphé par le patronat et une partie des organisations syndicales, qui ne contiendrait aucun mécanisme nouveau de majoration des cotisations ni de dispositions trop douloureuses pour les demandeurs d’emploi. Un tel scénario n’est pas à écarter : la CFTC et la CFDT se sont dites prêtes à mettre en balance le bonus-malus avec les propositions des mouvements d’employeurs.

Si cette hypothèse s’accomplit, l’exécutif se retrouvera dans une position inconfortable : soit il entérine l’accord, ce qui impliquera de renoncer à l’objectif d’économies et au bonus-malus – promesse de campagne d’Emmanuel Macron ; soit il le rejette pour pouvoir aller au bout de ses desseins mais avec le risque d’être, une fois de plus, dénoncé de piétiner les corps intermédiaires.

L’OIT étude des solutions pour l’avenir du monde du travail

Dans un rapport exposé mardi à Genève, l’organisation onusienne, qui fête ses cent ans, fait une série de propositions pour répondre aux challenges posés par les nouvelles formes de travail.

Le président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa (à gauche), et le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), Guy Ryder, lors de la présentation du rapport de l’OIT sur l’avenir du monde du travail, à Genève, le 22 janvier.
Le président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa (à gauche), et le directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), Guy Ryder, lors de la présentation du rapport de l’OIT sur l’avenir du monde du travail, à Genève, le 22 janvier. Reuters Staff / REUTERS
Quels seront les défis que devra faire face le monde du travail demain ? Alors qu’elle fête ses 100 ans cette année, l’Organisation internationale du travail (OIT) présente des propositions afin de « travailler pour bâtir un avenir meilleur », ainsi que l’indique le titre du rapport qu’elle a présenté à Genève, mardi 22 janvier. L’enjeu est d’importance pour l’institution, née en 1919 au lendemain de la première guerre mondiale et qui, à présent, regroupe sous une forme tripartite unique au sein des Nations unies 187 Etats membres avec représentation des gouvernements, des employeurs et des travailleurs pour chacun d’eux.

Un siècle après avoir écrit dans sa Constitution que son but était d’atteindre « la plénitude de l’emploi et l’élévation des niveaux de vie », « une protection adéquate de la vie et de la santé des travailleurs », ou que « la pauvreté, où qu’elle existe, constitue un danger pour la prospérité de tous », force est de constater que le chemin à parcourir est encore long. « Est-ce à dire que rien n’a été fait ? Non. Le monde du travail n’est pas comparable aujourd’hui à ce qu’il était au début du XXe siècle, a fait valoir au Monde Guy Ryder, le directeur général de l’OIT. Mais les défis demeurent en partie les mêmes. Il reste beaucoup à faire. »

L’intérêt du rapport, qui brosse un tableau des nouvelles formes du travail et des conséquences qu’elles impliquent en matière de réponse politique et sociale, est de partir d’un constat sans concession : 190 millions de personnes au chômage en 2018 – dont 65 millions de jeunes –, 300 millions d’ouvrier pauvres (c’est-à-dire vivant avec moins de 1,7 euro par jour), 2 milliards de personnes dans l’emploi inorganisé, plus d’un tiers de la main-d’œuvre mondiale travaillant plus de quarante-huit heures par semaine… Sans oublier les 20 % d’écarts salariaux entre hommes et femmes ou les salaires en berne (1,8 % de croissance en 2017, contre 2,4 % l’année précédente).

Ces difficultés « menacent également de saper les normes de prospérité partagée qui ont maintenu les sociétés unies, en érodant la confiance dans les institutions démocratiques. Par ailleurs, la hausse de l’insécurité et de l’incertitude alimente l’isolationnisme et le populisme », soulignent les membres de la commission chargée, depuis 2017, de la rédaction du rapport, sous l’égide du président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, et du premier ministre suédois, Stefan Löfven. Pour Guy Ryder, les crises sociales, dont le mouvement des « gilets jaunes » en France, affirment des conséquences d’une inégalité croissante dans le monde.

« Respecter des socles de droit et de protection »

Existante au lancement du rapport, Anousheh Karvar, déléguée du gouvernement français auprès de l’OIT et ex-secrétaire nationale de la CFDT, estime que, si les inégalités entre pays ont diminué, elles explosent au sein même des pays. « Le populisme est aussi une demande de protection des peuples, dans le repli, et il faut éviter que cela se traduise par du protectionnisme comme cela voit dans nombre de pays. »

Pour l’OIT, le travail du futur sera manifesté par les progrès technologiques, l’intelligence artificielle, l’automatisation et la robotique. Ils « créeront beaucoup d’emplois, mais ceux qui perdront le leur au cours de cette transition seront peut-être les moins bien armés pour saisir les nouvelles possibilités », avance le rapport. L’une des suggestions est la création d’un « droit universel à l’apprentissage tout au long de la vie qui donne la possibilité d’acquérir des compétences, de les actualiser et de se perfectionner ». La technologie doit également permettre d’atteindre un équilibre et d’atténuer les pressions qu’engendre « une démarcation de plus en plus floue entre temps de travail et temps consacré à la vie privée ».

Parmi sa dizaine de propositions, l’OIT évoque l’exigence d’un système de gouvernance internationale pour les plates-formes de travail numérique, afin qu’elles et leurs clients « respectent des socles de droit et de protection ». Si la commission n’a pas retenu l’exigence d’un revenu universel, elle veut assurer « une protection sociale universelle de la naissance à la vieillesse ».

Répondre aux enjeux de demain admet aussi à prendre en compte, « la valeur du travail non rémunéré accompli au sein des ménages ou des communautés, et des externalités de l’activité économique, comme la dégradation de l’environnement » par exemple. En outre, les investissements dans l’économie verte, l’économie rurale ou celle du soin nécessiteront être accrus.

 

 

VTC : Uber et Cabify menacent abandonner la ville de Barcelone

Le gouvernement régional catalan cède aux demandes des taxis, qui bloquent la ville espagnole depuis lundi.

Un VTC de la société espagnole Cabify, bloqué par des chauffeurs de taxi espagnols, mardi 22 janvier, à Barcelone.
Un VTC de la société espagnole Cabify, bloqué par des chauffeurs de taxi espagnols, mardi 22 janvier, à Barcelone. JOSEP LAGO / AFP
C’est une réussite pour les chauffeurs de taxi de Catalogne face aux grands noms des VTC, Uber et Cabify. Dès lundi 28 janvier, les usagers des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) seront obligés de réserver leur trajet quinze minutes à l’avance au minimum. Un délai qui devrait être porté à une heure dans les prochaines semaines. Selon l’association majoritaire, qui regroupe les conducteurs des plates-formes de mise en relation entre chauffeurs et passagers Uber (Etats-Unis) et Cabify (Espagne), « les VTC devront abandonner la ville de Barcelone ».« La Generalité [le gouvernement catalan] a cédé au pression des taxis, a réagi le président de l’association majoritaire des VTC en Catalogne Unauto VTC, Josep Maria Goñi, mardi 22 janvier, à la sortie d’une réunion de plus de trois heures avec le ministre régional des territoires, Damia Calvet (indépendantiste), et les représentants du secteur du taxi. Le décret nous oblige à fermer les entreprises. »Après cinq jours de grève et de fermeture des principales artères de Barcelone, émaillés de violence, le gouvernement régional estime pour sa part avoir trouvé un bon compromis. M. Calvet a défendu la « solidité juridique et la proportionnalité économique du décret », qu’il s’est engagé à agréer mardi 29 janvier et à faire aussitôt entrer en vigueur. Selon le ministre régional, les quinze minutes d’avance fixées sont « suffisantes pour différencier les deux activités » des taxis et des VTC. Mais il a transféré à l’Aire métropolitaine de Barcelone, présidée par la maire de gauche et ancienne militante pour le droit au logement, Ada Colau, la capacité d’augmenter ce délai, comme elle l’a proposé, à une heure.

« Destruction de plus de 3 000 emplois »

Le décret envisage aussi d’interdire aux VTC l’utilisation de la géolocalisation, qui permet aux utilisateurs de voir où se trouvent les véhicules les plus proches. En outre, ces derniers ne pourront pas circuler dans la rue ni stationner sur la voie publique s’ils n’ont pas de course assignée.

Le représentant des chauffeurs de taxi, Alberto Alvarez, s’est dit « satisfait » des contestations, mais il devait attendre l’assemblée, convoquée mercredi 23 janvier, pour décider de lever ou non la grève. Les chauffeurs de taxi exigeaient initialement qu’un délai minimum de douze heures entre la réservation et la prestation du service soit imposé aux VTC.

Dans un communiqué, l’association Unauto VTC a critiqué « une mesure sans précédent » et confirmé que « les restrictions annoncées supposent la disparition, en Catalogne, du secteur des VTC (…) et la destruction de plus de 3 000 emplois », tout en assurant « étudier toutes les mesures légales pour lutter contre cette régulation injuste, décidée par le secteur du taxi et encouragée sous des menaces inacceptables dans un Etat de droit ».

Chantage de blocage de la frontière

Dernièrement à Barcelone, les taxis ont bloqué les grandes avenues, l’accès au port et à l’aéroport, et s’en sont pris violemment à des VTC. Selon les Mossos d’Esquadra, la police régionale, plus de 70 plaintes ont été déposées. Mardi matin, le porte-parole de l’association Elite Taxi et principal porte-parole des manifestants, Alberto Alvarez, avait avisé qu’il s’était mis en contact avec les chauffeurs de taxi et les « gilets jaunes » français pour éventuellement bloquer la frontière.

Tous les regards sont à présent sur Madrid, où les chauffeurs de taxi ont commencé, lundi 21 janvier, une grève générale à durée indéterminée. L’un d’eux a été renversé par un VTC, alors qu’il bloquait l’autoroute A2. Dans la capitale, le gouvernement régional a annoncé qu’il « ne cédera pas ». « Je ne suis pas disposé à légiférer pour expulser un secteur, a déclaré le président conservateur de la région de Madrid, Angel Garrido, à la sortie d’une réunion houleuse avec les chauffeurs de taxi. Ceux qui le croient se sont trompés et ils peuvent mener les contestations qu’ils veulent. » L’enjeu est de taille. La Foire internationale du tourisme, où 250 000 personnes sont attendues, devait ouvrir mercredi. Or, dans la matinée, les taxis fermaient son accès.

La gérance de l’ère digitale par les responsables

L’essai « Mutation numérique et responsabilité humaine », codirigé par les philosophes Valérie Julien Grésin et Yves Michaud, appelle à réfléchir sur notre façon de vivre et de contribuer aux équilibres nécessaires pour gérer avec humanisme et pragmatisme les impacts de la révolution numérique.

« Mutation numérique et responsabilité humaine des dirigeants », de Valérie Julien Grésin et Yves Michaud. Odile Jacob, 240 pages, 24,90 euros.
« Mutation numérique et responsabilité humaine des dirigeants », de Valérie Julien Grésin et Yves Michaud. Odile Jacob, 240 pages, 24,90 euros.

Le évolution en cours du seul domaine de l’IA pourrait engendrer une croissance mondiale de 14 % d’ici à 2030, représentant la plus forte opportunité de développement commercial de l’économie actuelle, révèle une étude du cabinet PwC. En même temps, un rapport du CNRS sur le grand gâchis énergétique du numérique rappelle que l’ensemble des technologies numériques que nous utilisons représentent près de 10 % de la consommation mondiale d’énergie.

Et les outils numériques, souvent sous-utilisés, sont fabriqués avec des matériaux aux conditions d’extraction très inégales. Leur recyclage est difficile et limité. Médiateur du meilleur comme du pire, l’essor des technologies numériques questionne nos équilibres planétaires et l’évolution de notre propre manière de vivre. Les dirigeants d’entreprise devront de plus en plus fréquemment répondre de ses conséquences. Codirigé par Valérie Julien Grésin, docteure en philosophie et dirigeante du cabinet ASM Conseils, et le philosophe Yves Michaud, Mutation numérique et responsabilité humaine des dirigeants appel à réfléchir sur la manière de contribuer aux équilibres nécessaires pour gérer avec humanisme et pragmatisme les impacts de la révolution numérique.

En plus de ses effets sur la consommation énergétique, les inégalités sociales, l’ordre politique et économique mondial, la mutation numérique influence aussi la capacité de pensée : nous avons de plus en plus d’accès à une information toujours plus abondante, avec de moins en moins de possibilités d’en garder la mémoire. Nous avons l’impression d’être de plus en plus libres de nous exprimer, alors que tout ce qui aura été dit pourra éventuellement un jour se retourner contre nous…

Pour optimistes vigilants

L’ouvrage ne regrette pas du tout un irénique âge d’or de rapport sans risque de l’homme aux outils qu’il crée. Il a plutôt été conçu « pour des optimistes vigilants pour qui le pire n’est jamais sûr tant que la lucidité et la bonne volonté animées d’un amour de l’humanité prévalent sur les enjeux de domination de toutes sortes », déclare les auteurs.

Le numérique est aperçu sous l’angle d’une mutation dont nous pourrions encore orienter le cours pour en mesurer et limiter les risques : le livre propose au lecteur quelques repères pour éclairer les décisions, « en particulier de ceux qui conçoivent, financent, produisent, gèrent ces technologies, au premier rang d’entre eux, les décideurs du monde économique mais aussi chacun des laborieux que nous sommes, chacun des épargnants contributeurs à l’activité économique, nous tous dont la responsabilité est devenue sociétale, compte tenu de la perméabilité entre économique et politique ».

 

Les free-lance : les grands oubliés des directions des RH

C’est fréquemment la pénurie de talents qui impose une réflexion sur la gérance et la fidélisation des collaborateurs « indépendants ».

« La place des free-lances est en pleine expansion en France. Environ 10 % des actifs français sont des travailleurs non salariés. Leur place augmente d’autant plus qu’elle correspond à une forte aspiration. La condition de free-lance est d’abord un choix pour 90 % d’entre eux.
« La place des free-lances est en pleine expansion en France. Environ 10 % des actifs français sont des travailleurs non salariés. Leur place augmente d’autant plus qu’elle correspond à une forte aspiration. La condition de free-lance est d’abord un choix pour 90 % d’entre eux. Eric Audras/PhotoAlto / Photononstop

Sylvie le reconnaît : « C’est un peu la débrouille ». Dans son agence d’événementiel où l’on recourt souvent à des free-lances, « chaque chargé de clientèle constitue son petit cheptel d’indépendants comme il le peut, par le bouche-à-oreille, en cherchant sur Internet… Il y a bien un fichier qui circule, mais il n’est pas très fiable, et pas à jour. La seule consigne qu’on nous ait donnée : prendre les meilleurs, au moindre prix ». Dans cette agence dépendant à un grand groupe, la question du recrutement des free-lances n’a jamais été réfléchie en interne. « Alors, que dire de celle du conduite et de leur fidélisation… On est très loin d’avoir une stratégie sur le sujet ! », poursuit Sylvie.

Son entreprise n’a rien d’une particularité. Dans plusieurs grandes organisations, on répond ainsi par un silence gêné aux questions sur la gestion de ses free-lances. « On constate un certain aveuglement et peu de réflexion sur le sujet, confirme Laëtitia Vitaud, auteure en 2017 d’une étude Malt/Ouishare sur le free-lancing en France et enseignante à Sciences Po et Paris-Dauphine. Des directions de ressources humaines ne savent d’ailleurs pas exactement combien de free-lances travaillent dans leur entreprise. Il y a donc un réel décalage entre ce faible intérêt d’un côté et, de l’autre, le recours désormais important à des ressources externes dans les grandes organisations ».

De fait, la place des free-lances est en pleine augmentation en France. Le nombre de ces développeurs, designers et autres communicants indépendants a augmenté de 126 % en dix ans selon l’étude Malt/Ouishare. « On en compte aujourd’hui un petit million », indique Mme Vitaud. Au total, environ 10 % des actifs français sont des travailleurs non salariés. Leur place augmente d’autant plus qu’elle correspond à une forte aspiration. Ainsi, loin d’être subie, la condition de free-lance est d’abord un choix (pour 90 % d’entre eux). Un choix confirmé dans la pratique, une écrasante majorité (91 %) ne souhaitant pas revenir au salariat.

Un management approprié

L’amplification de cette catégorie de collaborateurs ne va pas sans complexifier l’organisation des entreprises. Les manageurs doivent travailler avec des salariés en présentiel, d’autres en télétravail mais également avec ces indépendants. Selon les entreprises et le type de mission, ils peuvent travailler dans les locaux de la société ou à distance, mènent parfois des missions en parallèle avec d’autres structures, n’ont pas forcément un sentiment d’appartenance, encore moins la culture de l’entreprise. « On a moins de prise sur eux », reconnaît le cadre d’un grand groupe.

Peut-on monnayer les jours de congés non pris ?

S’ils n’ont pas pris leurs jours de congés compensateurs, la loi prévoit que les salariés dits « en forfait jours » puissent y renoncer en contrepartie d’une majoration de salaire d’au moins 10 %.

«  Le salarié en forfait jours continue de bénéficier des garanties légales prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de congés payés et de jours fériés chômés dans l’entreprise. »
«  Le salarié en forfait jours continue de bénéficier des garanties légales prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de congés payés et de jours fériés chômés dans l’entreprise. » Matthias Kulka/Flirt / Photononstop

La question d’un incertain « rachat » par l’employeur des jours de repos non pris par les salariés dits « en forfait jours » peut se poser en ce début d’année. Mais à quelle condition ces repos non pris peuvent-ils être rachetés ?

Pour rappel, le forfait jours est une organisation du temps de travail qui déroge aux règles du calcul de la durée hebdomadaire du travail, aux durées maximales journalières et hebdomadaires de travail et, dès lors, au paiement d’heures supplémentaires en fixant un nombre fixe de jours de travail dans l’année civile. Cette éventualité n’existe que pour les cadres à responsabilité qui disposent d’une certaine autonomie dans l’organisation de leur temps de travail et/ou « pour les salariés non-cadres dont la durée de travail ne peut pas être prédéterminée ».

Cette souplesse dans l’organisation du temps de travail est très encadrée. La loi exige un accord collectif de branche ou d’entreprise qui détermine les catégories de salariés concernés, ainsi qu’un avenant individuel au contrat de travail pour garantir l’accord du salarié concerné.

L’article L.3121-46 du code du travail envisage qu’un entretien annuel individuel soit organisé par l’employeur afin de vérifier la charge de travail, l’organisation du travail, tout comme « l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale du salarié ». L’employeur doit de plus solliciter, tous les ans, le comité social et économique sur le nombre de conventions de forfait jours conclues et sur le suivi de la charge de travail des salariés.

Durée annuelle du travail de 218 jours

Bien entendu, le salarié en forfait jours continue de bénéficier des garanties légales prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de congés payés et de jours fériés chômés dans l’entreprise.

L’article L. 3121-64 du code du travail plafonne, enfin, la durée annuelle du travail à 218 jours, journée de solidarité incluse. Au-delà, les salariés profitent de jours de repos compensateurs, dont le nombre correspond aux 365 jours de l’année auxquels on retranche les jours travaillés, les samedis et les dimanches, les jours fériés (hors week-end) et les jours de congés payés. Ainsi, pour l’année 2018, les salariés en forfait jours de 218 jours travaillés ont bénéficié de 9 jours de repos compensateur. En 2019, ils auront droit à 8 jours.

S’ils ne les ont pas pris ou pas tous pris, la loi prédit aussi que les salariés puissent y renoncer en contrepartie d’une majoration de salaire d’au moins 10 %. Un avenant de renonciation de jours de repos, dit « de rachat », et qui ne vaut que pour l’année en cours, doit obligatoirement être établi par écrit entre le salarié et l’employeur.

« Nous ne nécessiterions pas admettre le discours anxiogène annonceur d’un monde sans travail »

La robotisation ne signifie pas nécessairement la disparition des emplois, car l’innovation technologique peut créer de nouvelles occasions, estime le syndicaliste argentin Bruno Dobrusin.

Quasiment toutes les études sur « l’avenir du travail » prédisent que l’automatisation s’expliquera par des millions de chômeurs. La fameuse étude de 2013 effectuée par deux professeurs d’Oxford prévoit ainsi que dans une ou deux décennies 47 % des postes de travail aux Etats-Unis pourraient être occupés par des robots.

Ce type de conclusion laisse à réfléchir que le travail va disparaître. Cette idée, confortée par la multiplication des « petits boulots », est soutenue avant tout par les entreprises. Mais si les travailleurs et les syndicats avaient davantage droit au chapitre, l’avenir du travail pourrait être très différent.

Trois hypothèses amplement répandues introduisent un biais dans ces prévisions.

Première hypothèse : prochainement, l’automatisation complète des postes de travail va mettre les travailleurs au chômage. Mais cette idée est contestable, d’autant que les mêmes données peuvent conduire à des conclusions différentes. Ainsi, une étude de 2017 réalisée par l’Institut McKinsey, qui utilise des données similaires à celles utilisées par les professeurs d’Oxford, conclut qu’aux Etats-Unis seulement 5 % des postes de travail pourront être entièrement automatisés, mais que 60 % pourront l’être partiellement. Autrement dit, l’automatisation ne signifie pas nécessairement la disparition des emplois, mais qu’ils seront plus productifs.

Quoi qu’il en soit, les dispositions actuelles montrent qu’il faut démocratiser le processus d’automatisation des emplois. Ainsi la nouveauté (par exemple le recours à l’informatique par Amazon pour chronométrer les salariés dans ses entrepôts) peut se traduire par une baisse de productivité. La manière d’utiliser la technologie compte plus que la technologie elle-même.

Discours anxiogène

Deuxième hypothèse : avec l’automatisation, la plupart des laborieux seront perdants. Mais ce sont les citoyens et la politique – et non les machines – qui vont décider du sort des travailleurs. Si nous admettons l’idée que la technologie va améliorer la productivité (ce qui est contestable au vu de la faible croissance de la productivité au sein des pays de l’OCDE depuis une dizaine d’années), les travailleurs et les décideurs politiques devraient chercher un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle. La lutte pour une journée de travail de huit heures date de plus d’un siècle ; les négociations sociales devraient faire une place à la réduction du temps de travail. Le syndicat allemand de la métallurgie l’a déjà obtenu, d’autres devraient suivre.