Femmes dans les postes de responsabilités : un tournant ?
L’égalité est pratiquement prise au sein des conseils d’administration des grandes entreprises, grâce à la loi Coppé-Zimmermann. Mais les lieux de prise de terminaisons ne se féminisent que doucement.
Quelques mois après le raz-de-marée #metoo et l’attention de la loi Copé-Zimmermann de 2011 qui exige aux sociétés cotées d’appeler au moins 40 % de femmes dans les conseils d’administration, la parité s’améliore à petits pas au sein des instances dirigeantes des grandes entreprises. Sans surprise, ce sont les conseils d’administration qui expérimentent l’évolution la plus spectaculaire. Selon l’observatoire de la gouvernance des sociétés cotées d’Ethics & boards, au 1er mars 2019, la féminisation des conseils d’administration abouti même 43,7 % pour l’ensemble des sociétés du SBF 120 (un indice boursier qui rassemble 120 valeurs, parmi lesquelles les entreprises du CAC 40).
« Clairement, c’est par la loi que l’on a pu obtenir de tels résultats, estime Michel Ferrary, professeur de management à l’université de Genève et fondateur de l’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises. Rappelons qu’il y a vingt ans, on comptait seulement 11 % ou 12 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises. » Les sociétés cotées et les entreprises de plus de 500 salariés exposant un chiffre d’affaires net supérieur à 50 millions d’euros avaient jusqu’au 1er janvier 2017 pour se permettre au quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration exigé par la loi Copé-Zimmermann, sans quoi elles risquaient de lourdes sanctions : l’annulation des nominations non conformes à l’obligation de parité et la suspension des jetons de présence (la rétribution versée aux administrateurs pour leur participation au conseil). La menace du bâton semble avoir marché.
Pas de carences pour apercevoir les profils
Cheminé par les détracteurs de la loi Copé-Zimmermann, la preuve de la carence du vivier de talents féminins inoccupés pour prendre place au sein des conseils d’administration a fait long feu. « Je ne connais aucun conseil qui ait eu des difficultés pour trouver des profils adéquats », fait valoir Thierry Moreau, directeur associé chez Ernst & Young, le cabinet de conseils qui a édité le Panorama EY de la Gouvernance 2018.
En tête de proue, le groupe de luxe Kering est l’une des exceptionnelles entreprises à compter plus de femmes que d’hommes au sein de son conseil d’administration et une majorité de femmes managers au niveau du groupe. Le fruit d’une promesse de longue date : dès 2010, le groupe a lancé le programme « Leadership et Mixité » et mis en place des programmes de mentoring pour encourager l’accès des femmes aux postes de direction. Il participe pareillement au programme « Eve », des séminaires interentreprises de leadership au féminin.
Le 8 mars, l’Europe célèbre la Journée internationale des droits des femmes : rapports, déclarations, conférences, etc. La circonstance pour les institutions de mettre en avant leur travail en matière d’égalité hommes-femmes, sans forcément risquer faire référence aux vieux dossiers qui n’avancent pas.
Bien sûr, des choses sont faites partout dans l’Union européenne : une nouvelle législation vient d’être optée sur le congé parental et le congé de paternité. Mais d’autres, réciproquement, prennent la poussière dans les tiroirs des institutions. C’est le cas d’un projet de règle de 2012 visant à assurer la présence de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en Bourse, qui prévoit qu’en présence de candidats à qualifications égales, priorité doit être accordée au candidat du sexe sous-représenté. Un palier largement dépassé par la France (44 %), grâce notamment à sa loi du 28 juillet 2011, mais que tous les autres Etats membres peinent à atteindre (avec moins de 10 % pour l’Estonie et la Grèce).
Blocage d’une dizaine d’Etats membres
En présentant sa proposition en 2012, la Commission avait insisté sur la nécessité de ne pas perdre de temps, puisque, « au rythme actuel, quarante années seraient nécessaires pour parvenir à réduire les différences actuelles ». Or, sept ans ont passé. Mais une dizaine d’Etats membres – assez pour bloquer la proposition – s’y opposent. La Commission de Jean-Claude Juncker, soutenue par le Parlement, refuse de retirer son texte. Mais rien n’est sûr pour celle qui la remplacera.
Autre exemple, qui concerne le cœur des institutions : la formation sur la prévention du harcèlement, y compris sexuel, au Parlement européen. Elle bénéficie en théorie du soutien des députés. Ils ont pourtant refusé, en février, de la rendre obligatoire dans leur règlement intérieur, lors d’un vote à bulletin secret. Cette formation est pourtant défendue depuis plusieurs années par MeTooEP, un ensemble de travailleurs du Parlement européen actifs contre le harcèlement sexuel. Il a donc fait circuler une déclaration d’engagement contre le harcèlement sexuel faisant référence à cette formation. Ladite proclamation s’adresse aux députés et aux candidats députés à l’approche des élections européennes, mais demeurera valable ensuite. Et pas uniquement le 8 mars.