Le patronat et la discussion sur les retraites complémentaires
Les organisations d’employeurs présentent d’amplifier le champ des personnes qui ne seraient pas souples à un malus, au sein de l’Agirc-Arrco.
En ces temps de colère sociale, le patronat est prêt à faire de – menues – présents au sujet des caisses de retraites complémentaires du secteur privé (Agirc-Arrco). Escomptés dans une discussion avec les syndicats sur le pilotage du régime, il vient de transmettre un projet d’accord qui comporte des dispositions allant dans ce sens. Ce document de neuf pages, doit être observé vendredi 10 mai, à l’occasion d’une rencontre intégrale entre les partenaires sociaux qui pourrait être conclusive.
Il prédit d’agrandir les catégories de personnes qui ne sont pas soumises à un malus – aussi appelé « coefficient de solidarité » ou « décote » –, quand elles règlent leur retraite. Ainsi, la liste des adjudicataires de cette « exonération » s’allongerait, en incluant aussitôt les chômeurs en fin de droit, les personnes en incapacité, ainsi que celles ayant perçu l’allocation adulte handicapé (AAH) ou qui se sont vu avouer une incapacité permanente d’au moins 20 %, à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Encourager les personnes à travailler plus longtemps
Pour attraper l’importance de cette mesure, il faut affermir trois ans et demi en arrière. Fin octobre 2015, les ordonnances d’employeurs et trois confédérations de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC) signent un accord pour sortir du rouge les comptes très humiliés de l’Agirc et de l’Arrco. L’une des dispositions prises prévoit un système d’abattements et de bonifications, afin d’inciter les personnes à travailler plus longtemps. Ainsi, sauf exception, celui qui part à la retraite dès l’instant où il a droit au taux plein dans le régime de base (par exemple 62 ans pour un individu né en 1957 qui a cotisé 41,5 ans) a le choix entre trois scénarios : soit il cesse d’œuvrer, mais sa pension supplémentaire est alors diminuée de 10 % pendant trois ans ; soit il reste en poste jusqu’à 63 ans, ce qui lui permet de ne pas subir des sanctions financières ; soit il soutiens son activité au-delà de 63 ans, auquel cas sa pension Agirc-Arrco est élevée.
« Un tabou est tombé », se complimente alors Claude Tendil, le chef de file de la délégation patronale, qui s’est battu bec et ongles pour réussir la cooptation d’un tel agencement. Le Medef et ses alliés sollicitent, en effet, un report de l’âge minimum à partir duquel on peut liquider sa pension (pour le porter de 62 ans à 63 ans, voire davantage). Le malus engendré à l’Agirc-Arrco exauce partiellement leurs vœux, puisqu’il est de nature à modifier les comportements : si les assurés souhaitent échapper à la décote, ils doivent se maintenir en activité au-delà de 62 ans. A l’époque, la CGT et FO dénient d’entériner cette réforme, estimant qu’elle porte atteinte à l’âge légal de départ à la retraite. Les trois syndicats signataires, eux, s’y rassemblent, mais à contrecœur.
La Camif, commerçante en ligne de meubles et de linge de maison, est des premières « entreprises à mission ». Déterminé par la loi Pacte, ce statut dédie la notion d’intérêt social et ouvre la voie à une récente vision de l’entreprise. Son PDG, Emery Jacquillat, a prévenu tout le monde en faisant transformer les statuts de son entreprise dès novembre 2017.
Le capitalisme tel qu’on l’a connu vit-il ses dernières heures ?
Je ne peux pas le découvrir, mais il est vrai qu’il y a un modèle qui doit naître, et vite : un modèle d’entreprise plus participative avec une économie plus locale, plus inclusive, plus circulaire. Le chantier est énorme, il faut tout réinventer : le management, le modèle d’affaire, le cœur de l’offre… Nous n’avons plus le choix, il faut rendre nos activités acceptables sur le plan social et environnemental.
Est-ce que le passage sera doux ? Je ne le crois pas. Il y a aura des sociétés, des territoires et des régions qui seront incapables de s’assembler. Seules les entreprises les plus agiles et qui sauront utiliser le digital seront encore là dans vingt-cinq ou cinquante ans. Les actionnaires visionnaires auront vite compris que pour continuer à faire du profit il faudra miser sur des entreprises à impact positif. Le capitalisme responsable, c’est le capitalisme qui a tout compris.
Est-ce que vous restez optimiste pour la suite ?
Oui. Il y a chez de nombreux chefs d’entreprise et les collaborateurs cette soif de donner du sens. La prise de conscience collective s’est opérée dans les deux dernières années avec l’arrivée de Trump au pouvoir et la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris, la reproduction des rapports scientifiques alarmistes et plus récemment la démission de Nicolas Hulot. Les politiques ne savent plus faire ; c’est à nous de faire. L’entreprise « à mission » arrive à ce moment de notre histoire, pour arriver à encourager les entreprises à prendre des promesses qui se traduisent par des objectifs concrets et mesurables sur les enjeux sociaux et environnementaux.
Comment le digital peut-il aider les entreprises à prendre ce tournant ?
Tous les deux ans, on double le nombre de publications, de consciences abordables partageables par l’humanité. La donnée et l’intelligence sont aussitôt accessibles à toutes les entreprises. Je prends l’exemple de l’application Yuka, qui admet de scanner les produits alimentaires et d’estimer leur impact sur la santé. L’application utilise la base de données Open Food Facts. Demain l’IA sera accessible de la même manière. Tout l’enjeu est de s’obtenir de cette richesse d’informations pour la traduire en valeur économique, sociale et environnementale pour adoucir les défis.
La Camif est l’une des deux premières entreprises françaises à s’être affectées dans leurs statuts d’un « objet social étendu », « au bénéfice de l’homme et de la planète ». Comment y parvenir quand on vend des meubles et des objets de décoration ?
Demain on attirera mieux mais moins. Nous devons octroyer de la valeur aux objets qui nous terminent. En 2017, quand nous avons défini nos objectifs, nous avons acceptés qu’on n’y arrive pas en posant clairement notre cahier des charges sur la table des fabricants. Nous avons organisé un « Camifathon » pour assembler designers, consommateurs, fabricants et experts en économie circulaire.
De ces trois jours d’ateliers participatifs sont nées des collaborations, parfois entre des entreprises compétitrices, pour créer notre propre marque d’objets fabriqués à partir de déchets (canapés en tissus recyclés, matelas en matières recyclées, etc.). Pour nous, c’est une modification complete de métier. Nous passons de dispensateur à éditeur de meubles. Les chefs de produit deviennent des chefs de projets. C’est passionnant pour les équipes.
« Ce qu’on est en train de faire, je pense qu’on peut le faire dans tous les métiers »
Le digital permet aussi une meilleure information du client. Sur chaque fiche produit nous donnons le pays de fabrication, la liste des composants, des informations sur le fabricant… Nos recherches montrent que les clients veulent en savoir plus. Est-ce que les salariés sont heureux ? Est-ce que l’entreprise paye ses impôts en France ?
Cette clarté de l’information et la traçabilité des produits sont essentiels pour restituer la confiance dans les marques et permettre aux consommateurs de faire un choix éclairé. Cette révolution, on la mène à notre petite échelle. Quand on contient de fermer notre site le jour du Black Friday, cela a un impact fort dans notre écosystème. Ce qu’on est en train de faire, je pense qu’on peut le faire dans tous les métiers.