Quelle distance de rétributions entre riches et pauvres ? Quelle diversité entre diplômés et non-diplômés ? Jeunes ou âgé, qui sont les plus mal lotis ? Les femmes ou les étrangers sont-ils continuellement désavantagés ? Pour répliquer à ces questions qui secouent la société et ont sous-tendu le mouvement des « gilets jaunes », l’Observatoire des différences, association d’experts et de chercheurs, a proclamé, mardi 4 juin, son troisième rapport sur les inégalités en France.
Un état des lieux global est effectué en compilant des statistiques publiques et recherche sur plusieurs sujet : revenus, éducation, patrimoine, conditions de vie, etc. Après avoir limité le précédent rapport en dix graphiques, qui présentaient l’augmentation du nombre de pauvres en France, l’inégale répartition des revenus et du patrimoine, et le démarrage des hauts revenus, nous avons repéré, dans cette nouvelle édition, des statistiques plus « discrètes » mais dont les effets pèsent sur la vie habituelle et le ressenti de ceux qui les supportent.
1 – Au-delà du chômage, le halo du « mal emploi »
Le taux d’inactivité en France est tombé à 8,7 % de la population active, son plus bas niveau depuis dix ans, au premier trimestre 2019, selon l’Insee. Mais ce chiffre ne décompte que les personnes en recherche active et n’ayant pas du tout travaillé dans la semaine précédant l’enquête, et « reflète mal la dégradation du marché du travail », selon l’Observatoire des distinctions.
En effet, il ne tient pas compte des personnes « découragées », qui ne recherchent plus de travail et ne sont plus adaptées dans les statistiques, comme les mères de famille ou les personnes proches de la retraite. Ce public détourné représenterait 1,6 million de personnes. Si l’on y ajoute des salariés à temps partiel qui aimeraient travailler davantage ou des travailleurs en contrat précaire (intérim ou contrats à durée déterminée non choisi), l’ensemble de ces conditions concerne, selon le rapport, 26 % de la population active dans une situation de faiblesse vis-à-vis de l’emploi. Et encore, ce chiffre n’intègre pas les travailleurs « à leur compte » comme les chauffeurs de VTC ou certains livreurs en condition souvent précaire.
2 – L’absence de diplôme, de plus en plus discriminante
Le chômage a décru ces dernières années pour l’ensemble de la population active, mais reste à un niveau élevé (plus de 18 %) pour les personnes non diplômées. Dans les dix dernières années, leur situation s’est particulièrement dégradée par rapport à l’ensemble de la population active. Leur taux de chômage est désormais le double de la moyenne nationale, et quatre fois plus élevé que celui des personnes disposant d’au moins un bac + 2.
49 % des jeunes sans diplôme subissent le chômage
Cette inégalité est encore plus flagrante au moment de l’insertion professionnelle : selon une étude réalisée par le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq), trois ans après son entrée sur le marché du travail, le taux de chômage d’un jeune sans aucun diplôme atteignait 49 % en 2016, contre 19 % pour les titulaires d’un bac, et 10 % pour les bac + 5.
3 – Flexibilité horaire, rythme contraint : ouvriers et agents en première ligne
Non uniquement l’absence de diplôme obscurcit l’accès au travail, mais les emplois définitivement obtenus sont habituellement les plus pénibles au niveau des horaires, des accordes ou de la difficulté physique. Et ces contraintes ont tendance à augmenter durant ces dernières années.
44,6 % des salariés du commerce travaillent le dimanche
La « flexibilité » touche de plus en plus les ouvriers et employés. Ainsi, selon le ministère du travail, 28 % des salariés étaient conduits à œuvrer le dimanche en 2016 (contre 26 % en 2005). Ce taux passe à près d’un sur deux (44,6 %, contre 41,7 % en 2005) dans le secteur des commerces et services.
Si la moitié des travailleurs œuvrent sur un rythme normal, 18,8 % ont des horaires qui varient selon les jours, fixés par leur entreprise (contre 16,9 % en 2005). Plus d’un quart des ouvriers non qualifiés (26,6 %) n’apprennent pas les horaires du mois à venir, alors qu’ils n’étaient que 21 % en 2016. Sur la même période, la situation des cadres s’est progressée (16,4 % ne connaissaient pas leurs horaires, contre 24,3 % en 2006).
La souplesse se conduit aussi d’un plus grand contrôle du rythme de travail. La proportion de laborieux déclarant subir des rythmes contraints (cadence imposée, productivité, contrôle permanent, etc.) est passée, en dix ans, de 31,6 % à 35,2 %.
4 – La barrière des nouvelles technologies
Les usages liés aux nouvelles technologies évoluent très vite, mais restent inégalitaires. Si le téléphone portable est quasiment généralisé, seuls 66 % des plus pauvres disposent d’un ordinateur, contre 93 % des hauts revenus, selon une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc).
Le plus distinguant n’est pas la acquisition de matériel, mais surtout les usages. Or ceux-ci sont liés à l’âge et à la catégorie sociale : 93 % des cadres accomplissent des prospects administratifs sur Internet, mais c’est le cas d’uniquement 69 % des ouvriers et 62 % des retraités.
Finalement, l’Observatoire des différences rappelle qu’en 2018, 11 % de la population (et 16 % parmi les plus bas revenus) n’utilise pas du tout Internet, ce qui indique au total 6,4 millions de personnes.
5 – La télévision, miroir déformant de la société
Les inégalités sociales ne résident pas uniquement dans les revenus ou le taux de chômage, mais aussi dans des domaines plus symboliques, comme la clarté dans les médias. La crise des « gilets jaunes » a été l’occasion de donner la parole à des catégories sociales sous-représentées en temps normal à la télévision. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a ainsi accompli une étude en 2018, présentant que les cadres, qui n’évoquent que 9 % de la population française, employaient 60 % du temps d’antenne, alors que les employés, retraités et ouvriers sont sous-représentés.
6 – Treize ans de vie : l’écart entre riches et pauvres
La différence la plus cruelle concerne la santé. Selon une étude effectuée par l’Insee, les hommes aménageant du plus faible revenu ont une espérance de vie de 71,7 ans en moyenne – soit les niveaux des pays d’Asie ou d’Amérique du Sud –, contre 84,4 ans pour les 5 % les plus riches. L’écart devance aussi huit ans pour les femmes. Selon le rapport, ces différences sont liées à la difficulté accrue de certaines professions, mais aussi au coût élevé des soins. Ces chiffres peuvent aussi avoir une explication inverse : un faible niveau de revenus peut être la suite d’un accident du travail ou d’une longue maladie.