« On pense trop souvent que la question du vieillissement se résoudra avec de l’argent, mais cela appelle des réponses bien plus larges »

« On pense trop souvent que la question du vieillissement se résoudra avec de l’argent, mais cela appelle des réponses bien plus larges »

L’économiste Hippolyte d’Albis, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), en juillet 2021.

Directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Ecole d’économie de Paris et coprésident du Cercle des économistes, Hippolyte d’Albis est l’auteur de l’ouvrage Les Seniors et l’Emploi (Les Presses de Sciences Po, 2022).

La question du vieillissement démographique est-elle suffisamment prise en compte dans les politiques économiques aujourd’hui ?

La démographie est présente dans beaucoup de réflexions mais elle souffre de deux clichés opposés et contradictoires. Le premier, c’est qu’on la pense comme un enjeu du très long terme. Or ce n’est pas vrai. Dans dix ans, la population des plus de 60 ans pourrait augmenter de 2,7 millions de personnes, soit 14 % de plus qu’aujourd’hui. Dix ans, c’est demain ! Le deuxième cliché, c’est l’idée que la démographie est un phénomène prévisible. En fait, ce n’est pas du tout le cas.

La démographie dépend de nombre de dimensions non maîtrisées, d’incertitudes, comme on l’a vu lors de la crise du Covid-19 ou avec la question des flux migratoires, notamment en provenance de l’Union européenne – que l’on ne peut donc pas maîtriser –, et ceux liés aux départs. Le risque n’est pas de ne pas prendre en compte la démographie, mais plutôt d’ignorer l’incertitude liée à son évolution.

Comment l’aborder ?

On pense trop souvent que la question du vieillissement se résoudra avec de l’argent. Quand on parle de dépendance, par exemple, on renvoie systématiquement au problème du financement de cette dépendance. Mais la question appelle des réponses bien plus larges. La dépendance n’est pas qu’une question d’argent, c’est tout un secteur, une industrie à développer : des logements pour héberger les personnes, des professionnels pour les accompagner, les soigner, et donc des filières de formation pour leur donner les bonnes compétences…

La question de l’attractivité des métiers du « care » est fondamentale : elle passe par des revalorisations salariales, mais pas seulement. C’est la même chose pour l’emploi des seniors, un sujet dont on parle beaucoup actuellement. Il ne s’agit pas seulement de mettre des financements ou des règles, mais plutôt de réfléchir à la formation tout au long de la vie. Il faut penser tout cela en amont.

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La France pourra-t-elle se passer de main-d’œuvre immigrée pour compenser les départs en retraite des baby-boomeurs ?

En France, la part de personnes en activité par rapport à la population totale est de 44 %. Cela signifie que moins d’une personne sur deux travaille. C’est un chiffre qui ne devrait pas beaucoup changer sur la prochaine décennie, car la progression de l’activité des femmes et des seniors compense à peu près les départs en retraite. Mais 44 %, c’est très peu et cela se traduit par le fait que les heures travaillées par habitant sont plus faibles en France qu’ailleurs.

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