« On le savait, on le redoutait. On se demandait juste quand ça allait arriver » : dans le Lunévillois, la lente agonie des faïences de l’Est

« On le savait, on le redoutait. On se demandait juste quand ça allait arriver » : dans le Lunévillois, la lente agonie des faïences de l’Est

Autrefois, la Lorraine était une terre d’élection pour les arts du feu. Faïenceries et cristalleries y brillaient depuis le XVIIIe siècle. Mais avec la disparition des faïenceries de Saint-Clément (Meurthe-et-Moselle), dans le Lunévillois, placées en liquidation judiciaire le 21 mars, une page de l’histoire se tourne. Le lendemain, les cinq derniers ouvriers faïenciers, qui continuaient, dans une manufacture en délitement, à décorer à la main des pièces du stock, ont été convoqués pour un entretien préalable à leur licenciement. « Les gars, ça faisait plusieurs mois qu’ils n’avaient plus de camelote pour bosser, maugrée un ancien de l’usine, aujourd’hui en retraite. Ils décoraient des vieux sujets, ils n’avaient rien que de la vieille terre pour bosser. »

Jean-Claude Kergoat, le gérant de l’entreprise, à la tête du groupe Les Jolies Céramiques, qui avait repris les faïenceries de Saint-Clément en 2012, est amer. « J’ai été lâché par tout le monde : les décideurs locaux, les politiques. J’étais dans le désert total. Seul un repreneur qui aurait beaucoup de courage, un peu de talent et l’envie de sauver ce patrimoine historique pourrait éviter la disparition de Saint-Clément et d’un savoir-faire précieux. Je l’attends. »

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Une accusation que réfute Bruno Minutiello, le président de la communauté de communes du territoire de Lunéville à Baccarat, qui connaît bien le dossier. « Il y a un an, nous avons vu M. Kergoat, car la situation était préoccupante. Il n’y avait plus dans la manufacture que deux ouvriers qui travaillaient la faïence. Le dirigeant nous faisait des demandes de subvention que nous ne pouvions honorer. On n’a pas pu ouvrir le débat pour parler d’une relance de la production. Aujourd’hui, ce qui compte, c’est le savoir-faire que très peu de personnes, qui sont en outre d’un âge avancé, détiennent. On est en contact avec la DRAC [direction régionale des affaires culturelles] pour essayer de sauver les meubles et la marque Saint-Clément, qui est propriété de la communauté de communes. »

« Les gens vont chez Ikea s’acheter des assiettes »

« On le savait, on le redoutait. On se demandait juste quand ça allait arriver » : Catherine Calame, présidente de l’association Saint-Clément, ses fayences et son passé, est la mémoire de cet art qui remonte à 1758, lorsque la faïencerie fut créée pour rivaliser avec la porcelaine fine et décorer richement les tables de la cour lorraine, à Lunéville. Au fil du temps, des services de table ornés de fleurs ou de coqs, ou des sujets moulés, sont sortis de la manufacture, fort prisés par une clientèle lorraine.

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