« Œuvres choisies de droit social », une bible par le juriste Jean-Jacques Dupeyroux

« Œuvres choisies de droit social », une bible par le juriste Jean-Jacques Dupeyroux

Souvent, de bon matin, venant du quartier Montparnasse où il habitait en face de la Caisse nationale d’assurance-maladie, Jean-Jacques Dupeyroux déposait rue des Italiens, au siège du Monde, un article écrit de sa main. Immanquablement il était publié. Mort en mai 2020, à 91 ans, directeur de la revue Droit social de 1974 à 2011, ce farouche laïque, qui avait notamment travaillé sur la contribution sociale généralisée, n’aimait pas cette formule, mais « JJD » était incontestablement « le pape de la protection sociale ».

Qu’il s’agisse de la Sécurité sociale, sa passion, de la politique familiale, des accidents du travail, du droit du travail, du conseil des prud’hommes – il avait présidé le Conseil supérieur de la prud’homie – ou du droit de grève, il avait l’art, avec une plume souvent incisive et une ironie mordante, de rendre simple et attrayante une matière complexe et austère.

Des universitaires qui étaient ses amis ont eu la riche idée de réunir, dans Œuvres choisies de droit social (Dalloz, 850 p., 70 €), soixante-cinq articles du professeur, de nature différente, des billets et des papiers à thèse, publiés dans Droit social, Le Monde et Libération. « Il a incarné le droit de la Sécurité sociale pour de nombreuses générations d’étudiants et de professionnels, écrit dans sa préface Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’Etat. Il a inspiré bien des politiques sociales. » « Homme de bruit et de fureur », cet agrégé des facultés de droit, qui a longtemps enseigné à l’université Panthéon-Assas, « savait défendre avec une ténacité légendaire, rappelle M. Tabuteau, les causes qui lui tenaient à cœur : l’égalité entre les femmes et les hommes, la protection des oubliés de la société, des détenus aux prostituées, et plus largement la réduction des inégalités de ressources et de culture ».

« Ratage monumental »

De cette bible du droit social, on retiendra quelques pépites. Pour le 50anniversaire de la « Sécu », en 1995, « JJD » parle du « ratage monumental » de l’Assurance-maladie parce que « les intérêts tenus pour prioritaires furent ceux du corps médical et nullement ceux des assurés sociaux. Il en résulta, dans les années qui suivirent, un enrichissement vertigineux du premier aux frais des seconds : ce fut “l’âge d’or” de la médecine, accompagné d’un enlisement de l’Assurance-maladie dont il n’est pas certain qu’elle se relève jamais ».

Lors du plan Juppé, toujours en 1995, il fustige le projet de « débarrasser la Sécurité sociale d’une emprise syndicale déplorable (…), ce qui n’a pas empêché nombre de ceux qui, la veille, réclamaient à grands cris des syndicats forts, d’applaudir béatement : des syndicats forts, certes, mais à condition que ce soit de bons syndicats »…

Il vous reste 14.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.