« Nous devons sortir d’une situation paradoxale où des entreprises, d’un côté, nous aident à vivre, et d’un autre côté, abîment le vivant »

« Nous devons sortir d’une situation paradoxale où des entreprises, d’un côté, nous aident à vivre, et d’un autre côté, abîment le vivant »

Il s’en est fallu de peu pour que l’adoption de la qualité de société à mission ne soit imposée aux groupes d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés.

D’abord votée par l’Assemblée nationale le 21 novembre 2023 sur proposition de la députée Annie Vidal (Renaissance), cette disposition a ensuite été abandonnée par la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 12 mars pour finaliser la loi « bien vieillir », votée définitivement le 27 mars. Il a été choisi de préserver le « cadre volontaire » de l’adoption de la qualité de société à mission, qui serait, pour certains, garant d’une plus forte responsabilisation des acteurs et d’une démarche plus authentique.

Ce débat parlementaire non médiatisé est toutefois digne d’intérêt parce qu’il a posé une question cruciale, celle des spécificités de l’économie de la vie et des formes d’entreprise qui doivent y être développées. « L’économie de la vie », pour reprendre le titre du livre de Jacques Attali (Fayard, 2020), regroupe tous les secteurs qui, d’une façon ou d’une autre et de près ou de loin, se donnent pour mission la défense de la vie : la santé, l’alimentation, l’eau, l’énergie, mais aussi l’éducation, la culture, l’assurance…

De nombreux exemples montrent que la société ne tolère plus que ces secteurs détruisent ce qu’ils sont censés protéger. Comment accepter que l’agriculture intensive nuise exagérément à la biodiversité, au stockage de carbone dans les sols et parfois directement à notre santé ? Comment accepter que le secteur sanitaire et médico-social réifie ses salariés au point de créer des problèmes psychosociaux majeurs et d’aggraver les risques de maltraitance ?

Des logiques de gestion différentes

Il est temps d’officialiser le fait que les entreprises de ces secteurs ne doivent plus être gérées uniquement au profit de leurs actionnaires. Nous pouvons exiger qu’elles aient un impact positif sur la qualité de vie au travail de leurs salariés, sur la santé de leurs clients et sur les écosystèmes naturels. Nous sortirions d’une situation paradoxale où des entreprises, d’un côté, nous aident à vivre, et d’un autre côté, abîment le vivant, tout en générant des coûts que la collectivité se charge d’assumer : problèmes de santé publique, crises environnementales…

Lire aussi la chronique : Article réservé à nos abonnés « Des sociétés à mission pour les Ehpad ? »

C’est justement pour répondre à cet enjeu que la qualité de société à mission a été instaurée en 2019 par la loi Pacte [Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises] et déjà adoptée par plus de 1 500 entreprises. Ces dernières modifient leurs statuts pour y inscrire une mission, c’est-à-dire une raison d’être, ainsi que des objectifs sociaux et environnementaux qu’elles s’engagent à poursuivre. Un contrôle de l’exécution de cette mission est effectué en continu par un « comité de mission », nouvel organe de gouvernance représentant les parties affectées par l’activité de l’entreprise (salariés, clients, environnement…), et par un organisme tiers indépendant, qui s’apparente à un commissaire aux comptes pour les engagements extrafinanciers.

Il vous reste 50.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.